Week-end à Vaumarcus

Publié par olivier-seronet le 03.04.2009
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Du 17 au 19 octobre 2008, l’association LHIVE, association des personnes vivant avec le VIH ou concernés par la maladie en Suisse, a organisé à Vaumarcus, dans le canton de Neuchâtel, le Forum des personnes séropositives de Suisse. Remaides Suisse était présent pour faire ce trait d’union entre ce moment unique de rencontre et de partage et celles et ceux d’entre vous qui n’ont pu y participer.
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Arrivée à Vaumarcus, petit village accroché au coteau au bord du lac de Neuchâtel, vignes et forêts d’un côté, alpes bernoises de l’autre. Voilà presque deux heures que nous roulons, trois cantons déjà traversés. Dans le camion, les discussions portent à croire que le Forum a déjà commencé… L’arrivée des participants au camp de Vaumarcus se fait tout au long de l’après midi, tout le monde se salue et se présente, on dirait presque une réunion de famille. Réunion de famille ou camp scout ? A peine arrivé, chacun prend aussi possession de son espace dortoir. C’est parti pour trois jours de vie en communauté. S’enchaîneront plénières et petits groupes de travail. Et puis il y a le “off”, les rencontres, les émotions, les discussions jusqu’à tard dans la nuit, où l’on refait le monde. Tous ces moments sont marqués d’un respect immense de chacun et de ses différences, la première étant la langue. Trois jours pendant lesquels l’interprétariat français/allemand sera autogéré par les participants.

Vendredi 17 octobre 2008, 18h00. C’est parti, première plénière, il y a près d’une centaine de participants. Inutile de dresser l’étendue des personnalités rassemblées ici, mais la diversité est bel et bien la richesse de ce groupe. Les organisateurs de LHIVE présentent le programme du week-end. Les plénières et groupes de travail s’organiseront autour de thèmes comme “Visibilité-Invisibilité”, “Quel dénominateur commun à nous tous ?” ou encore “La normalité, c’est quoi ?” C’est également le moment pour que les attentes de chacun s’expriment : faire diminuer les préjugés, s’accepter et se respecter, voir des personnes séropositives “actives” ou encore parler de son VIH sans crainte. Les propos de Michèle Meyer, la présidente de LHIVE résument bien ce qui est attendu de ce forum : “Pour moi, c’est nous, les personnes séropositives, qui donnons une base à cette lutte. Nous aidons à mieux comprendre les enjeux au travers de nos individualités.”

Pauline, séronégative, Bâle. Ce qui m’a le plus touchée, ce sont les images que chacun porte. C’est un problème pour moi car je suis africaine et dans la communauté, c’est beaucoup de rejet. Quand je vois aujourd’hui mes sœurs africaines avec qui je parle de choses vraiment très profondes, nous parlons de la sexualité, de comment ça se passe avec leurs maris et il y a les frères qui parlent ouvertement et c’est pour ça que je ne regrette pas de passer du temps dans un événement pareil. Ici, on peut en parler, et ils le disent bien que dehors ce n’est pas pareil, mais là on peut commencer à casser une partie du mur. Je repars avec plein d’émotion et d’encouragement, de cet échange. Moi, cette maladie,  je la trouve normale.

Samedi 18 octobre 2008, dans l’après midi. C’est un moment d’une extrême quiétude, alors que les discussions sont chargées de ce qui n’a pas pu être exprimé ailleurs. Les ateliers de la journée portent sur les images que chacun a de la maladie et les images qui sont renvoyées par ceux qui ne sont pas séropositifs. Les images les plus souvent rapportées sont celles en lien avec l’invalidité ou encore de la “responsabilité”. C’est un incroyable besoin de “normalisation” pour bon nombre de participants, ce ras-le-bol d’être différent. Certains trouvent d’ailleurs qu’une vieille image colle trop au sida, c’est celle de la peur, ou de la mort. Certains parlent de l’humour comme arme de normalisation, comme cette [trop] rare blague sur les séroposi-tifs raconté par un couple de participants séropositifs, âme sensible s’abstenir : “Quelle est la différence entre une pizza et un séropositif ? La pizza, on peut la choisir sans champignon !"

Urs, Zurich. Je voulais venir pour une prise de contact avec LHIVE car j’ai connu les anciennes organisations de personnes séropositives comme PWA Suisse et aujourd’hui nous n’avons plus cette “voix”. Je suis content d’être venu, de faire des rencontres et de revoir des personnes. Maintenant, je vois qu’il y a beaucoup de travail à faire, que c’est un mouvement qui se construit. Je me vois y faire quelque chose. En tout cas, je fais partie de ce groupe maintenant. Il faut agrandir notre base de membres car nous sommes d’anciens activistes et il y a besoin de forces nouvelles à trouver !

Dimanche 19 octobre 2008, 15h00. La synthèse des travaux du Forum montre que le dénominateur commun à tous, au-delà de leur diversité, gays, toxicomanes, femmes, jeunes, plus vieux, ceux qui vont bien, ceux qui vont moins bien, etc. ce sont ces discriminations subies. C’est ce qui devra faire l’objet d’un combat collectif : “Si nous voulons être acceptés dans la société, s’il faut lutter pour cela, pour être “normal”… dans le sens de ne pas être stigmatisés, discriminés, il faut être visibles, touchables, présents." Vaumarcus aura été vécu comme un début pour donner la possibilité à chacun de devenir visible. La proposition est faite à ceux qui le veulent et qui acceptent cette visibilité de commencer le travail, commencer à changer les structures pour que les autres aient ensuite le choix. Comme le dit Michèle Meyer : “Pour le moment, nous avons le choix entre nous cacher ou être des martyrs. Nous voulons arriver à la liberté de choix." En conclusion : “Nous ne changerons pas une société si nous sommes tous invisibles."

René, 40 ans, Saint-Gall
Moi, ma motivation était de rencontrer du monde, de faire des rencontres de personnes qui sont dans des situations comme moi.

Beni, 22 ans,
né avec le VIH, Zurich
J’ai rencontré pendant ce Forum, pas seulement des jeunes, mais d’autres séropositifs, contaminés d’une autre manière, c’était une vraie expérience.

Rose, 43 ans,
camerounaise, Genève
Cette retraite a été très bénéfique pour moi. Les questions que j’avais avant de venir ont trouvé presque toutes leurs réponses. Je suis aussi heureuse de rentrer bien nourrie, bien informée, l’esprit bien dégagé, bien à l’aise, et nous avons été bien reçus. Cette estime de soi, cette responsabilité d’être soi-même, je me sens plus forte maintenant. Je me sens capable d’affronter des choses que je me sentais pas capable d’affronter quelques temps avant. Je me sentais un peu bloquée depuis un temps. Moi, j’ai mon engagement dans une association, mais je me sens capable d’aller plus loin, je veux davantage croire en nous. Je veux aussi affronter mes peurs.

Illustrations : Nicolas Ducret

Commentaires

Portrait de lexav

Je trouve que c'est une super idée ce genre rencontre, et je me demande si il n'y aurai pas poyen d'en faire autant, ailleurs, je suis sûr que cela aurait des côtés bénéfiques, pour tous, surtout dans une région comme ici, où mal heureusement, personne ne peut se voir, personne ne peut confronté ses pensés et son vécu. Je trouve que c'est dommage que des malades ne puissent pas se rencontrer, même si c'est juste pour partager un simple repas, sans forcément de parler de la maladie, mais trois jours comme ceux étaient sûrement très instructif, et ce de tous points. Je croie que si il est possible de faire la même chose ici, cela donnerai un sens à beaucoup de choses, qui me paraissent importantes. Mais bien sûr tant que l'on ne peut partager ce que l'on pense, cela creuse encore plus les problèmes que nous rencontrons, et renforce l'isolement, même si pour ma part je suis entouré par la famille et les amis. Je ne sais pas si pour vous mes pensés vont dans le même sens. Mais j'espère et j'aimerai bien dynamiser, avec ce genre d'animation mon département qui je croie en manque.