Le rêve de la guérison : les grandes pistes

Guérir du VIH. Longtemps tabou, le rêve réapparaît dans les éprouvettes. Fruit de deux ans de travail, une stratégie scientifique mondiale a été lancée en juillet 2012.

Deux objectifs sont poursuivis : la guérison totale, disparition totale du VIH de l’organisme et la guérison fonctionnelle, obtention d’une charge virale VIH indétectable sans prendre de traitement au long cours, sans être malade et sans risque de transmettre le virus.

Sept priorités de recherche ont été identifiées par les chercheurs-ses pour les atteindre :

1 - les mécanismes viraux de la persistance du VIH dans l’organisme ;
2 - les tissus et les cellules à l’origine de cette persistance ;

3 - les origines et conséquences de l’inflammation ;
4 - les mécanismes de contrôle de l’infection ;

5 - les dispositifs permettant de mesurer l’infection persistante ;
6 - les agents thérapeutiques ou stratégies immunologiques d’élimination de l’infection ;

7 - l’amélioration des capacités à contrôler la réplication du virus.

Le cas de Timothy Ray Brown, plus connu sous le nom de « patient de Berlin », a remis ces recherches au goût du jour. En 2006, cet homme séropositif a été « guéri » du VIH à l’occasion d’une greffe de moelle osseuse qui était nécessaire pour soigner sa leucémie (cancer du sang). En effet, le donneur choisi pour la greffe était naturellement résistant au VIH : il était porteur de la double mutation delta 32 (présente chez moins de 0,3 % de la population) qui provoque l’absence des co-récepteurs CCR5, qui sont une des « serrures » indispensables pour que le VIH entre dans nos cellules. La greffe de moelle osseuse résistante est une technique lourde et risquée, à laquelle les médecins n’ont procédé qu’en raison du risque vital lié au cancer. Elle ne sera pas applicable à large échelle. Mais elle montre que la guérison du VIH est possible. D’autres équipes développent des approches de thérapie génique qui visent à supprimer les gènes des CCR5 de nos cellules CD4 ; ou mieux, des cellules souches du système immunitaire, afin de produire des cellules résistantes. Les premiers essais chez l’homme ont commencé mais ces recherches restent préliminaires.

Mieux comprendre les cellules-réservoirs reste la principale voie de recherche. Il s’agit de cellules où le virus peut rester dormant pendant des années, avant de se réveiller de façon aléatoire, ce qui oblige à la prise d’un traitement ARV à vie. Des études ont montré qu’il faudra des approches supplémentaires très spécifiques (immunothérapie, par exemple) pour les éliminer après le réveil provoqué de ces cellules.

Lutter contre l’inflammation liée au VIH. On parle de plus en plus de l’inflammation chronique qui persiste chez les séropositifs-ves, même sous traitement efficace. Elle est notamment liée à l’altération par l’infection à VIH de la barrière immunitaire du tube digestif. Ce qui permet ce qu’on appelle la translocation microbienne, c’est- à-dire que des fragments bactériens pro-inflammatoires passent dans le sang. Plusieurs défis attendent les scientifiques. En premier lieu, identifier les marqueurs d’inflammation les plus pertinents (il en existe une kyrielle : interleukine 6, TNF-alpha...). Plusieurs solutions thérapeutiques sont dans les tuyaux, des statines aux anti-inflammatoires. Mais il faudra vérifier que les bénéfices sont supérieurs aux risques. D’autres études se penchent sur le renforcement du microbiote (flore intestinale) et l’impact de compléments avec probiotiques (bonnes bactéries ou levures) qui pourraient contribuer à restaurer cette barrière. Côté vaccin thérapeutique, certains candidats visent à réduire la suractivation immunitaire en espérant parvenir à protéger les CD4.

Les chercheurs-ses tentent aussi de comprendre ce qui permet aux personnes « contrôleuses du VIH » d’avoir une charge virale indétectable durablement, sans prendre de traitement. À l’étude également, les personnes dites « Visconti », qui contrôlent le virus naturellement après avoir commencé un traitement ARV extrêmement tôt après l’infection, et interrompu quelques années plus tard. Des essais de vaccination thérapeutique (stimulation du système immunitaire dans un but de contrôle du VIH) sont aussi en cours.

La stratégie mondiale comporte des volets éthiques, économiques, de sciences sociales et de relations avec l’industrie pharmaceutique. Un des enjeux sera son financement : en France, l’ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales) consacre 4,5 millions (10 % de son budget) à la recherche Cure. Elle collabore avec les américains qui ont annoncé un financement de 13 millions de dollars par an entre 2013 et 2018. Signe d’un intérêt de plus en plus fort, l’industrie pharmaceutique est sur les rangs et collabore avec les organismes de recherche publics. Mais si la machine de recherche est bel et bien lancée, il est impossible de dire quand elle produira ses premiers fruits.