VHC

AAD : Interactions médicamenteuses

Interactions médicamenteuses avec les nouveaux traitements de l’hépatite C, le bon, la brute et le truand 


En absence de vaccin, les antiviraux d’action directe efficaces (AAD), sûrs et bien tolérés, ont radicalement changé l’éventail thérapeutique de l’hépatite C chronique qui affecte environ 200 000 personnes en France. Les traitements qui posaient problème dans le passé, en particulier par leur faible efficacité et leurs sévères effets secondaires , tels que ceux observés avec l’interféron α 2b, sont désormais caduques. Cependant les interactions médicamenteuses (IM) continuent d’être un formidable défi. Leur étude est nécessaire pour évaluer la fréquence et les catégories d’IM, chez les malades porteurs du virus de l’hépatite C traités par ces nouvelles molécules. Ces IM pourraient être si dramatiques et sérieuses qu’elles compromettraient la santé et la sécurité des malades. 

Une cohorte de 261 patients a été étudiée (1), en Allemagne, afin d’estimer les IM potentielles de chaque schéma thérapeutique utilisant des AAD pour lutter contre les diverses souches du virus de l’hépatite C. Les prescriptions médicales mais aussi les médicaments en vente libre, les compléments alimentaires en vitamines, minéraux et les spécialités de phytothérapie ont été inclus dans l’analyse. Si 20 % des patients n’ont suivi aucun traitement autre que des AAD anti VHC, le nombre médian de médicaments supplémentaires a été de 2 par patient (entre 0 et 15). Quatre-vingt pour cent des patients prenaient au moins un remède, la plupart du temps des antiacides inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), des antihypertenseurs (AHT), des inhibiteurs de l’aldostérone (IA), et des hormones thyroïdiennes (HT). Les données cliniques d’IM, fréquentes, ont été identifiées, grâce à un pharmacologue, pour chaque schéma thérapeutique, allant de 9,6 % pour les malades traités par les AAD – analogues de nucléotides – Sovaldi® et Rebetol®, jusqu’à 66,3 % pour la combinaison des trois AAD du Viekirax® associé ou non à l’Exviera®. À titre comparatif, les taux d’IM observés avec l’Incivo® ou avec le bocéprévir ont été respectivement de 53,6 % et de 55,2 %. Ces données illustrent la pertinence de recenser les IM en clinique et la nécessité de mieux gérer ces interactions pour améliorer la santé des patients de façon effective. 

Le bon 

Toutes les IM ne sont pas délétères, certaines présentent même des bénéfices non négligeables. Par exemple, le ritonavir augmente la demi-vie et l’efficacité antivirale du paritaprevir au sein du Viekirax, ce qui permet d’en diminuer la dose quotidienne. Le ritonavir inhibe également la formation de métabolites toxiques du danoprevir, un inhibiteur de protéases du VHC. 

La brute 

Un défi important reste l’évaluation et la gestion clinique des IM potentielles. Il existe peu d’études exhaustives des IM entre les AAD et les médicaments en vente libre. La phytothérapie, en particulier, est rarement prise en compte dans les interactions. En outre, les IM n’ont pas été étudiées, dans la cohorte allemande, chez les malades hospitalisés ayant de multiples comorbidités pour lesquelles de nombreuses et diverses IM sont identifiées. L’interprétation et la gestion des IM est extrêmement complexe et requiert une analyse fine par un pharmacien clinicien expérimenté. En fonction de l’état des malades, de leur pays et de leurs pratiques, la quantité, le type et la sévérité des IM varient énormément. Un autre problème est que les patients coinfectés par le VIH ou le VHB – ce qui est assez fréquent –, n’ont pas été inclus dans l’étude, or les IM associées aux antiviraux utilisés pour traiter le VIH ou le VHB sont communes et il faut pouvoir les réduire afin de contribuer, autant que faire se peut, au succès thérapeutique. Aux États-Unis (2), une compagnie d’assurance maladie a divulgué que pour plus de 50 000 malades infectés de façon chronique par le VHC – entre 2006 et 2010 – les classes de médicaments les plus utilisés étaient les antiviraux, les analgésiques, les antipyrétiques, les antidépresseurs, les IPP et les benzodiazépines. Ces classes médicamenteuses sont plus variées que celles utilisées en Allemagne et ont un potentiel d’interaction différent. De plus, les résultats indiquent que les malades nord-américains prennent davantage de médicaments de classes pharmacologiques différentes que les allemands infectés par le VHC. L’étude effectuée par l’Université du Colorado, conduite par un pharmacien clinicien et un médecin hépatologue, a permis de recenser les IM, d’analyser le bilan hépatorénal, d’établir les contre-indications au traitement afin d’ajuster au mieux ce dernier. Sur une cohorte de 650 malades, ils ont observé une moyenne de 7,8 médicaments et de 1,8 IM per capita. Pour gérer ces interactions 36 % des malades ont dû modifier l’administration du composé à risque ou l’arrêter totalement. Pour 24 % des patients, l’analyse a dû être approfondie à cause d’effets potentiellement toxiques. Les anticonvulsivants tels que les barbituriques sont à proscrire en cas de traitement par le Sovaldi®. Les maladies cardiaques peuvent être traitées par de multiples classes thérapeutiques ; les antiarythmiques tels que l’amiodarone sont contre-indiqués avec le Sovaldi®, les α et ß bloquants le sont avec le Rebetol®. Les cardiologues doivent donc aussi être associés dans la prise en charge médicamenteuse des malades cardiaques infectés par le VHC. De nombreux malades font également appel à la phytothérapie : 44 % des patients de la cohorte l’ont admis. Ainsi, le millepertuis utilisé pour améliorer l’humeur en cas de dépression diminue l’efficacité du Sovaldi®. 

Le truand 

Dans les cas où une transplantation est nécessaire et où les immunosuppresseurs sont indispensables, une grande vigilance s’impose. Les IM associées aux AAD peuvent être très dangereuses. Plusieurs AAD tels que le télaprevir, le bocéprevir et le Viekirax® sont contre-indiqués avec la ciclosporine, le tacrolimus, le Rapamus®, l’Afinitor®. Ces IM sont susceptibles d’augmenter les risques de rejet du greffon et, à l’extrême, de provoquer la mort. 

Ces deux études ont bien souligné la fréquence des IM chez les patients infectés par le VHC. L’identification de ces IM est un défi qui prend beaucoup de temps. De plus la liste exhaustive des médicaments – notamment ceux disponibles en vente libre – utilisés par les malades est difficile à établir. Les spécialités phytothérapiques à base de millepertuis, ainsi que la plupart des antiacides sont à proscrire. Étant donné que les pharmaciens d’officine ne connaissent pas toujours les données d’automédication des patients et peuvent donc difficilement les prémunir contre d’éventuelles IM, une approche multidisciplinaire du traitement de l’hépatite C chronique est nécessaire. Cette approche doit alerter les professionnels de santé et, intégrer dans l’équipe médicale un pharmacien clinicien afin d’identifier et de pouvoir gérer, au mieux, les IM dans l’intérêt des malades et, ce, au regard du coût très élevé de ces nouveaux traitements pour l’assurance maladie. 

Références 

1) Höner Zu Siederdissen C et coll. Drug-Drug interactions with novel all-oral interferon-free antiviral agents in a large real world cohort. Clin. Infect Dis., 2016; 62: 561-7. 

2) Langness J A et Everson G T 2016. Drug-drug interactions in HCV treatment – the good, the bad and the ugly. Nature reviews gastroenterology & hepatology 2016; publication avancée en ligne le 17 février. doi:10.1038/nrgastro.2016.24


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Recommandations AFEF Février 2016

http://www.afef.asso.fr/ckfinder/userfiles/files/recommandations-textes-...

Le niveau de preuve de chaque proposition thérapeutique a été défini comme suit : 
- A : études de phase 3, ou études contrôlées ou études de plus de 100 patients 
- B : études pilotes 
- C : aucune donnée disponible, avis d’expert 
Lorsqu’un schéma thérapeutique est indiqué avec un niveau de preuve A, aucun avis d’expert de niveau C n’a été retenu. 

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