Deux couples témoignent

L’amour ne dépend pas du statut sérologique. Les traitements sont efficaces, les outils préventifs divers.

Vincent et Christophe, en couple depuis 22 ans

« Comme de nombreux couples nous sommes passés de la sérodifférence à la séro-concordance ! Au début de notre relation, ne pas avoir le même statut sérologique n’a jamais posé de soucis particuliers si ce n’est la crainte pour moi de contaminer Christophe car déjà à l’époque nos rapports sexuels étaient rarement protégés aussi bien entre nous qu’avec certains partenaires.

Nous avions témoigné de notre sérodifférence pour une campagne de communication inédite à large diffusion (5 000 affiches et 40 000 cartes postales). C’était en 1997 et nous abordions déjà la difficulté de se protéger par préservatif et la notion de charge virale indétectable ! Les trithérapies avaient montré leur efficacité et l’importance de les prendre correctement. Ce fut l’occasion pour nous d’annoncer ma séropositivité à nos familles et amis en leur envoyant une carte postale ; annonce qui fut bien accueillie ! Cette visibilité de la sérodifférence fut un grand moment dans notre histoire et la diffusion de la campagne était telle que nous étions régulièrement interpellés dans la rue et les bars par des gays qui nous remerciaient. Pouvoir témoigner de son vécu avec le VIH est un luxe qu’il faut utiliser pour accompagner et soutenir ceux qui ne le peuvent pas. Quelques mois plus tard Christophe se contamina mais nous n’avons jamais pu savoir si c’était moi ou un autre partenaire.

Être tous les deux séropositifs fut malgré tout plus facile à gérer au quotidien car la crainte de contaminer l’autre s’en alla. Il y eu comme une forme de soulagement... Partager notre statut permet de mieux comprendre l’autre, d’être à l’écoute, de faire attention l’un à l’autre et de faire des bilans réguliers pour les IST. Mais le VIH est seulement un aspect de notre quotidien, il n’est pas au centre de nos vies ni responsable des difficultés qu’on rencontre.

Même si notre charge virale est indétectable, le plus compliqué à gérer est toujours le regard ou les peurs irrationnelles de nos partenaires de sexe.

Et c’est encore plus difficile si personne dans leur entourage n’est concerné par le VIH. Il est rarement possible de parler de son statut avant un rapport et si on le fait, les mecs refusent ! Il y a un grand fossé entre le dire à Paris où l’offre de partenaires de cul est importante et où les séropos peuvent mieux l’assumer et le dire dans nos petites communautés de banlieues ou de province...

Se faire traiter de criminels après un rapport sexuel nous est déjà arrivé alors que nos partenaires n’avaient, à aucun moment, proposé de capotes.

Cette situation nous a appris à mieux gérer à qui nous le disons. La prévention ne devrait pas reposer uniquement sur nous les séropos, mais ça c’est une autre histoire... Maintenant il est possible de dire qu’on est sous Prep et c’est assez étonnant de constater comme ça rassure les partenaires !

Ah au fait ! On s’est mariés !!! »

Régine et Frédéric, en couple depuis 5 ans

« Très vite, en étant séropositive, j’ai compris que la maladie faisait toujours peur surtout lors des relations intimes. Dans un premier temps, j’ai choisi d’aller vers des personnes séropositives car je pensais être mieux comprise. Mais notre identité virale commune ne suffit pas toujours à nous comprendre, ça devient vite communautaire et donc un frein à l’épanouissement de la relation.

Sexuellement, il est évident que ça allège le poids de la culpabilité, la difficulté de le dire et la peur de transmettre, même si on est séro-inoffensif, dixit Charlotte Valandrey. Frédéric, c’est son naturel qui m’a plu, sa manière d’aborder calmement et avec franchise la maladie. Au début, il a annoncé ma séropositivité à ses proches. Ça m’a dérangée qu’il le fasse pour moi mais pour lui, c’était naturel. J’ai passé un cap à ses côtés : celui de l’acceptation. Je préfère choisir de le dire ou non mais je n’en suis plus à : “Que va-t-on penser de moi ?” Ce n’est plus mon problème ! On n’a pas eu les mêmes soucis avec les effets indésirables. J’ai suivi un protocole expérimental dans les années 2000 et pendant cinq ans j’ai subi beaucoup d’effets indésirables. J’ai vraiment morflé à ce niveau-là : jusqu’à quinze fois par jour aux toilettes, lipodystrophie, douleurs, infection des reins, etc. Frédéric, lui, n’a pas souvenir d’avoir eu des effets indésirables avec ses ARV alors qu’il a beaucoup souffert avec le traitement anti-VHC pendant un an, avant l’arrivée des antiviraux à action directe.

J’ai été mise en invalidité quand Frédéric a démarré son emploi dans lequel il est très investi. Trop investi à mon sens, ce qui rejailli sur notre vie de couple. J’ai une fatigabilité importante, qu’il n’a pas. Parfois, j’en éprouve beaucoup de gêne vis-à-vis de lui mais il ne me culpabilise à aucun instant. Il a une bienveillance innée.

Dans la vie quotidienne, c’est une liberté d’action de pouvoir prendre ses médocs devant l’autre sans avoir à expliquer. Tout comme être concernés par nos sui- vis médicaux. Sinon, nous n’en parlons pas tant que ça, notre vie ne se résume pas à notre séropositivité. C’est notre quotidien et c’est devenu banal même si quelque part ça reste inacceptable que vivre avec le VIH soit devenu banal. Physiquement, je suis assez grande et costaude, lui est petit et très mince. Il est toujours jovial, moi, plutôt sur la réserve. Nous nous sommes connus via Seronet. Je pense que ça n’est pas le fait d’être séropositif-ve qui nous a fait vivre ensemble. Nos séropositivités ont été l’élément de rencontre et ensuite, nous avons réciproquement : des origines ouvrières, un schéma familial rude, des goûts en commun et un désir de paix.