Sites porno, webcams : les consulter, est-ce vraiment tromper ?
Sites porno, webcams : les consulter, est-ce vraiment tromper ? - LCI PORNOCRATIE - Pas moins de 17% des hommes ont avoué dans une étude avoir déjà préféré regarder un film X plutôt que de faire l'amour à leur partenaire. Le porno et les sites de webcam, une menace réelle pour le couple ? Une sexologue nous répond.25 janv. 14:28 - Romain LE VERN
La pornographie, cet outil masturbatoire destiné à assouvir les désirs de plaisir solitaire, se consomme désormais en amoureux. Une étude réalisée par l’IFOP en 2014 indiquait que 55% des Français adultes ont déjà regardé un film X en couple, 69% sont ouverts à cette idée, 43% ont déjà fait l'amour devant du porno. Une saine transparence au sein du couple, où tout désir peut désormais s'avouer sans rougir, mais qui possède aussi son revers : toujours selon cette étude, des femmes, en très grande majorité, sous-estiment la consommation de pornographie de leur compagnon. Une sous-évaluation à mettre en parallèle avec un autre chiffre : 17% des hommes ont carrément déjà préféré regarder un porno plutôt que d'avoir un rapport sexuel avec leur partenaire.
Justement, si cette dernière réalise que son conjoint préfère regarder du porno en douce plutôt que de faire l'amour, que ressent-elle en général ? "Elle le vit souvent très mal, estime auprès de LCI la sexologue Anne Marie Lazartigues. Ce qui blesse, c'est cette idée selon laquelle son compagnon peut se satisfaire sans elle. Celle qui découvre le pot aux roses se sent alors exclue, comme si elle avait l’impression première d’être trompée par l'autre, comme si c’était une relation adultère".
De là à condamner le porno sur le mode "c’est pas bien" ? A dire qu'en regarder, c'est tromper l'autre ? "Le porno reste du virtuel et ne constitue pas un risque pour le couple, corrige Anne-Marie Lazartigues. En revanche, quand son abus s'exprime au détriment des rapports sexuels avec sa conjointe, comme le suggère l'étude, le consommateur de X se dit qu'il peut se satisfaire tout seul et donc il accepte moins l’altérité, il désire moins l’autre. L’ordinateur, on le manie à sa guise, on l'allume quand on veut, on l'éteint quand on veut, ça ne dépend que de son utilisateur. Avec sa conjointe, c’est différent : il faut qu’elle ait envie de faire l'amour."
Les sites de webcam plus dangereux pour le couple
Plus que la consommation de films porno, la sexologue s'interroge davantage sur la fréquentation croissante des plateformes de webcam (le show public en freemium gratuit et le show privé en cam-to-cam payant), une alternative à la pornographie en ligne qui se consomme exclusivement en solitaire. L'adepte ne vient pas voir des stars du porno fantasmées mais des "girls ou boys next door", exécutant des shows plus sensuels et réalistes. Et une intimité se noue entre celui ou celle qui regarde et celle ou celui qui est regardé.
Chiffre étonnant : selon une étude Ifop de 2016, 41% des hommes en couple ont déjà regardé "une personne s’exhiber en direct devant sa webcam" (17% pour les femmes). Une "pornographisation" nouvelle, redéfinissant la monétarisation du désir en même temps que l’accessibilité aux fantasmes de chacun. Et le couple d'être un peu dépassé : "Je reçois de plus en plus de couples confrontés à ce tabou qui consiste à payer quelqu'un pour assouvir ses fantasmes via Internet, assure Anne-Marie Lazartigues. Certains hommes dépensent même des fortunes sur des sites porno interactifs. Ce qui les fait jouir, c'est la demande personnalisée, le fait que la cam-girl ne fasse pas la même chose avec tout le monde."
Quand on ne se réfère qu’à son propre plaisir, c'est aussi une manière de ne pas affronter les risques inhérents à son couple. Soit le risque que l’autre puisse vous quitter.Anne-Marie Lazartigues, sexologue
Une situation plus complexe que le simple visionnage de film X : "Même si personne ne se touche, il y a un dévoilement de l’intimité, poursuit la sexologue. Cela ne tient pas de l’imaginaire - si c’était le cas, l'homme serait en train de fantasmer dans son lit - ni du réel, car personne ne se connaît vraiment et qu'un écran sépare la cam-girl du client. Je reste néanmoins convaincue que ce lien virtuel tient plus de la masturbation que du lien affectif ou adultérin."
En substance, la sexologue voit surtout dans l'essor des plateformes de webcam les leurres du couple moderne, où chacun a peur de la solitude : "Quand on se réfère qu’à soi-même - et non à des repères sociaux - et à son propre plaisir, c'est aussi une manière de ne pas affronter les risques inhérents à son couple. Soit le risque que l’autre puisse vous quitter, le risque de se retrouver seul. Il y a 20 ans, les couples n'avaient pas aussi peu confiance en eux, avaient moins peur de se séparer", conclut la sexologue.
Une crainte de l'ultra-moderne solitude qui expliquerait pourquoi la pornographie peut devenir un exutoire à toutes les frustrations quotidiennes de couples sagement rangés dans leurs habits sociaux.