Mon désir d’enfant plus fort que tout

Publié par Carole le 18.01.2013
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Ma blessure reste ouverte, ainsi que le sentiment d’avoir perdu mes années de jeune maman.

Carole a appris sa séropositivité au cours d’un avortement. Elle avait 23 ans. C’était en février 1989. Il s’agissait de sa deuxième grossesse. Son fils, M., avait alors 8 mois et le test VIH n’avait pas été réalisé pour cette première grossesse.

C’est juste avant l’anesthésie, allongée sur la table d’opération pour l’IVG que Carole apprend sa séropositivité. A son réveil, elle hurle. Ne comprend pas. Ne sait pas de quoi il s’agit. Elle croit qu’elle va mourir.


Mais le médecin, son gynécologue, la rassure sur sa durée de vie tout en restant très évasif, et peu concerné ; il ne lui donne aucune information supplémentaire. Le cauchemar se poursuit en rentrant de l’hôpital car il faut faire contrôler M., son bébé.

M. a les anticorps du VIH et à cette époque, il faut attendre 24 mois avant d’être certain que l’enfant soit séronégatif.

24 mois au cours desquels Carole ne vit plus. On lui conseille de préparer un testament et de faire une délégation d’autorité parentale de M. à ses parents. Pour se faire, il faut passer par la justice. Une enquête est menée par les gendarmes peu compréhensifs qui pensent alors que Carole abandonne son enfant.
24 mois au cours desquels Carole dort près de M. de peur de le perdre et pleure dès qu’elle voit un autre enfant pensant qu’elle ne verra jamais le sien grandir.
24 mois de déchirement de voir son enfant malade, de culpabilité et de reproches envers elle-même. Et puis le diagnostic arrive enfin : M. est séronégatif.
Carole peut enfin revivre et prendre sa santé en main.

Elle rencontre un médecin qui lui conseille d’aller voir des malades du sida afin de se faire à l’idée de ce qu’elle va devenir ; ce qu’elle refuse.
Pourtant, elle connaîtra ces ravages en accompagnant sa meilleure amie décédée en un an du sida dans un hôpital qu’elle décrit comme un mouroir dans une ambiance macabre. Aujourd’hui, Carole sait que ça ne lui arrivera pas. Notamment grâce à son traitement antirétroviral.

Dès 1990, Carole prend de l’AZT. Elle rencontre quelqu’un avec qui elle désire un autre enfant. Mais ils subissent un interrogatoire du personnel soignant de la maternité de l’hôpital Port-Royal à Paris du type : "Allez-vous abandonner votre enfant s’il est séropositif car c’est une chance que M. soit séronégatif ?". Ils sont incités à ne pas avoir d’enfant car, selon les médecins, la probabilité d’avoir un enfant séronégatif est "nulle".

A la sortie de l’hôpital, l’ami de Carole doute. Il a besoin de temps pour réfléchir. Au bout de plusieurs mois, Carole et lui essaieront à nouveau d’avoir un bébé ; cette fois de manière artisanale à leur domicile. Mais à force de tentatives infructueuses, ils finiront par abandonner.

Carole n’aura jamais d’autres enfants. Son désir de maternité est intact. Une hystérectomie vient mettre un terme définitif à son désir d’enfant. Pour elle, sa grossesse et sa maternité lui ont été volées par ces premières années passées auprès de son fils à l’hôpital alors qu’elle-même était souffrante. Elle pensait que son fils, le père de son fils et elle allaient mourir et c’est à sept ans que M. demande à sa maman s’il existe un cercueil pour deux. Aujourd’hui, Carole et M. vont bien. M. a 24 ans et parle peu de la séropositivité de sa maman. Carole est très entourée par ses proches, personne ne l’a laissée tomber. Elle vit avec L. et les trois enfants de celui-ci.

Commentaires

Portrait de bluetooth

Comment ne pas avoir envie que le monde connaisse cet si belle histoire celle d'une mére d'une femme d'un couple et d'une communauté ainsi la disance prend tous son sens, enfin plus trop pour la medecine mais l'opinion publique ,qu'en est elle .Merci Carole pour ce recit qui nous fais tant reflechir et peut etre nos cadets beneficierons de meilleur jujement.A la communnauté et les autres je vous souhaites une bonne et heureuse année.

Portrait de flamme

Merci pour ce témoignage . Je pense qu'il serait interessant de le diffuser aussi ailleurs pour faire réfléchir et évoluer les mentalités...

Belle Année à Toi

Flamme