"Ce rapport Hirschel, c’est un grand soleil qui entre dans ma vie" (2/2)

Publié par collectif le 03.02.2012
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Deuxième partie de la discussion sur l’avis suisse à l’Isle sur Sorgue, novembre 2010, dans le cadre des Universités des personnes séropositives organisées par AIDES. Suite et fin d’un poignant moment d’émotion, de liberté et d’espoir.

La théorie et la pratique
Laurence : "Même si je suis indétectable, je continue à faire de la RDRS [réduction des risques sexuels]. J’associe les deux, la RDRS et le TASP [traitement comme moyen de prévention]. Il y a les IST aussi, j’y pense en dehors de mon couple. Est-ce que je risque d’avoir des problèmes de santé que me refileraient mes amants ?"
Marc : "Il y a l’hépatite C aussi, ça m’inquiète beaucoup ; j’ai peur de l’attraper, alors avec les occasionnels, je fais gaffe…"
Emilie : "Le rapport Hirschel, c’est dans un cadre, une relation de confiance".
Laurence : "Il y a tellement de choses qu’on ne peut pas maitriser. On ne peut pas être dans un cadre idéal. Mon ami, je ne vais pas lui dire à chaque fois que je vais avoir un nouvel amant. Tous les deux, on a décidé de faire avec préservatif en dehors du couple. Mes amants, je les charme et ensuite je leur dis que je suis séropositive".
Emilie : "Et tu demandes si le mec a des IST ?"
Laurence : "Quand on a envie de quelqu’un, on ne va pas lui dire : OK, t’enlève tes mains, on s’arrête, t’as des papiers ? Tu as fait le test de syphilis ? OK, c’est bon, on peut reprendre. On les voit pas forcément visuellement, les IST. Malgré le cadre idyllique, on ne peut pas être sûr qu’il soit à 100% efficace. Le truc, c’est que les IST, ça se transmet par fellation  aussi".

Le choix
Geoffroy : "D’un côté, je me sens concerné, et de l’autre pas vraiment. Je suis séropo depuis 6 ans, mais pas traité. Et pas en charge virale indétectable. Alors, réduire le risque de transmission par le traitement, est-ce que j’en ai envie ? Je n’en sais rien. J’ai peur du traitement, des effets secondaires, je devrais me battre pour être observant. Je suis tête en l’air, mes traitements contre les angines, par exemple, j’oublie. J’attendrai que mes T4 m’y obligent. Je suis à plus de 600 et ma CV est en dents de scie".
Emilie : "Commencer le traitement, ce n’est pas une règle, c’est un choix. Hirschel, c’est une base pour un cheminement qui permet d’aller ou non au traitement".
Alex : "Oui, ce qui est bien, c’est d’avoir le choix".
Geoffroy : "Mais du coup, je suis contaminant, c’est plus difficile à vivre".
Amine : "Sur les traitements, je peux te rassurer. Je n’ai jamais eu d’effets secondaires, on me donnait n’importe quoi, je digérais tout !  Le labo a même voulu faire des prélèvements de mon sang !"
Emilie : "T’es un cas quand même !"
Amine : "Il ne faut pas avoir peur. Il y a tellement de molécules, tu peux choisir. Ça s’est amélioré !"

La capote
Grégoire : "Mon copain est séropo, il n’est pas traité, et sa plus grande peur c’est de me contaminer. Mais quand on est en pleine action, prendre une capote, c’est chiant. Mais on le fait, en tout cas pour l’instant. Même si on n’en a pas envie. On en parle. Mais je n’ai pas envie qu’il prenne le traitement s’il n’en a pas besoin, juste pour moi".
Laurence : "Pour moi, tant qu’on ne doit pas prendre de traitement, on n’a pas à en prendre ! On sait qu’il faut utiliser la capote, c’est naturel".
Stéphane : "Oui, mais nos grands parents, ils ne faisaient pas l’amour avec des capotes".
Laurence : "Il faut apprendre à faire l’amour quand on est séropo, c’est différent".
Alex : "Moi, j’ai fait le choix de commencer le traitement parce que ma CV n’était pas indétectable et que j’angoissais de contaminer mon copain. J’avais peur que la capote se déchire et qu’il faille courir à l’hôpital. Je ne regrette pas, tout s’est bien passé avec le médecin qui ne m’a forcé à rien, qui a été à mon écoute. Et puis, en fait ça a favorisé le dialogue dans notre couple. En fait, ce que vous dites, ça m’évoque que cela revient à une négociation dans le couple. Comme dans un couple séronégatif qui dit : "Capote en dehors du couple". Pouvoir utiliser le traitement comme un moyen de prévention, ça gomme des différences et des barrières".

Comment informer ?
Stéph’ : "L’info passe t'elle chez les migrants ?"
Georges : "Pas tellement, pour ce que j’en sais. Il y a toujours de la stigmatisation, mais ce rapport peut donner du tonus, amener les gens à être plus ouverts à la séropositivité. C’est fondamental, c’est positif".
Amine : "Il faut accompagner les résultats scientifiques, avec une information claire et illustrée. Certaines personnes ne sont pas allées à l’école. Il faut le minimum de textes et le maximum d’images. Il faut que tout soit bien clair. Parce que ça ne l’est pas !"
Emilie : "C’est vrai, s’emparer de ce rapport n’est pas évident, c’était pour les médecins".
Georges : "Il faut que les gens sachent, que les infos filtrent dans les médias. Des infos sont censurées. Si je diffuse cette info avec des petits flyers, ça va allumer le débat. Il faut allumer la mèche. Il faut arrêter le rejet. Faire que les gens osent dire".
Mathieu : "Il faut parler de communication. Il faudrait faire des documents très précis comme ils ont fait en Allemagne l’an dernier ; il était très bien ce document, très clair".

Des campagnes grand public ?
Amine : "Il faut mettre le paquet sur l’information pour que les gens sachent dans les hôpitaux, dans les universités, dans les collèges, dans les métros".
Albert : "Et dans le métro, aussi ?"
Amine : "Oui !"
Emilie : "Les gens auraient moins peur de nous !"
Laurence : "L’amour est en péril à cause de la transmission, ce n’est pas comme le cancer.
C’est le sexuellement transmissible qui est le problème".
Amine : "Moi ça fait 20 ans que je suis séropo. Et je pense qu’il faudrait dire moins le sida c’est la mort ! Et dire plus la recherche avance, les médicaments ont moins d’effets secondaires, l’espérance de vie s’allonge, on peut donner la vie. Le sida, ce n’est pas la mort. On est sur de vieux clichés, il faut se remettre à la page. Il faut aller au-delà de la peur".
Stéph’ : "Il faut donner envie de se dépister. Le TASP ça y contribue".

Et maintenant ?
Josée arrive : "Alors, avez-vous été rassurés ? Parce que, moi j’ai besoin d’être rassurée ? J’ai encore des appréhensions, sur la peur de me sur-contaminer, d’aggraver ma maladie.
Emilie : "C’est vrai, vous vous sentez comment ?"
Amine : "Moi, ça m’a fait du bien d’en parler avec vous, cela m’a aidé, je me sens bien. Merci à tous pour cet échange".
Albert : "J’ai transmis le virus quand j’étais détectable, ça m’a marqué. Je ne veux pas y croire, j’ai trop peur".
Marc : "Je suis une cocotte sans soupape qui allait exploser. J’ai besoin de vraies infos, d’infos officielles. Discuter avec des gens qui ont l’expérience. Je veux pouvoir construire une histoire. A quoi ca sert d’être sur Terre sinon ?"
Grégoire : "Je me sens rassuré, mais frustré que mon copain séropo ne puisse entendre tout ça."
Didier : "On n’est plus dans les années 80. Il faut que les séronégatifs aient accès à cette info, à ces progrès".
Georges : "Je n’ai pas appris grand-chose de nouveau. A AIDES, on en parle, mais il faut le dire aux personnes séronégatives, maintenant".
Josée : "Donc, je peux faire l’amour sans capote ?"
Emilie : "Oui si tu es indétectable, et que c’est avec ton mari".
Alex : "Je me sens bien d’avoir échangé avec vous, à bâtons rompus. Cela fait tellement de temps que j’ai envie d’en parler avec d’autres séropos, et pas seulement à des médecins. Ce rapport ouvre des horizons. Il permet des débats. Des médecins commencent à dire qu’on a moins de risque de faire l’amour avec une personne séropositive qu’avec une personne qui est en primo-infection sans le savoir ! Et d’ailleurs, qu’il y ait des séronégatifs ici qui discutent avec nous, c’est emblématique ! Les séronégatifs ont la parole ici, dans une Université des personnes séropositives. Ils peuvent dire ce qu’ils pensent, comment ils vivent leur histoire d’amour, échanger et construire avec nous ! Je trouve ça génial !"
Mathieu : "J’ai appris plein de choses, je me suis éclaté !"

(Tous les prénoms ont été modifiés)

Propos recueillis par Renaud Persiaux.

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