Enfin je pouvais me projeter dans l’avenir

Publié par Laetitia le 28.11.2019
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Lorsque j’ai découvert mon statut séropositif au VIH en 2006, les antirétroviraux étaient accessibles dans mon pays. Mais même si les traitements étaient là, il fallait suivre un protocole de soins précis. Mon taux de CD4 élevé et ma charge virale d'alors ne me permettaient pas d’avoir accès aux médicaments.

J’étais déprimée. Je ne comprenais pas pourquoi on ne me traitait pas ; je doutais même du fait d’être séropositive. Avant d’être mise sous traitement, on nous préparait à l’acceptation et à l’adhésion au traitement, mais sans forcément passer le cap de la mise sous traitement effective.

En 2007, lors d’une participation à un colloque avec des personnes qui témoignaient à visage découvert en révélant leur séropositivité devant une assemblée, j’ai rencontré un participant et je lui ai demandé comment les choses se passaient pour lui. Et là, j’ai compris que je n’étais pas seule, que le VIH concernait d’autres personnes. Lors de cet événement, j’étais avec mon infectiologue et nous avons eu de grandes conversations qui nous ont conduits à créer une association pour accompagner les personnes vivant avec le VIH, lutter contre la discrimination et faire de la prévention dans le pays.

Au départ, je ne me sentais pas capable de faire tout ça, mais grâce aux encouragements du médecin, je me suis lancée. Cela m’a sortie de l’isolement et j’ai pu voyager et voir comment cela se passait ailleurs. Le fait d’accompagner les nouveaux dépistés séropositifs m’a permis de mieux m’accepter et d’en parler à certains proches. Notamment avec des partenaires même si le sentiment de culpabilité et la peur de contaminer étaient présents. J’ai eu la chance de connaître une personne qui a accepté mon statut avant moi ; cette étape m’a donné du courage car ensuite cela n’a pas toujours été aussi simple avec certains partenaires.

Enfin, en 2010, j’ai eu accès au traitement. J’avais en tête que les traitements donnaient des effets indésirables, que je finirais peut-être à l’hôpital, ce qui m’a poussé à le dire à un membre de ma famille. Cette personne était triste et apeurée, mais elle n’a pas fait preuve de discrimination et elle a été soutenante ; elle m’appelait régulièrement. J’ai continué ma vie en m’interdisant des projets comme construire une famille… Pendant presque dix ans, j’ai pris un traitement avec Truvada (emtricitabine + ténéfovir) et Kaletra (lopinavir + ritonavir) à raison de cinq comprimés par jour.

Au bout de six mois, ma charge virale est devenue indétectable. Cela a tout changé, enfin je pouvais me projeter dans l’avenir. Je me voyais mariée un jour, mère de famille. Je me sentais bien et je savais que je pourrais vivre comme tout le monde. J’ai totalement accepté le VIH à ce moment-là. Tout n’est pas encore facile car il y a encore de la discrimination et le regard de l’autre n’est pas toujours simple à gérer. Malgré les évolutions, les gens ne voient pas le VIH comme une maladie chronique, mais toujours comme une maladie de la honte, une maladie contagieuse, alors qu’il s’agit d’une maladie transmissible. C’est souvent ainsi tant que les personnes ne sont pas concernées directement.

En arrivant en France, comme j’avais un réseau parmi les associations travaillant dans la lutte contre le VIH, j’ai eu un contact pour un nouvel infectiologue. J’ai émis le souhait de changer de traitement et je prends donc actuellement trois comprimés par jour : Truvada (emtricitabine + ténéfovir) + Norvir (ritonavir) + Prezista (darunavir) en une seule prise. Je suis restée sur le même style de molécules sous les conseils de mon infectiologue car mon projet était de tomber enceinte après trois ans de mariage avec mon mari qui est séronégatif. Aujourd’hui, mon souhait se réalise...

Mon engagement dans la lutte contre le VIH et contre toutes formes de discriminations envers les personnes vivant avec le VIH n’a jamais cessé depuis 2007. Je me suis militantes dans des associations en France qui menent les mêmes combats. Ce combat fait partie intégrante de ma vie. Pour moi, c’est un moyen de me tenir informée des dernières avancées thérapeutiques et d’offrir mon soutien à ceux et celles qui en ont besoin.