Je Vis

Publié par Jack de Saint-Malo le 14.07.2021
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En 1994, dans ma vie tout allait bien (enfin presque), j'allais fêter mes 40 ans. J'avais un bon travail, et un jour, le 22 février, le hic !

Évanouissement, ambulance et en route pour le CHU de Rennes. Et là : gros, gros choc !
- Monsieur, après les examens que nous venons d'effectuer, vous êtes atteint du sida… Et vlan !
- Avez-vous voyagé en Afrique récemment ? Êtes-vous homo ?
Il faut du temps pour encaisser le choc. Je rappelle : c'était en 1994.
- Il ne vous reste que 50 CD4 !
Ok, et c’est quoi ça ; tout le monde n'a pas fait médecine ! Puis on apprend bien sûr… Je savais que ce qui m'arrivait n'était pas dû au fait d’avoir lu le dernier roman sorti, ou d’avoir regardé la télé ; mais quand même, mais ouf ! Première chose : l'annoncer à ses proches… ce n’est pas si facile. Une infirmière aimablement me dit : « Vous savez… certains disent qu’ils ont un « cancer du sang. Si vous préférez… » Ok, allons-y !  Je ne préfère rien moi, je veux vivre. Le plus difficile pour moi a été de me dire qu’il ne me restait que six mois à vivre. C’est ce qu’on avait annoncé à mes proches. Et pourtant l'instinct de survie sûrement fait que l'on se dit : je vais me battre !

Les premiers essais de traitements ne sont pas terribles : je suis plus souvent assis au petit coin qu'allongé dans mon lit à dormir ou penser. Mais la médecine travaille… la recherche avance en Europe et aux États-Unis. On découvre en 1996 la trithérapie. Très bien, testons à nouveau cette nouvelle thérapie. La première fois où l’on m’a dit : « Vous devez prendre le premier médicament (sur plus de vingt à l’époque) une demi-heure avant de vous réveiller ! », j’ai cru halluciner. Comment était-ce possible de suivre une contrainte aussi absurde ? La solution a consisté à le prendre dès que j’ouvrais l’œil le matin, à attendre une demi-heure dans le lit avant de me lever… avant d’essayer d’aller prendre mon petit déjeuner, puis de prendre mes autres médocs.

Bon, je « VI(H)s », puis au cours des années qui suivent, je connais de très belles améliorations ; les essais réussissent enfin, la diminution des prise font que, désormais « je Vis ». Après un divorce et la perte de mon travail, que faire ? Je me suis offert un camping-car, et à moi la retraite à 44 ans. Ce n’est pas si mal. Oui, mais après avoir parcouru l'Europe centrale, celle du sud, et même le Maroc, il faut bien rentrer un jour… ok, mais je « Vis » et je repars ailleurs pour d’autres voyages en Asie et ailleurs. Mais avec les années et comme tout un chacun, on vieillit et se greffent d'autres pathologies. Ne mettons pas tout sur le dos du VIH !

Je ne veux pas dire que tout est rose, mais aujourd’hui « Je Vis ». J'ai 67 ans et avec 27 années aux côtés de mes accompagnants (mes médocs), plus que deux par jour et encore pas tous les jours, c’est presque le bonheur ! Je ne suis pas guéri mais soigné et pour moi c'est déjà beaucoup.