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Publié par Rédacteur-seronet le 27.11.2018
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Nous avons les cartes en mains ! Cela n’est pas récent. Nous les avons depuis un certain temps déjà ; nous les utilisons d’ailleurs, mais pas aussi efficacement que nous le pourrions, pas toutes comme il faudrait, pas suffisamment.

Depuis quelques années, en effet, grâce aux progrès thérapeutiques et à de nouveaux moyens de prévention complémentaires, nous disposons de stratégies capables de mettre fin à l’épidémie de sida : le dépistage au plus près des communautés, le traitement comme prévention, la prophylaxie pré-exposition (Prep), pour ne citer que ceux-là. Nous savons faire —  même si tout est encore améliorable — mais nous ne faisons pas assez ensemble. Pourtant, nous savons que cet objectif — mettre fin à l’épidémie de sida — ne pourra pas être atteint sans la complète mobilisation des communautés les plus touchées par l’épidémie et les plus exposées au risque d’infection. Parmi, ces communautés, se trouvent celles des personnes immigrantes originaires d’Afrique subsaharienne.

En France, le nombre de découvertes de séropositivité au VIH chez les personnes hétérosexuelles et homosexuelles nées à l’étranger a diminué jusqu’en 2009 pour se stabiliser autour de 3 000 découvertes de séropositivité par an (2 900 cas en 2015). Leur proportion parmi l’ensemble des découvertes de séropositivité est stabilisée depuis 2007 à près de 50 %. En 2016, 39 % des découvertes de séropositivité concernaient des personnes hétérosexuelles nées à l’étranger, dont 80 % nées en Afrique subsaharienne. L’étude ANRS Parcours (1) estime que 35 % à 49 % des personnes migrantes d’origine subsaharienne suivies pour le VIH en Île-de-France ont été contaminées en France.

Ces chiffres chiffrent constituent déjà un appel au sursaut, mais ils ne sont les seuls. Depuis 1998, les personnes étrangères souffrant d’une affection grave sans accès aux soins dans leur pays d’origine peuvent obtenir un titre de séjour pour raisons médicales en France. En 2016, une loi — dont Gingembre a beaucoup parlé — a modifié la procédure en confiant l’évaluation médicale au pôle santé de l’Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration) sous tutelle du ministère de l’Intérieur, et non plus des agences régionales de santé comme auparavant. Nous avions dénoncé ce transfert et les risques encourus par les personnes malades étrangères. Un bilan, fait par AIDES et le Comede, en lien avec leurs partenaires de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), démontre que les refus de séjour pour soins opposés aux personnes vivant avec le VIH suite à des avis défavorables des médecins de l’Ofii augmentent. Il s’agit même d’une « multiplication inquiétante » qui conduit à la dégradation de la protection des personnes concernées. Cette « dégradation » pourrait s’accroître désormais avec l’adoption définitive de la loi « Asile Immigration » et ses conséquences sur l’accès à un titre de séjour pour soins.

Chiffres alarmants, contextes inquiétants, lois problématiques… ainsi se dessine le paysage dans lequel nous menons la lutte pour mettre fin à l’épidémie de sida. Face à la complexité des enjeux, aux obstacles de tous ordres, nous avons voulu (2) créer un sursaut, créer un événement de remobilisation de nos communautés en organisant « une conférence de mobilisation de nos communautés migrantes originaires d’Afrique subsaharienne contre le VIH ». Une conférence qui s’est déroulée début novembre pour construire ensemble de nouvelles stratégies, rendre plus efficaces encore celles qui sont d’ores et déjà mises en œuvre. Associations de lutte contre le sida, leaders religieux, médias communautaires, entrepreneurs-seuses, organisateurs-trices de soirées, professionnels-les de santé, leaders d’opinion… ont répondu présent pour que la lutte soit menée vraiment collectivement, plus efficacement, parce que nous avons toutes les cartes en mains, parce qu’il est encore temps d’agir, mais surtout parce qu’il faut le faire maintenant.

(1) : Enquête ANRS-Parcours « Parcours de vie, VIH et hépatite B chez les migrants africains vivant en Île de France », conduite par Annabel Desgrées du Loû (Centre population et développement, UMR 196 université Paris Descartes-IRD, Paris, France). Un ouvrage rend compte de l’ensemble de cette étude : « Parcours de vie et de santé des Africains immigrés en France » dirigé par Annabel Desgrées du Loû et France Lert, éditions la Découverte, juillet 2017.
(2) : AIDES, Afrique Avenir, La Marmite et le Raac-sida.

 

Commentaires

Portrait de bernardescudier

Peut etre qu il faut repenser à "aider" au plus prés les malades   ? Pas d'aide à la personne .... seulement des bureaux qui ressemblent à des centres médicaux déguisés.