Notre combat a besoin de la recherche !

Publié par Caroline Andoum et Romain Mbiribindi le 01.02.2018
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Pour indispensable qu’elle soit, la volonté d’engagement ne suffit pas à rendre une action pertinente. Pour être plus efficace, il faut comprendre. Pour être plus judicieux, il faut bien mesurer les enjeux. Pour être utile, il faut savoir.

C’est tout spécialement vrai en matière de lutte contre le sida. L’expérience nous a appris que la connaissance du terrain était fondamentale, mais qu’elle n’en était que plus profitable et notre combat plus opérationnel lorsque nous, actrices et acteurs de prévention, pouvions nous appuyer sur les résultats de la recherche ; tout particulièrement lorsque cette dernière est le résultat d’un partenariat entre chercheurs et militant-e-s… de terrain. C’est tout le sens d’un projet comme l’AfroBaromètre, dont la nouvelle mouture vient de livrer ses premiers résultats. Afrique Avenir, membre du Raac-Sida, est un des partenaires clefs de ce projet.

L’AfroBaromètre, édition 2016, est une enquête transversale qui a associé un auto-prélèvement sanguin sur papier buvard et un questionnaire auto-administré sur tablette informatique (1). Cette enquête avait pour objectif de décrire les comportements sexuels et préventifs des populations afro-caribéennes vivant en Ile-de-France. Il s’agissait aussi de mesurer les prévalences observées des infections au VIH et au VHB dans ces groupes. Les résultats publiés confirment des prévalences élevées pour le VIH et le VHB parmi les personnes Afro-Caribéens d’Ile-de-France.

"Au cours des mois de mai et juin 2016, 1 283 personnes âgées de 34 ans en médiane (2), nées pour 64 % d’entre elles dans un pays d’Afrique subsaharienne et majoritairement des hommes (62 %), ont accepté de participer, soit 31% des personnes sollicitées. Les prévalences observées du VIH et du VHB sont respectivement de 1,6 % et 5,1 %", expliquent les auteur-e-s de l’étude. L’AfroBaromètre 2016 nous apprend aussi qu’une large part des personnes vivant avec le VIH ne connaissaient pas leur statut (40 %) ; et pour l’hépatite B, ce sont 77 % des personnes vivant avec le VHB qui l'ignoraient.

Que nous disent ces chiffres ? Que le recours au dépistage apparaît insuffisant tant vis-à-vis de l’infection par le VIH que vis-à-vis de l’infection par le VHB. Quel enseignement en tirer ? Que nous devons, impérativement, renforcer l'offre de dépistage communautaire du VIH et du VHB chez les personnes Afro-Caribéennes. Les chiffres de cette enquête nous permettent de comprendre qu’un des enjeux est là, que si nous ne réussissons pas encore contre le VIH et le VHB, c’est parce que le recours au dépistage est insuffisant dans ces populations.

Le dépistage a sans doute trop longtemps été négligé par les programmes de prévention en santé sexuelle alors que cette dernière est désormais un enjeu de santé publique majeur tant en termes de dépistage que de prise en charge. Face à ces enjeux et comme le Raac-sida l'a exprimé à de nombreuses reprises, il apparaît urgent de renforcer l’offre de dépistage communautaire en direction de ces populations et de favoriser la diffusion et l’utilisation de tests de dépistage d’orientation diagnostique (Trod) combinant dépistages du VIH et des hépatites B et C associés à une information et un counseling clairs et adaptés. La Haute autorité de santé a émis en 2016 un avis de recommandation d'autorisation pour les Trod VHB. Il est temps maintenant de passer à l'action et d'accompagner les associations dans une intégration de ces Trod pour leurs actions de dépistage du VIH auprès des personnes originaires d'Afrique subsaharienne et des Caraïbes.

A celles et ceux qui auraient encore quelques doutes sur cette nécessité d’améliorer fortement le dépistage, on peut opposer à leur scepticisme la violence d’autres chiffres. Les personnes migrantes originaires d’Afrique subsaharienne résidant en Europe sont fortement touchées par les infections par le VIH et le VH B. En France, un tiers (31 %) des 6 000 personnes ayant découvert leur séropositivité VIH en 2015 étaient nées dans un pays d’Afrique subsaharienne. En 2004, 21 % de la population générale atteinte d’infection VHB étaient nés dans cette partie du monde.

Alors que faire ? Nous sommes bien placés pour savoir que notre volonté d’agir n’est pas récente. Afrique Avenir s’est ainsi engagée dans la lutte contre le sida depuis 1994. L’association mène des actions d’information et de dépistage communautaire, à l’instar de nombreux autres acteurs du Raac-Sida. Tous et toutes, aujourd’hui, sommes convaincus qu’il faut amplifier notre réponse au VIH et aux hépatites virales et en renforcer la pertinence, dans un contexte préventif qui a beaucoup évolué ces dernières années avec la Prep, le Tasp, etc. Cela passe prioritairement par la mise en œuvre d’une stratégie de dépistage mieux connue et mieux acceptée des personnes Afro-Caribéennes. Une offre plus convaincante, plus accessible, plus performante qui s’adapte aux besoins, aux évolutions. Cette connaissance des besoins et des évolutions, c’est, pour une bonne part, la recherche qui nous l’apporte. Il prend alors tout son sens l’investissement qui est le notre dans un projet comme l’AfroBaromètre, pour la connaissance affinée des enjeux qu’il permet, pour les données qu’il nous livre et qui appuient notre plaidoyer…

Notre combat a besoin de la recherche !

(1) : Enquête transversale et anonyme, l’AfroBaromètre 2016 a été mené du 3 mai au 6 juillet 2016 par les intervenant-e-s d’Afrique Avenir et l’Institut BVA dans 33 lieux communautaires où intervient habituellement l’association, en milieu ouvert (sorties de gare/métro, marchés) ou fermé (discothèques, salles des fêtes, salons de coiffure, lieux de culte). 
(2) : La moitié des 1 283 personnes était âgée de plus de 34 ans et la moitié de moins de 34 ans.

 

Commentaires

Portrait de sonia

Bah oui le combat a besoin de la recherche !

On n'évoque ni les moyens financiers ni la recherche sur le vaccin VIH \Vhc? 

Après tout, la majeure partie des essais medicamenteux, maraviroc, truvada, est conduite dans cette partie du monde; les firmes pharmaciennes plébiscitent ce genre de nouvelles.

D'autant plus que certaines molécules comme dans le viread agiraient aussi sur le VHB,normalement, d'après la com.

 

Je ne peux m'empêcher de compatire à la cause Afrique, dur,dur.