Souverain mépris, souverains poncifs !

Publié par jfl-seronet le 05.08.2018
1 194 lectures
Notez l'article : 
0
 

Le 10 juillet, une Turbulence, revenait sur quelques épisodes homophobes en marge de la dernière Marche des Fiertés de Paris. On pouvait raisonnablement escompter un peu de répit. Raté ! Un enouvelle salve de sorties hasardeuses (pour rester correct) sur l’homosexualité a encore émaillé l’été.

A la prochaine rentrée télévisuelle, on devrait voir arriver Charles Consigny en remplacement de Yann Moix comme chroniqueur dans "On n’est pas couché", l’émission de Laurent Ruquier sur France 2. Charles Consigny est un jeune éditorialiste et romancier, ouvertement réac et gay. Il parle bien, sur tout et d’un ton à la fois désabusé, cynique, impertinent et un poil prétentieux. De son côté, depuis qu’il est retiré des affaires judiciaires, l’ancien magistrat Philippe Bilger tient un blog, fait des tribunes, tweete à donf et envahit les plateaux télé pour commenter les faits et gestes des uns et des autres ou leurs propos et parfois même les siens. Car l’ancien parquettier (il était procureur) a la répartie facile, la méchanceté au bout des lèvres et le jugement à l’emporte-pièce. Il parle bien, sur tout et d’un ton à la fois revenu de tout, cynique, impertinent et un poil sentencieux. En juin dernier, l’ex magistrat découvre donc que le jeune loup des médias rejoint Ruquier dans son émission du samedi soir et livre ce tweet : "Comme Laurent Ruquier a au moins un point commun avec Charles Consigny homosexuel comme lui, on est sûr que le second ne risquera pas les foudres du premier comme l'invité Nicolas Dupont-Aignan" (1).

Ce tweet a évidemment suscité des réactions et des protestations. Il a été jugé homophobe. Assez rapidement, Philippe Bilger est donc invité à se justifier sur les plateaux télé sur ce tweet. "Je ne vous dis pas que c'est d'extrême bon goût mais je conteste l'interprétation tendancieuse que vous donnez et qui consiste à dire que dans ce tweet il y a quoi que ce soit qui relève du mépris", explique, laborieusement, Philippe Bilger. Bah si, quand même !

En filigrane, on a tout de même le gros cliché que les gays sont tellement copains entre eux (une tribu, une caste, une secte, une confrérie, un lobby…) qu’ils se protègent toujours les uns, les autres, que le seul fait d’avoir une même orientation sexuelle abriterait de toute critique, obèrerait le jugement, etc. C’est le problème de Philippe Bilger de voir l’homosexualité comme une forme de franc-maçonnerie, c’est un problème qu’il pense devoir faire profiter tout le monde de son point de vue, marqué, à l’évidence, par un rapport tendu et hostile à l’homosexualité.

Eh oui, car Philippe Bilger n’écrit pas que des tweets, il publie aussi des billets sur son blog. L’un d’eux concerne la fête de la musique, célébrée en juin dernier, à l’Élysée. Pour l’occasion, la cour du palais présidentiel a été transformée en disco techno. Le couple présidentiel y a reçu des artistes noirs, immigrés et LGBT… Et Philippe Bilger n’a que très moyennement apprécié cet événement où s’alliaient "la marginalité et le snobisme". Il mentionne une "pantalonnade moins décontractée que ridicule". Et se lance dans cette analyse : "Plus gravement, une présidence de la République, en ouvrant légitimement les portes de l'Élysée à une fête populaire, n'a-t-elle pas pour obligation de se tenir dans un juste milieu, de constituer une sorte de synthèse entre des extrêmes, délirants ou archaïques ? Plutôt que d'aller prendre le parti ostensible de la minorité et de la marginalité ? Ce n'est pas être raciste et homophobe que de considérer que la France n'est pas encore en masse immigrée et homosexuelle et de s'étonner qu'Émmanuel Macron n'en tienne pas compte. Surtout j'en ai assez de cette décadence d'une société et d'un pays qui inversent avec une volupté masochiste les valeurs fondamentales avec parfois le concours d'une autorité suprême qui devrait au contraire les maintenir, les sauvegarder. Ce n'est pas pousser le trait que d'affirmer qu'aujourd'hui c'est à la nature de justifier son existence. A la normalité, la sienne. A la parole de démontrer qu'elle vaut mieux que la grossièreté du langage. A la politesse, qu'elle vaut mieux que la vulgarité. A la morale, qu'elle vaut mieux que la malhonnêteté. A l'ordre, qu'il vaut mieux que le désordre. A la tradition, qu'elle mérite plus que la destruction. A la forme, que l'informe. Cette fête de la musique à l'Élysée a ajouté sa pierre chic et frelatée à cette décomposition".

Bon, voilà, on a compris le fond idéologique de Philippe Bliger. Evidemment, on est prié de ne pas voir du mépris dans ce propos ; pas plus que dans le tweet. Il y avait si peu de mépris dans tout cela, mais c’était tout de même bien gênant, que Philippe Bilger a démissionné (12 juillet) de la Commission d’éthique du Conseil régional Île-de-France, pour, selon la version officielle, "assurer la sérénité [des travaux, ndlr] de la commission d’éthique".

Le 15 juillet, c’est L’église catholique qui fait parler d’elle. Ce jour-là, sur France Culture (le service public donc…), on diffuse en direct une messe d’une heure. C’est Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon, qui l’assure : prières et homélie comprises. Durant l’office, Jean-Pierre Cattenoz s’en prend à la communauté LGBT (qui ne lui a rien demandé), au mariage pour tous et à l’avortement. Et cela à plusieurs reprises. "Le mariage pour tous (…) ne sera jamais qu’une amitié", explique-t-il. Il admet avoir "pleuré il y a quelques semaines en voyant conduire au panthéon de la République le corps de celle qui a permis la légalisation de l'avortement". Il s’agit de Simone Veil… pour les distraits. Sinon, Jean-Pierre Cattenoz, critique d’arts à ses heures, a demandé au festival d’Avignon de ne plus se centrer "sur l’homosexualité et le transgenre". Les sorties de Jean-Pierre Cattenoz ont suscité des protestations d’auditeurs-trices, pas très à l’aise de voir un média public financé par la redevance devenir une tribune pour un prélat réac de l’église catholique. Bien sûr, la direction de France Culture a adressé un courrier au président de la conférence des évêques de France, Georges Pontier où elle dit exiger des représentants de l'église catholique, qui interviennent sur ses ondes, qu'ils "respectent les valeurs du service public, comme la tolérance, le respect et la non-discrimination".

C’est vrai, il y a déjà radio Courtoisie comme relais de ce discours réac. Les souverains poncifs y ont toute leur place. L’été n’est pas encore fini… doit-on encore craindre le pire ?

(1) :  Le député Nicolas Dupont-Aignan a été l’invité de l’émission "On n’est pas couché" où il a été assez sèchement interviewé et un peu bousculé par les chroniqueurs de l’émission, dont Laurent Ruquier.