Taille, prix… tout capote !

Publié par jfl-seronet le 02.12.2017
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De quoi ternir une réputation, en mettre un coup au moral des hommes, faire débander un pays… tout entier. Et pas n’importe lequel ; les Etats-Unis eux-mêmes !

Cette apocalypse de la virilité made in USA, on le doit à une petite info publiée en octobre dernier sous la plume de Sébastien Veyrier (24matins.fr). On y apprend que les autorités du pays (santé ? commerce ?) et les fabricants envisagent de réduire la taille des préservatifs vendus. La raison ? Autorités et fabricants auraient, jusqu’ici, surestimé la taille moyenne du pénis des hommes américains. Ces derniers auraient d’ailleurs commencé à ne plus utiliser les préservatifs qui étaient surdimensionnés. Cela fera peut-être sourire, mais ces dernières années, des études ont été conduites sur les capotes. Certaines ont, selon Sébastien Veyrier, "démontré une baisse de l’usage du préservatif dans certains pays du monde, et notamment aux Etats-Unis". Alors des chercheurs ont essayé de comprendre ce qui se passait.

Spécialiste des questions de santé sexuelle, Debby Herbenick (dont certains ouvrages sont disponibles en France) a enquêté de son côté et avance que la désaffection serait principalement due à une question de taille. Les capotes fabriquées seraient trop grandes pour près de 80 % des hommes et de ce fait seraient désagréables à porter. Les résultats de cette enquête ont fait l’objet d’une publication dans le Journal of sexual medicine. Ces résultats ont d’ailleurs été relayés par le "New York Times" et le journal anglais "The Sun". La chercheure a étudié les "dimensions du pénis de 1 661 hommes américains" Résultat ? Une "taille moyenne de 14,2 cm de longueur pour 12,2 cm de circonférence". Elle a ensuite comparé avec la taille des capotes vendues aux Etats-Unis et là, c’est le gap. La taille des capotes oscille plutôt entre 17 et 21 cm et une circonférence de 9,9 à 11,4 cm. Autrement dit, c’est trop long et pas assez large. Voilà, où nous en sommes. La Food and Drug administration (FDA) et les organismes certificateurs américains ont jugé le problème suffisamment grave pour préconiser de créer et mettre en vente de nouvelles tailles sur le marché… mieux adaptées aux morphologies des Américains d’aujourd’hui.

De capotes, il est aussi question en Tunisie… mais cette fois, il ne s’agit nullement d’un problème de taille… plutôt d’un problème économique. Carrément !

La Banque centrale tunisienne entend, en effet, limiter l'importation de préservatifs, nous apprend le "HuffPost Tunisie". Pour quelle raison ? Tout simplement pour freiner le rythme des importations afin de réduire le déficit commercial extérieur de la Tunisie, nous apprend la journaliste Rihab Boukhayatia. Le déficit commercial est 11,5 milliards de dinars (3,95 milliards d’euros) sur les neuf premiers mois de l’année, rappelle le journal "Jeune Afrique". La Banque centrale tunisienne a rédigé une liste de produits de consommation importés jugés, par elle, non-essentiels ou non prioritaires. Quelque 500 produits sont concernés. Cette décision vise à limiter les importations afin que la Banque centrale garde ses devises. Evidemment, la mesure envisagée pour les préservatifs a aussitôt suscité réactions et critiques. "Quelles seront les répercussions d'une telle mesure sur la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles (MST), le VIH et les grossesses-non désirées, sachant que le port du préservatif est l'un des premiers moyens de prévention ?", s’interroge ainsi le "HuffPost Tunisie". Le site d’infos a contacté une des principales associations tunisiennes de lutte contre le sida : ATL MST/Sida, à Tunis. Cette limitation serait très préjudiciable à la lutte contre les IST dont le VIH, a expliqué l’association, car la Tunisie ne compte pas de fabricants locaux de capotes. Autrement dit : pas d’importations, plus de capotes. "Il faut savoir qu'on est en rupture de stock et que les procédures d'importation sont déjà assez longues alors quelle alternative à l'importation en prenant une telle mesure ?", s'interroge Issam Gritli de l’ATL MST/Sida, interrogée par le "HuffPost Tunisie". "Il faut savoir que les Tunisiens ne se protègent pas assez et quand ils le font, ils préfèrent acheter les préservatifs non-subventionnés, jugés de meilleur qualité, alors si on compte en limiter l'importation, les conséquences vont être encore plus désastreuses", a-t-elle expliqué au site.

Pour le médecin gynécologue tunisois Sami Ben Sassi, la commercialisation des préservatifs est "déjà largement en dessous du nécessaire" de ce dont aurait besoin la population. "Il ne faut absolument pas toucher à la commercialisation de ces produits relatifs à la santé. Il y certaines marques subventionnées par l’Etat et d’autres pas. L’Etat ne devrait pas, pour les unes comme les autres, freiner leur commercialisation", insiste le médecin. Autre crainte, que la décision de la Banque centrale tunisienne "conduise à une augmentation du prix des préservatifs dans les pharmacies – ils ne sont quasiment pas disponibles dans les supermarchés – et donc en réduire l’utilisation". "Avec ce genre d’initiative, les Tunisiens – qui sont peu sensibilisés à la prévention des maladies sexuellement transmissibles – vont tout simplement renoncer à la protection. Le rapport sexuel coûtera cher en Tunisie", prévient un responsable associatif interrogé par "Jeune Afrique". Et l’hebdo de conclure : "Devant une économie en chute libre depuis 2011, les gouvernements tunisiens se succèdent sans parvenir à redresser ce lourd héritage de leur prédécesseurs. Celui de Youssef Chahed [l’actuel premier ministre, ndlr] est bien décidé à y faire face, de façon radicale, et quel que soit le prix".