Des logiciels anti-séropositifs dans une compagnie d’assurance

Publié par Emy-seronet le 10.04.2010
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discrimination
En Septembre 2009, Assurant Health, une des plus importantes compagnies d’assurance des Etats-Unis, comparaissait en appel devant la justice américaine pour contester une condamnation proclamée en 2004. Les dossiers de l’enquête, qui étaient tenus secrets jusqu’à aujourd’hui, sont peu à peu dévoilés au public.

Un fait divers qui a révélé un scandale
Caroline du Sud, 2002. Jerome Mitchell, 17 ans, apprend qu’il est séropositif et le déclare à Fortis, l’assurance maladie à laquelle il a souscrit un an plus tôt. Fortis résilie son contrat sans explication. Persuadé qu’il s’agit d’un malentendu et devant l’urgence – sans traitement, les médecins lui prédisent un sida déclaré et une mort certaine dans les deux années à suivre - le jeune homme engage un avocat pour faire rétablir son contrat. Pendant vingt-deux mois de combat judicaire, Mitchell est soutenu par une assistante sociale spécialisée qui lui permet d’être pris en charge par une clinique et se bat aux cotés de son avocat. En 2004, Fortis, devenue Assurant Health, est forcée de rétablir le contrat de Mitchell et condamnée à lui verser 15 millions de dollars, mais l’enquête a révélé bien plus qu’une résiliation erronée…

Déclaration, persécution… résiliation !
Dans leur verdict, rendu à l’unanimité, les membres de la Cour Suprême de Caroline du Sud dévoilent la conclusion de l’enquête qui a mené à cette condamnation. Non seulement les ordinateurs de la compagnie étaient programmés pour repérer les assurés aux factures élevées, mais ils étaient aussi programmés pour détecter les séropositifs. Régulièrement, le programme recherchait si des assurés avaient déclaré être devenus séropositifs. Les assurés ainsi « ciblés » étaient automatiquement inscrits auprès de la commission d’enquête de l’entreprise ; la commission chargée d’évaluer la véracité et l’exactitude des informations avant une éventuelle sanction pour fraude à l’assurance. Cependant, parce qu’ils avaient pour ordre d’évincer ces clients trop coûteux, les membres de la commission ne menait aucune enquête et résiliait leurs contrats sans raison, parfois sous de faux prétextes, en moins de trois minutes, « à coups de tampon encreur ». La compagnie aurait ainsi procédé pendant neuf ans et, puisqu’il y avait peu de chances de trouver des preuves de fraude à l’assurance dans ces contrats, les dossiers étaient soigneusement détruits par les employés.

Un événement sans précédant
Aux Etats-Unis, les compagnies d’assurances pratiquent la « résiliation » depuis longtemps, en enquêtant systématiquement sur les assurés qui déclarent être atteints d’une maladie grave. En 2007, les conclusions d’une enquête conduite par le California Department of Managed Health Care étaient accablantes. Sur quatre-vingt-dix contrats résiliés choisis au hasard chez Athem Blue Cross, une autre compagnie d’assurance californienne, aucun ne présentait de preuve de fraude à l’assurance. L’été dernier, même constat d’après une étude du Comité sur l’Energie et le Commerce de la Chambre des représentants : les compagnies d’assurance les plus importantes du pays auraient résilié le contrat de milliers de personnes parce qu’elles avaient contracté une maladie grave. Entre 2003 et 2007, Assurant Health aurait ainsi économisé 150 millions de dollars grâce à la « résiliation »… mais les spécialistes qui ont enquêté sur l’affaire Mitchell affirment que le fait de s’en prendre spécifiquement aux personnes séropositives est sans précédant. « Nous parlons de traitements à vie, de soins à vie… de nombreuses factures. De nos jours, une personne séropositive peut mener une vie normale pendant des dizaines d’années. C’était une question d’argent, » a déclaré un des enquêteurs pour expliquer la politique de Assurant Health.

Le plan santé de Obama sera-t-il la solution ?
Mardi 30 mars 2010, le président Barack Obama promulguait le dernier volet de sa réforme de l’assurance maladie ; une restructuration du système de santé qui pourrait mettre un terme aux pratiques illégales des entreprises telles que la « résiliation ». C’est en tout cas Don Hammce qu’affirmait Don Hamm, le directeur général de Assurant Health, pour se défendre devant la Chambre des Représentants : « Dans le système américain actuel, [la résiliation] est une pratique indispensable si l’on veut pouvoir fournir des assurances santé ». « Notre objectif – fournir une couverture santé à tous les américains – est le même. Nous ne pourrons l’accomplir que dans un système où chaque américain bénéficie d’une couverture, et où chacun y participe. Alors, seulement, nous serons en mesure de cesser la pratique des résiliations. »

(source Reuters)