Droit au séjour : le Sénat accorde un répit

Publié par jfl-seronet le 10.02.2011
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droit au séjour pour soins
C’était une chance sur deux… Pour une fois, c’est tombé sur la bonne : les sénateurs ont rejeté (8 février) l'amendement restreignant le droit au séjour des étrangers malades, voté par les députés en première lecture du projet de loi Immigration et Intégration. Une bonne nouvelle, mais qui pourrait ne pas durer. On peut craindre que les députés de la majorité rétablissent l’article 17 ter aujourd’hui supprimé au Sénat. Explications.
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Le 8 février, les sénateurs reprennent l’examen en séance publique du projet de loi Immigration et Intégration. Au menu, l’article 17 ter qui a pourtant été supprimé par la commission des lois sénatoriale, mais sur lequel un amendement, le n°95 rectifié, a été déposé par plusieurs sénateurs UMP dont Louis Nègre. C’est une commande du gouvernement qui n’est pas d’accord avec la suppression d’un article qu’il a lui-même demandé de mettre dans la loi lors de son premier examen par l’Assemblée Nationale. Louis Nègre et ses collègues dont Philippe Dominati (sénateur UMP de Paris) ont déposé un article qui, comme à l’Assemblée nationale, propose dans le cadre du droit au séjour pour soins des étrangers malades de remplacer les mots : "qu'il ne puisse effectivement bénéficier" par les mots : "de l'indisponibilité". Un changement qui, s’il devenait définitif, aurait des conséquences dramatiques pour les personnes étrangères gravement malades.
Au Sénat, Philippe Dominati défend l’amendement qu’il a cosigné : "L'article 17 ter concernait la délivrance d'un titre de séjour à un étranger malade. En 2009, 5 554 cartes ont été délivrées à ce titre, mais le Conseil d'Etat a considérablement étendu en avril 2010 la portée du dispositif en introduisant une forte dose de subjectivité - le coût du traitement dans le pays d'origine - là où la loi de 1998 était fondée sur des critères objectifs. Je regrette que notre commission des lois n'ait pas maintenu l'article introduit par l'Assemblée nationale ; lorsque la jurisprudence interprète à l'excès l'esprit de la loi, le législateur doit intervenir." C’est exactement l’argumentation développée lors des débats à l’Assemblée Nationale. Le problème, c’est qu’une majorité des sénateurs n’est pas favorable à cette mesure… comme le rappelle d’ailleurs le sénateur François-Noël Buffet, rapporteur pour la commission des lois sur ce texte : "Avis défavorable. Les choses ont été dites clairement en commission des lois."
Du côté du gouvernement, c’est Philippe Richert, ministre des Collectivités locales rattaché à Brice Hortefeux qui a la charge de défendre le texte. Dans son intervention, le ministre rappelle que : "La loi du 11 mai 1998 permet à un étranger malade d'obtenir un titre de séjour si un défaut de prise en charge médicale est susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Personne n'entend remettre ce droit en cause". Pour autant, le ministre indique, lui aussi, que "le 7 avril 2010, le Conseil d'Etat a introduit le critère du prix du traitement dans le pays d'origine, allant ainsi au-delà des exigences de la loi comme de celles de la Cour européenne des droits de l’Homme. Cette jurisprudence conduit à des situations aberrantes". Il explique alors que : "L'Assemblée nationale a voté en octobre [2010] une position équilibrée, en accord avec le Gouvernement, pour appliquer à la lettre la loi votée en 1998. En l'état de la réflexion, il est souhaitable que la navette continue. Je suggère le retrait de l'amendement." On passe au vote. L’amendement des sénateurs UMP est retiré.

Alors la partie est-elle gagnée pour les opposants à l’article 17 ter ? Non, pas du tout. Comme on le voit le gouvernement juge que le texte de cet article est "équilibré" alors que l’ensemble des experts (lutte contre le sida, santé publique…), des professionnels de santé (collectifs et syndicats de médecins…) et des associations militantes (droit à la santé des étrangers, lutte contre le sida, etc.) s’oppose à toute modification du droit au séjour pour soins. Il n’envisage donc pas de changer le texte adopté par les députés. Et ce d’autant qu’il prétend que les décisions du Conseil d’Etat (qui renforcent la protection des étrangers malades) auraient "conduit à des situations aberrantes" sans d’ailleurs en citer une seule. A ce jour, les deux chambres (Assemblée nationale et Sénat) ont voté deux textes différents. Le texte va donc de nouveau être examiné par les députés. Et très rapidement puisque la commission des lois de l’Assemblée nationale se réunira le 16 février prochain sur ce texte. Si ces derniers (ce qu’on peut craindre) rétablissent l’article 17 ter lors des débats… il faudra alors en passer par la commission mixte paritaire (six sénateurs et six députés) pour connaître le sort qui sera fait au droit au séjour pour soins. La bataille est loin d’être achevée.