Droit séjour pour soins : ça se dispute !

Publié par jfl-seronet le 09.02.2011
756 lectures
Notez l'article : 
0
 
droit au séjour pour soins
C’est très probablement la semaine prochaine que l’article 17 ter du projet de loi Immigration et intégration viendra en débat au Sénat. Redouté, cet article fait l’objet depuis plusieurs mois d’une importante polémique. Il faut dire que s’il était adopté il remettrait radicalement en cause le droit au séjour pour raisons médicales. Pour et contre : morceaux choisis !
senat.jpg

C’est vrai ! Ce ne sont pas les sujets de mécontentement qui manquent à propos du projet de loi Immigration et intégration, dont était porteur Eric Besson avant de changer d’attribution ministérielle. C’est à tel point qu’il est dénoncé par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (voir Seronet). Ce projet de loi (actuellement en débat au Sénat) prévoit (c’est le fameux article 17 ter) de restreindre le droit au séjour pour raisons médicales. Un droit au séjour qui permet aux étrangers résidant en France et atteints d'une pathologie grave (cancer, diabète, VIH/sida, hépatites, etc.) de bénéficier d'un titre de séjour et d'une prise en charge médicale, lorsqu'ils "ne peuvent effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine". Lors des débats à l’Assemblée nationale, le député UMP Thierry Mariani (aujourd’hui membre du gouvernement) a obtenu qu’on change dans la loi la rédaction de l’article et qu’on passe de la notion d’"accès effectif" aux traitements à celle de "disponibilité". Cela n’a l’air de rien, mais cela change tout. En fait, et sans faire d’effets de manche, cela mettrait en péril la santé publique et cela mettrait en danger la vie de milliers de personnes. Dans ce contexte, on comprend mieux que la discussion générale au Sénat (2 et 3 février) ait été vive.

S’adressant à Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur et de l’Immigration, Alima Boumediene-Thiery, sénatrice Europe Ecologie Les Verts, attaque sur la remise en cause du droit au séjour pour soins : "Monsieur le ministre, de quoi d'autre encore sont responsables les étrangers ? Du déficit budgétaire ? Du déficit de la sécurité sociale ? De celui des caisses de retraite ? Pourtant, vous le savez bien, trop souvent, ceux-ci ne bénéficient pas du remboursement des soins et, en raison de la dureté de leur travail, sont peu nombreux à atteindre l'âge de la retraite. Néanmoins, il semble que votre majorité pense qu'ils en "profitent" encore trop, puisque, à l'occasion de la discussion du projet de loi de
finances pour 2011, l'accès aux soins [AME] a été restreint (...) Une nouvelle fois, votre majorité a stigmatisé les étrangers. La tentative de porter atteinte aux droits des étrangers malades, en particulier à leur droit au séjour et, par conséquent, à leur droit aux soins, a été ici aussi réitérée ! Vous laissez entendre que les étrangers viennent dans notre pays pour se faire soigner. C'est faux ! (…) Ensuite, vous ne dites pas que la grande majorité de ces étrangers sont tombés malades en France, souvent en raison des risques et maladies
professionnels auxquels ils ont été exposés. Enfin, vous laissez planer une nouvelle suspicion. Et s'il s'agissait de faux malades qui ont recours à cette ruse uniquement pour obtenir des papiers ? Permettez-moi de vous le dire : c'est honteux !"

Du côté de ceux qui sont en faveur de cet article 17 ter, on trouve notamment le sénateur UMP Louis Nègre. C’est lui qui a déposé un amendement permettant de réinstaller dans les débats cet article que la commission des lois du Sénat avait supprimé lors de ses travaux. En séance, le sénateur intervient : "Concernant l'accès au titre de séjour "étrangers-malades",
force est de constater qu'une jurisprudence très audacieuse [il parle de deux décisions du Conseil d’Etat renforçant les droits aux soins pour les étrangers malades] a donné lieu à des aberrations. Cette jurisprudence est d'ailleurs plus laxiste [sic] que la Cour européenne des droits de l'homme elle-même… Nous pensons qu'en cette matière il faut tout simplement revenir à l'application de la loi du 11 mai 1998 [c’est elle qui a créé le droit au séjour pour soins], qui n'avait d'ailleurs pas posé de problème particulier avant une extension
jurisprudentielle allant bien au-delà du souhait du législateur." C’est quasiment mot pour mot ce qu’avait dit le député UMP Thierry Mariani pour défendre cet article 17 ter.

"Je ne vois pas comment les travailleurs sans papiers pourraient s'intégrer, eux qui subissent une quadruple peine : ne pas pouvoir obtenir de titre de séjour, être exploités par des patrons voyous – le présent texte les protège toujours –, être mal logés, enfin ne pas pouvoir se soigner en raison de la récente remise en cause de l'aide médicale de l'Etat, l'AME", avance Eliane Assassi, sénatrice CRC (groupe Communiste Républicain Citoyen). Sur l’article incriminé, Eliane Assassi avance que : "Ces attaques représentent une aberration en termes de santé publique et une atteinte à la dignité humaine." Sénateur de l’Union centriste (UC), Yves Detraigne n’est pas en reste : "Un mot, enfin, au sujet de la carte de séjour "étrangers malades" (…) Cette solution [l’article 17 ter] semble peu opportune, sur la forme comme sur le fond. Sur la forme, je regrette, à l'instar de nombreux collègues de la commission [des lois], que ces dispositions aient été introduites dans le projet de loi par voie d'amendements déposés à l'Assemblée nationale, ce qui a, malheureusement, dispensé le gouvernement d'en évaluer l'impact. Sur le fond, je partage les préoccupations de la commission quant aux
effets que pourrait avoir cette modification sur la santé publique."

Mais au Sénat… tout le monde pense t-il comme Louis Nègre à l’UMP ? Pas vraiment si on en croît le courrier adressé par Colette Giudicelli, sénatrice UMP des Alpes –Maritimes, interpellée par AIDES et Médecins du Monde. Dans un courrier adressé aux deux associations,  la sénatrice UMP écrit : "Pour ma par, je suis d’accord avec les arguments qui ont prévalu (…) à savoir qu’introduire cette nouvelle rédaction ne ferait que jeter le trouble dans l’opinion publique, concernant la politique d’accueil de notre pays pour ces étrangers en situation de fragilité ; elle n’aurait en outre aucune espèce d’utilité de quelque sorte que ce soit, puisque 90 % des personnes qui obtiennent un titre de séjour pour des raisons médicales sont déjà résidentes. Les rejeter dans l’illégalité entraînerait seulement le transfert de la charge financière vers l’Aide médicale d’Etat."