En famille !

Publié par jfl-seronet le 19.08.2011
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comité des familles
C’est dans une rue calme du 19e arrondissement que le Comité des familles accueille enfants, familles et célibataires. Il y a quelques mois plusieurs femmes, dont Ariane et Bouchra, s’y trouvaient réunies pour une rencontre. Séropositives, toutes ont eu des enfants qui sont en bonne santé. Cette expérience les a incitées à soutenir d’autres femmes séropositives dans leur désir d’enfant, dans le cadre d’une action innovante : le projet Grandes Sœurs.
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Mères de familles, l’une d’elles est venue avec son très jeune enfant dans un landau, elles sont réunies, ce samedi après-midi, dans la salle d’accueil de la Maison des familles. Accueillante et discrète, c’est un endroit idéal pour évoquer son parcours, sa vie de femme et de mère et parler de son engagement dans le projet Grandes Sœurs. Il propose aux femmes enceintes qui viennent d’apprendre leur séropositivité d’entrer en contact avec une autre maman séropositive. C’est un accompagnement individuel et personnalisé et, pour celles qui le souhaitent, des moments de discussions en groupes entre femmes concernées. L’ambiance est détendue malgré les souvenirs douloureux qui jaillissent au fil des conversations. Ariane, une parmi les Grandes Sœurs, se souvient bien que, lors de son accouchement en 2008, le personnel s’obstinait à servir ses repas dans des assiettes en plastique jetables. Elle se rappelle la poubelle avec la mention "Déchets toxiques" dans un coin de sa chambre. Elle n’oublie pas les douleurs que les soignants n’ont pas cherchées à calmer, ni le médecin aux abonnés absents pour le suivi de sa césarienne. De cette expérience où le bonheur d’avoir un enfant se mêle au rejet de la part du personnel soignant, Ariane a voulu faire une force, mais son engagement ne s’est pas décidé dans une chambre de clinique, il vient de plus loin. "J’ai appris ma séropositivité avant ma première grossesse, explique Ariane. Je suis passée par une période de déni, puis j’ai longuement réfléchi. Mon compagnon est séronégatif. J’ai une fille qui a presque 4 ans et un garçon qui a un peu plus de deux ans". Lorsqu’Ariane a rejoint le Comité des familles, sa fille avait un mois. Pour sa première grossesse, elle a dû faire face, seule ou presque, aux questions qui se bousculaient. Personne à qui parler de ses interrogations et ses inquiétudes. "Ma seule source d’information était mon médecin. J’avais besoin de concret, des questions toutes bêtes à poser, mais je n’avais pas la possibilité d’échanger avec qui que ce soit. On m’avait prescrit un médicament et j’avais découvert sur le site papamamanbebe.net des témoignages de femmes qui prenaient le même. On y parlait de problème mitochondrial, d’un possible effet sur les enfants. Je ne voulais pas vivre ça. Dans le rapport d’experts (Yeni), d’autres médicaments étaient indiqués… Je comprenais qu’on les donnait à certaines femmes pendant leur grossesse et pas à d’autres sans que je sache pourquoi". Tout a changé lorsqu’Ariane a pris contact avec le Comité des familles. Enfin, elle a pu parler avec d’autres parents concernés, d’autres mamans qui sont déjà passées par là, qui ont eu leurs enfants, des enfants qui sont en bonne santé. Son compagnon a pu parler avec un père séronégatif comme lui.
Bouchra, elle aussi Grande Sœur, a découvert sa séropositivité au moment de sa grossesse. Elle ne s’y attendait pas du tout. "J’ai pensé à la mort", dit-elle d’emblée. Puis, elle a pensé à d’autres choses. On lui a dit : "Vous êtes séropositive… Vous n’êtes pas malade !" Alors Bouchra a posé des questions sur la grossesse, sur ce qui pouvait arriver au bébé, le pourcentage de risque que le bébé soit touché. "J’ai découvert le Comité des familles à l’occasion d’un Méga couscous [une des grandes fêtes conviviales que le Comité organise régulièrement, ndlr]. Vers la fin de la soirée, je suis allée voir Reda [le responsable du Comité des familles]. J’avais décidé de ne plus broyer du noir dans mon coin. Il m’a immédiatement présentée à une maman avec qui j’ai discuté pendant toute la soirée. Cela m’a beaucoup soulagée. J’ai également eu un très bon soutien de la part de l’équipe médicale : l’infectiologue et le gynéco. J’ai surtout pu compter sur mon mari. Par la suite, je suis devenue Grande Sœur et, depuis, je suis en contact avec une femme enceinte qui a fait appel aux Grandes Sœurs. Elle était complètement abattue lorsque son médecin lui a annoncé sa séropositivité… elle pensait même avorter. Aujourd’hui, elle est contente d’avoir sa fille en bonne santé, à côté d’elle. Beaucoup de femmes qui apprennent leur séropositivité alors qu’elles sont enceintes se demandent si elles vont ou pas garder leur enfant", indique Ariane. "Il y a toujours l’inquiétude que l’enfant soit contaminé". Si des équipes médicales se sont engagées dans un partenariat avec le Comité des familles, c’est parce qu’elles y ont vu un intérêt pour les femmes concernées. Si ces équipes sont bien formées pour parler de la prise en charge, de la prévention de la transmission de la mère à l’enfant, du fait de pouvoir ou pas allaiter… il est des sujets plus délicats pour elles. Qui, mieux qu’une femme séropositive qui a mis un enfant au monde, peut discuter de questions plus intimes, plus personnelles ? "Serai-je une bonne mère ?" ; "Quel risque mon enfant encourt-il ?" ; "Quel sera l’avenir de mon enfant d’avoir une mère séropositive ?" Et puis, il y aussi toutes les interrogations concernant le partenaire. "Comment lui dire s’il n’est pas au courant ?" ; "Sait-il, lui-même, s’il est séropositif ou non ?" "Il y a des sujets qu’il est délicat d’aborder avec le médecin", précise Ariane. "Par exemple, certaines questions sociales. Je vois bien que certaines petites sœurs [c’est ainsi que sont appelées celles qui font appel aux Grandes Sœurs, ndlr] nous parlent de sujets dont elles ne parlent pas avec leur médecin. Notre travail consiste à nous servir de notre expérience, puisque nous sommes passées par là, pour soutenir, accompagner, réorienter en cas de besoin. Cet accompagnement est personnalisé et dure le temps que la petite sœur le souhaite. Cela peut prendre la forme d’appels téléphoniques, de rencontres ou d’activités partagées en commun". Et cela marche, d’ailleurs des femmes qui ont fait appel au projet deviennent souvent elles-mêmes grandes sœurs… Une façon d’apporter à d’autres le soutien qu’elles ont reçu. Un passage de l’espoir d’une femme à une autre ; un passage du bonheur d’une famille à une autre.

Projet Grandes Sœurs
Le 4 mars dernier, l’émission de radio "Survivre au sida" diffuse une interview du professeur Laurent Mandelbrot de l’hôpital Louis Mourier à Colombes dont il dirige la maternité. Interrogé sur sa propre expérience d’annoncer à une femme sa séropositivité, il répond : "C’est un coup dur, une mauvaise nouvelle, mais ce n’est pas une catastrophe. Il ne faut pas se sentir une moins bonne personne parce qu’on est séropositive, ni une moins bonne maman. On peut aujourd’hui être séropositive, continuer sa grossesse, rester en bonne santé et avoir un enfant en bonne santé". Pas étonnant que ce soit justement avec le service de ce médecin, spécialisé dans le suivi des femmes séropositives, que ce soit développé, fin 2007, le projet Grandes Sœurs en partenariat avec les médecins hospitaliers des services concernés (infectiologie, maternité). Aujourd’hui, le projet est conduit en partenariat avec l’hôpital Louis Mourier à Colombes et l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis.
Pour des informations sur le projet Grandes Sœurs, il faut contacter Tina du Comité des familles, responsable du projet, au 06 67 67 66 28 ou à la Maison des familles au 01 40 40 90 25.

Le Comité des familles

Association indépendante, laïque et multicommunautaire, le "Comité des familles pour Survivre au sida" a été créé en 2003, à la Cité des 4000 à La Courneuve, en banlieue parisienne. Des militants de l’association animent une émission de radio "Survivre au sida" (qui existe depuis 1995, c’est d’ailleurs elle qui a permis la création de l’association) et propose aux familles de participer et de contribuer aux nombreux services et activités dans le cadre de la Maison des familles, dont le projet Grandes Sœurs. Depuis 2005, l’association organise régulièrement les Rencontres nationales des parents et futurs parents concernés par le VIH. Ces rencontres réunissent des familles qui peuvent échanger avec des chercheurs, des médecins spécialistes des questions de procréation et VIH comme Laurent Mandelbrot, Sophie Matheron, Bernard Hirschel, etc. Le 18 juin 2011, Gero Hütter, le médecin de "l’homme de Berlin" (un homme qui, soigné pour une leucémie, a "guéri" de son infection à VIH : il est redevenu séronégatif) interviendra lors de la 5ème Rencontre nationale qui se tiendra à l'Hôtel de Ville de Paris.
Comité des familles - Maison des familles - 71 rue Armand Carrel - 75019 Paris.

Tel : 01 40 40 90 25