Patent pool, une idée d’avenir !

Publié par jfl-seronet le 17.12.2009
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Elle prend plutôt bien la campagne lancée par Médecins sans Frontières (MSF) qui appelle neufs grandes compagnies pharmaceutiques à mettre en commun leurs brevets sur les médicaments essentiels à la lutte contre le sida, ce qu’on appelle des "patent pool". Explications.

Les "patent pool" ou communautés de brevets sont une initiative originale et innovante sur laquelle Unitaid s'est engagée depuis 2006. Si MSF la soutient, c’est parce que les "patent pool" pourraient avoir un impact considérable sur la baisse des prix et l’offre de traitements indispensables pour les habitants des pays en développement : des associations de médicaments récents et des formulations adaptées aux enfants. Comme le rappelait récemment MSF lors d’une conférence de presse, le concept de "patent pool" n’est pas nouveau. Il a déjà été appliqué dans des domaines de l’industrie ou de la technologie, mais, jusqu’à présent, jamais dans le secteur des médicaments.

«En quoi consistent les "patent pool" ?
La communauté de brevets est un mécanisme par lequel des propriétaires de brevets les mettent en commun dans un "pool". Ils autorisent ceux qui en ont besoin à y avoir accès et à les utiliser moyennant le paiement de royalties. "L’idée est simple : les compagnies partagent leurs connaissances en échange d’une juste rétribution sous forme de royalties. Ce mécanisme pourrait ainsi permettre de modifier l’approche des compagnies en ouvrant l’accès aux médicaments anti VIH/sida et en encourageant l’innovation", explique la directrice de la campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF.

Quel intérêt en matière de VIH ?
La communauté de brevets peut favoriser l’innovation dans des secteurs où il y a peu d’avancées. En matière de VIH/sida, on peut citer de nouvelles associations de médicaments à dose fixe, en un seul comprimé, plus particulièrement pour les médicaments les plus récents et le développement de traitements pédiatriques. Pour le premier point, ces médicaments simplifieraient le traitement des personnes atteintes dans les pays du sud. "Or, pour pouvoir produire ces associations de médicaments, il faut surmonter les obstacles que constituent les brevets, explique MSF. Associer trois produits différents en un seul comprimé implique parfois de traiter avec trois détenteurs de brevets. Ainsi, un fabricant souhaitant mettre au point une combinaison à dose fixe associant plusieurs molécules (trois dans le cadre des trithérapies) doit traiter avec les différents détenteurs des trois brevets. Il est donc très difficile d’arriver à un accord." Si cela peut se faire en un seul lieu, comme au sein d’une communauté de brevets, le processus est d’autant plus simplifié aussi bien pour mettre d’accord les propriétaires de brevets que pour les entreprises qui vont les utiliser afin de fabriquer des médicaments.

Quels sont les enjeux outre la simplification ?
MSF qui intervient dans de nombreux pays en Afrique et en Asie constate que de nombreux patients soignés dans ses programmes ont développé des résistances au traitement et qui doivent aujourd’hui recevoir de nouveaux médicaments plus efficaces. Les "patent pool" permettraient cela. Une des autres conséquences, c’est que cela permettrait de "faire baisser les prix tout en accélérant le développement des produits génériques." Aujourd’hui, lorsque des fabricants de génériques veulent produire un nouveau médicament comprenant des molécules qui sont encore brevetées, il faut qu’ils attendent vingt ans, jusqu’à l’expiration légale du brevet. Les brevets dans les "patent pool" sont accessibles aux fabricants de génériques sans avoir besoin d’attendre cette durée. Ils peuvent, en échange du paiement de royalties qui rémunèrent la découverte de telle ou telle molécule brevetée, réaliser de nouvelles associations de traitements ou des médicaments à moindre coup. Ce dernier point permet de les rendre accessibles au plus grand nombre. Enfin, pour MSF, un des enjeux est la mise au point de traitements pédiatriques. Tous les spécialistes le constatent, le développement de traitements anti-VIH pour les enfants n’est pas une priorité des laboratoires, alors même que de nombreux enfants dans le monde sont touchés. Les fabricants de génériques ont, depuis longtemps, montré leur intérêt pour la production de formulations pédiatriques adaptées. Mais, en l’absence actuelle des "patent pool", ils sont confrontés à l’obstacle des brevets notamment pour les médicaments les plus récents.

Que fait Unitaid sur ce sujet ?
Unitaid s'est engagée depuis 2006 dans ce domaine. "La Communauté de brevets Unitaid pour les médicaments antirétroviraux – actuellement en cours de développement et prévue pour être opérationnelle dès 2010 – pourra également permettre d’élargir les marchés des pays en développement et d’économiser, selon les projections a minima de l’Université de Boston, dix millions de dollars par an", rappelait récemment un texte de l'organisme. L’initiative d’Unitaid "vise à répondre à une demande constante en créant l’offre nécessaire de ces nouveaux médicaments essentiels à des prix abordables. Conscient du fait que l’accès aux médicaments et aux autres produits de santé est largement influencé par les forces du marché, Unitaid a depuis le début choisi de concentrer son action sur certains segments de marchés peu financés -  ou "niches" - et d’offrir aux fabricants la garantie nécessaire, en assurant des financements sur le long terme, pour développer de nouvelles formulations et produire des volumes plus importants."

Quelles actions conduit MSF ?
Le succès du mécanisme mis en chantier par Unitaid dépend étroitement de la volonté des détenteurs de brevets d’y aller. "La participation est volontaire. Les compagnies ont donc le choix, et aujourd’hui c’est ce choix que nous leur demandons de faire, explique la directrice de la Campagne d’accès aux médicaments essentiels de MSF. Pour les compagnies, c’est le moment de montrer qu’elles souhaitent réellement s’engager à prendre des mesures efficaces pour permettre l’accès à des médicaments essentiels pour les personnes infectées dans les pays en développement. Certains laboratoires ont déjà exprimé leur intérêt, mais nous attendons qu’ils aillent plus loin, et qu’ils mettent dès à présent en commun les brevets indispensables." Concrètement, MSF demande, par exemple, à Abbott de mettre en commun ses brevets sur le lopinavir (Kaletra) et le ritonavir (Norvir), à Bristol-Myers-Squibb de faire de même avec la didanosine (Videx) et l’atazanavir (Reyataz), à Merck de mettre en commun ses brevets sur l’éfavirenz (Sustiva) et le raltégravir (Isentress), etc. MSF rappelle d’ailleurs que la plupart des médicaments identifiés par MSF dans ce cadre sont recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé pour être utilisés dans les pays en développement.
Un des moyens mis place par MSF est une campagne d’envoi de mails aux laboratoires pharmaceutiques. Il s’agit de l’envoi d’un courrier via Internet directement aux responsables des labos. Aujourd’hui, plus de 300 000 mails ont d’ores et déjà été envoyés aux laboratoires.


Pour plus d’informations sur ce dossier majeur concernant l’accès aux soins dans les pays du sud, on peut se reporter au site d’Unitaid et à celui de Médecins sans Frontières.

Image : Harrypopof