Rapport Hirschel : où en est le petit Suisse ?

Publié par Mathieu Brancourt le 07.06.2011
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La dernière enquête de AIDES, "VIH, hépatites et vous", vient de livrer ses premiers résultats (1). Cette étude vise à recueillir des informations sur les personnes fréquentant l’association, qu’elles vivent ou non avec le VIH et les hépatites. Elle interrogeait notamment sur la perception de l’avis suisse de 2008. C’est une nouvelle donne scientifique pour la sexualité et la perception des personnes séropositives.
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En 2008, la Commission fédérale suisse sur le sida rend public un avis sur le rôle préventif des traitements, provoquant de vives et contrastées réactions parmi les médecins, associations et personnes vivant avec le VIH. L’affirmation est la suivante : une personne séropositive hétérosexuelle ne souffrant d’aucune IST, sous traitement et avec une charge virale indétectable ne transmet pas le VIH  lors d’un rapport sans préservatif. Avec les conditions, pour la personne séropositive, d’une stricte observance de son traitement, d’un suivi régulier par un médecin, d’une charge virale sous le seuil de détection depuis au moins six mois et l’absence d’IST (infections sexuellement transmissibles). Cette nouvelle est une révolution, une sorte de nouveau départ pour les personnes vivant avec le VIH. Elle peut signifier un soulagement, pour certains une peur de contaminer moins forte. Elle permet aussi aux couples sérodifférents, s’ils le souhaitent, d’abandonner le préservatif et de se réapproprier le désir d’enfant. L’étude s’est faite sur des couples hétérosexuels, mais rien n’indique que cet avis ne pourrait s’appliquer aux couples homos. Un véritable tournant pour les personnes dans leur ensemble. D’où un intérêt pour AIDES de voir comment les personnes séropositives se sont approprier cette information et d’en voir l’impact potentiel sur leur sexualité, leur vie. Dans l’enquête "VIH, Hépatites et Vous", pour près de 57% des interrogés (pour cette question, uniquement des personnes séropositives), cette information était connue. Car c’est d’abord pour eux que l’enjeu est le plus important. Pour Daniela Rojas Castro, coresponsable de l’enquête, le fait que presque 40% de répondants méconnaissent l’avis suisse s’explique "par le fait que cette information est un sujet 'sensible' pour une partie du corps médical, qui n'informe pas spontanément sur cet aspect. En plus, une partie des personnes séropositives ne sera pas forcément motivée ou intéressée pour faire le suivi de toutes les nouvelles informations concernant les traitements pour le VIH, et pour celles qui peuvent être intéressées, mais dont leurs médecins ne parlent pas, il faudra avoir les moyens matériels pour trouver cette information, comme Internet". A noter aussi que la source de cette information provenait majoritairement d’une association (près de 58% par une personne, un journal ou un site d’une association). "Cela veut dire que l’information circule, mais surtout en vase clos, entre nous", indique Daniela Rojas Castro.
A la question : "Est-ce que cette information vous a permis d’avoir moins peur de transmettre le virus ?", 32% des répondants déclarent qu’aucun changement ne s’est produit. Pour 35%, il y a eu une légère réduction de la peur et pour les 33% restants, on constate une vraie réduction de la peur de transmission. Mais pour beaucoup, cela ne reste pas suffisant pour aborder le sujet avec leur partenaire. Près de 40% des personnes répondant à l’enquête déclarent ne pas du tout aborder la question du VIH avec leur partenaire. "Il faudrait donc faire le lien, rendre visible cette information, par des affiches dans les lieux de soin par exemple, pour que les personnes osent demander. Cela suppose aussi de sensibiliser le personnel médical à la diffusion de ces données", explique Daniela Rojas Castro. Le recours au préservatif pour 76% d’entre eux reste "ni moins ni plus fréquent qu’avant". 13% déclarent en mettre moins souvent, mais aussi 11% affirment en mettre plus depuis cette information. Quant à l’observance du traitement, 81% assurent avoir une observance équivalente depuis la publication de l’avis suisse. "Cela peut signifier que ces 81% avaient déjà une très bonne observance de leur traitement", ajoute Daniela Rojas Castro. Même si dans l’enquête, la question n’est posée qu’aux personnes vivant avec le VIH, la question de la diffusion de l’information auprès des séronégatifs devra être abordée. "On ne peut pas communiquer uniquement auprès des séropositifs. Il va falloir communiquer auprès de la population séronégative. Pour les mobiliser, j’imagine que cela se fera soit par le biais associatif, soit par la presse, en particulier gay, qui pourrait s’investir dans une diffusion plus globale de cette nouvelle".
Le traitement des données n’est pas terminé et la question du vieillir avec le VIH doit être abordée en profondeur. "Parmi les répondants, certains déclarent qu’ils n’avaient pas prévu de vivre, n’avaient pas pensé à la possibilité de se trouver une place dans un hébergement collectif. On peut constater qu’une partie des personnes vieillissant avec le VIH se retrouvent aujourd’hui dans une grande précarité. La question émerge, et au-delà du suivi médical du vieillissement chez les personnes séropositives, la question sociale -dans tous les sens du terme- se pose", ajoute Daniela Rojas Castro.
(1) : L’enquête "VIH, Hépatites et Vous" a été passée du 18 au 23 octobre 2010, lors des actions de terrain de AIDES ainsi que sur Internet jusqu’au 31 octobre. 2 356 personnes ont répondu. Avec une proportion de 70% d’hommes et avec 45% des répondants qui se déclarent séropositif.