Souffrance au travail : il est temps d'agir

Publié par Emy-seronet le 22.03.2011
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conditions de travail
La performance de la France en matière de santé au travail est mauvaise. Les pathologies liées à l'intensification du travail explosent. Reconstruire les rapports entre le travail et la vie est une priorité et des mesures permettant de détecter les risques psycho-sociaux et de les traiter rapidement devraient bientôt être décidées dans les entreprises. En tête de liste : la formation des responsables d'équipe et la remise en question de l'évaluation individuelle.
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Le sujet baignerait probablement encore dans l'ombre et le déni sans les suicides des salariés de France Télécom (automne 2009). Depuis, les alertes des experts, des médecins du travail, des syndicats et des employés se sont multipliées dans les médias et dans les groupes de travail spécialisés, avec un constat : le travail est un facteur de stress pour de plus en plus de personnes.

Des responsables et des victimes
Ce problème touche toutes les catégories professionnelles des responsables d'équipe – qui, à première vue, pourraient pourtant en être tenus responsables – aux petites mains. "La fréquentation des comités de direction d'entreprise et des personnels d'encadrement révèle que parmi les dirigeants, certains ont des doutes sur la validité des méthodes de gestion et de management. Ils savent qu'elles sont en cause dans les ravages humains du travail auxquels on assiste aujourd'hui, sans omettre qu'eux aussi commencent à souffrir sérieusement de la déstructuration du vivre-ensemble à la tête des entreprises, des administrations et de l'Etat," constate Christophe Dejours, directeur de la revue Travailler et spécialiste de la psychodynamique du travail, dans un article du Monde (21 février).

Evaluation individuelle VS évaluation collective
"Alors, on cherche des alternatives" mais "les dirigeants n'ont plus aucune connaissance des sciences du travail. Ils ne savent proposer que des méthodes supplémentaires de contrôle, qui portent le nom de traçabilité, de "critères de qualité totale" et "d'évaluation des performances". Ils s'en tiennent à fixer des objectifs toujours plus péremptoires, à miser sur la concurrence entre les travailleurs," explique le spécialiste. Des méthodes qui utilisent la peur et la menace pour favoriser la productivité. La plus délétère d'entre elles serait l'évaluation individualisée des performances qui "monte les travailleurs les uns contre les autres et destructure les solidarités." Il faudrait introduire de nouvelles méthodes pour considérer la valeur du travail collectif plutôt que celles des contributions individuelles, donc. Mettre l'accent sur la coopération. Mais aussi en finir avec les pratiques de la médecine du travail traditionnelle qui alimente cette concurrence et ne sont plus adaptées aux conditions de travail et au contexte actuel.


Les médecins du travail : les premiers "sélectionneurs"
"La visite d'aptitude est un archaïsme qui n'est plus cohérent avec le souci actuel d'accès et de maintien dans l'emploi des salariés handicapés ou âgés," confirment Catherine Collombet et Sylvie Touzet, militantes PS spécialistes de la question, dans un autre article. "Elle doit être remplacée par une connaissance aussi fine que possible des risques auxquels est exposé chaque travailleur, alimentée par des interventions en milieu de travail plus fréquentes et par des visites individuelles". Il ne faut plus se contenter d'évaluer l'inaptitude au poste mais il faut identifier et analyser les situations de risque, signaler à l'employeur les postes qui doivent être adaptés... Prévenir au lieu d'attendre qu'il faille guérir.

Un Plan santé-travail pour 2010-2014

Une piste : le gouvernement a fait de cette prévention la ligne directrice du Plan santé-travail 2010-2014. Lors de l'ouverture du récent colloque "Bien-être et efficacité au travail" (8 février 2011, Paris), organisé par le Ministère du travail, de l'emploi et de la santé, et le Cercle de l'Humain dans le but de "dresser un premier bilan de l'action des pouvoirs publics et des entreprises sur la question de la prévention et de la gestion des risques psycho-sociaux en milieu professionnel," le ministre Xavier Bertrand, a même réaffirmé son attachement au développement d'un plan antistress performant dans le monde du travail. Réformer la médecine du travail pour augmenter le nombre de soignants en milieu professionnel et y diversifier les spécialités (médecins, psychologues, sociologues, ergonomes, professionnels de l'audit...) et sensibiliser les chefs d'entreprise et les responsables d'équipe sont les deux principales résolutions du Plan. Depuis le 1er février 2011, les managers peuvent d'ailleurs se tourner vers le Réseau francophone "formation, santé, travail" qui met à leur disposition des outils pédagogiques destinés à "une gestion d'équipe respectueuse des caractéristiques humaines et des personnalités".