TROD en Guyane, pour un dépistage fleuve

Publié par Mathieu Brancourt le 17.08.2011
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A Saint-Laurent du Maroni, AIDES participe à la mise en place d'un projet d'actions de réduction des risques sexuels, comprenant une offre de dépistage à résultat rapide, dit TROD (Test rapide à orientation diagnostique). Dans cette région, l'accès à la prévention et aux soins reste précaire. Les différents acteurs de ce projet doivent adopter des stratégies spécifiques, afin de rendre le dépistage rapide accessible au plus grand nombre.
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Le dépistage à résultat rapide, ça se passe aussi en Guyane. A la suite du décret du 10 novembre 2010, les acteurs associatifs ont été reconnus aptes à pratiquer le test de dépistage du VIH, en dehors des structures médicales classiques. Ce texte fait suite à deux études biomédicales ayant démontré la pertinence de la proposition d'une nouvelle offre de dépistage, pour les groupes les plus vulnérables vis-à-vis du VIH. Permettre aux gens de connaître leur statut sérologique, de manière rapide, fiable et répétée, est l'une des nouvelles armes dans la lutte contre l'épidémie. Dans un département français où l'épidémie est généralisée, selon les critères de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'arrivée des TROD (Test rapide à orientation diagnostique) est une avancée majeure dans l'objectif de juguler les nouvelles contaminations et permettre un accès au traitement plus précoce pour les personnes concernées.

A Saint-Laurent du Maroni, situé à environ 250 kilomètres à l'ouest de Cayenne, en bordure du fleuve Maroni, le lieu de mobilisation ouvert par AIDES s'est engagé dans la mise en place du dépistage à résultat rapide. Les militants comptent proposer les premiers TROD à la fin du mois d'août. Auparavant, ils se sont formés aux techniques du dépistage dit communautaire, afin d’être opérationnels dès que le TROD intégrera les actions de terrain, pour la fin de l'année. S'implanter sur Saint-Laurent pour la fin de l'année, puis aller progressivement vers les populations du fleuve, dès l'année prochaine.


Les alentours du fleuve Maroni accueillent une grande diversité de communautés (Bushinengue, Créole, Amérindienne, etc.), que ce soit sur la rive surinamaise ou française. Les migrations de va et vient entre le Suriname et la France sont importantes. La région de Saint-Laurent représente, en effet, une zone de vie commune aux habitants des deux rives, pour qui la séparation administrative entre les deux pays ne se ressent pas dans leur quotidien. Les migrations sont coutumières et naturelles, entre des familles souvent séparées par la frontière, qu'est devenu le fleuve. Cependant, une militante de l’association confie la difficulté de se soigner, quand on est une personne étrangère. Les refus de soins aux personnes étrangères de la part de médecins sont fréquents. Les délais pour les demandes de titres de séjour pour soin ou de cartes de résidence sont interminables et les justificatifs ne suffisent pas toujours à l'obtenir ou le renouveler. Le récent durcissement de la loi sur le droit au séjour pour soins frappe de plein fouet des personnes malades qui, privées d'un accès médical, ne se soignent pas ou plus. Ces dysfonctionnements, légions dans l'administration guyanaise, sont un autre cheval de bataille de l’association, qui doit régulièrement faire pression pour l'application des droits les plus fondamentaux des personnes, et débloquer ainsi des situations d'urgence. Le fantasme de "l'invasion" par les personnes voulant se faire soigner en France est d'autant plus virulent à Saint-Laurent, zone frontalière avec le Suriname. Pourtant, d'après le rapport "Migrations et soins en Guyane" de 2009 (Agence française de développement), on estime seulement à 3% le pourcentage de personnes s'installant en Guyane, pour raisons médicales...  


L'accès aux soins, dans la région du Maroni, peut varier, et n'est pas toujours régulier. Le suivi des personnes vivant avec le VIH est assez discontinu, de part l'éloignement et les difficultés de circulation sur le Maroni. Les interruptions temporaires de traitement et les personnes "perdues de vue" sont fréquentes. En résulte un accès aux soins assez épisodique pour les personnes, et particulièrement pour les résidents des villages du fleuve, avec un coût important pour se soigner. L'offre de dépistage dans la région de Saint Laurent se compose d'un CDAG (centre de dépistage anonyme et gratuit et d'un CIDDIST (centre d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles), ainsi qu'un laboratoire où les personnes peuvent faire le test du VIH, sur ordonnance d'un médecin. Mais la peur du jugement ou de rejet, au-delà de la distance pour ceux vivant sur le Maroni, éloigne souvent les personnes de ces structures. Une infirmière travaillant pour le CIDDIST, tenu par la Croix Rouge Française, confie que les personnes, par peur de croiser un proche, ne viennent pas au centre de Saint-Laurent, et se déplacent jusqu'à Cayenne pour se faire dépister, soigner, et vice versa. Le sujet est encore tabou et la discrétion, de mise.
Sur le fleuve, les discriminations et la stigmatisation, au sein des différentes communautés, entrainent rejet et exclusion des personnes séropositives, qui, dès lors, hésitent à aller fréquenter les centres de santé situés sur le fleuve. De plus, l'épidémie de VIH dans ces communautés, qui voit depuis une dizaine d'années le nombre de contaminations exploser, n'est pas pourtant perçue comme un problème  majeur par les personnes. Les précédentes actions n'ont eu que peu de résonance et, sans relais communautaires, les besoins sont loin d'être couverts. Aujourd'hui, la mise en place du dépistage à résultat rapide, passe par la coopération entre les différents acteurs de santé de l'ouest guyanais. C'est là tout l'enjeu pour Indira, militante de l'association à Saint-Laurent du Maroni : aller faire de la prévention auprès des populations plus reculées, en leur proposant la connaissance de leur statut sérologique, de manière rapide et fiable. Le dépistage communautaire, non médical, vient, pour elle, en complément du dépistage classique, qu'elle juge parfois trop "cadré et manquant de dialogue". Elle aime échanger et faire de la prévention pour "améliorer la santé, pour que les personnes connaissent leurs pratiques et les risques". "Je n'ai pas peur d'aller sur le fleuve. Pour les gens, cela restera un choix, sans qu'ils soient forcés de le faire". Elle appréhende néanmoins le suivi de la personne, après le test. "Si elle est dépistée positif, aura-t-elle des antirétroviraux, dans la durée ?" Cette inquiétude est présente parmi les militants de l'ouest guyanais, pour qui ce nouvel outil doit être un moyen de répondre à une demande, mais en s'assurant que les structures de soins pourront répondre aux besoins des personnes nouvellement dépistées. Mais c'est bien l'envie qui prédomine parmi eux, celle d'apporter une nouvelle réponse à l'épidémie, dans un territoire où les besoins sont importants.

Commentaires

Portrait de communard2011

me semble particulièrement intéressante : Aides au-dessus d'une pharmacie.

Certes, ce n'est pas en métropole. Mais n'est-ce pas vers ce type de partenariat qu'il faut aller ?

D'un côté, les pharmacies sont en crise. Beaucoup d'officines ferment, notamment dans les territoires déjà désertés par les autres professionnels de santé. Le maillage national est fortement compromis. Les pharmaciens peuvent trouver dans l'éducation à la santé une nouvelle perspective.

De l'autre, une association - souvent opposée à la médecine libérale - qui ne bénéficie pas de l'autorité médicale et morale des professionnels de santé mais possède une expertise dans certains domaines... Et compte tenu de la diminution drastique des financements publics qui va s'accentuer...

Voilà des compétences qui pourraient utilement se compléter dans l'intérêt des personnes... mais aussi des acteurs de santé concernés, en métropole aussi !

Portrait de Vincent

OMG mais où vous allez chercher de telles critiques.