Vous avez dit pénalisation ?
Intitulée « Sexually charged », cette enquête montre, en effet, que 57% des gays interrogés sont favorables aux poursuites et à l'emprisonnement des personnes qui auraient imprudemment transmis le virus à leurs partenaires sexuels. Seuls 18% des quelque 8 000 homosexuels interrogés en Angleterre, au Pays de Galles et en Écosse, s'y sont déclarés opposés, 26% n'ayant pas d'opinion arrêtée sur le sujet. De grandes différences apparaissent cependant selon le statut sérologique des personnes ou leur proximité avec la maladie.
Alors qu'une majorité de séronégatifs (57%) se déclarent favorables à l'emprisonnement, les hommes n'ayant jamais subi de test de dépistage soutiennent cette idée encore plus largement (64%). Une étude menée en 2006 avait déjà montré que ces derniers étaient moins susceptibles de connaître personnellement un séropositif, et qu'ils avaient souvent le sentiment que le VIH ne faisait pas partie de leur cercle social et de leur vie quotidienne. Des « pro pénalisation » souvent plus jeunes (moins de 30 ans) et moins éduqués. Si 49% des séropositifs ont, à l'inverse, répondu "non" à la question posée - sans doute parce que, comme le soulignent les auteurs, ils envisagent plus facilement ces poursuites du point de vue de la personne mise en cause - seuls les hommes déclarant plus de 30 partenaires sexuels par an étaient majoritairement (54%) opposés aux poursuites, même une fois exclus les séropositifs. L'opposition semble ainsi augmenter avec le nombre annuel de partenaires sexuels des répondants.
Les « pour »
Principal argument avancé par les personnes favorables aux poursuites pour expliquer leur position : le préjudice physique et moral causé par la transmission du VIH. Nombreux sont en effet ceux qui insistent sur le risque de mort découlant, selon eux, de l'infection, allant même, pour certains, jusqu'à assimiler la transmission du VIH à un meurtre. Un homme de 22 ans n'ayant jamais été dépisté estime ainsi qu'"avoir des relations sexuelles avec quelqu'un quand on se sait séropositif sans lui dire est une des pires chose que l'on puisse faire", un acte selon lui passible de "la peine de mort". Généralement sceptiques sur l'efficacité des traitements, ils gardent une vision très stigmatisante de l'infection à VIH, et laissent aux seuls séropositifs la responsabilité de la prévention de la transmission. Nombre d'entre eux pensent ainsi qu'être informé de leur statut sérologique par les séropositifs leur permettrait d'évaluer les risques et de les éviter. "Une fois qu'on a contracté le virus, c'est de sa responsabilité de s'assurer de ne pas le transmettre", déclare un autre participant. Les séronégatifs n'auraient donc qu'à faire l'autruche pour le rester... Et pourtant... Seuls quelques répondants pensent paradoxalement que les poursuites permettront de réduire la transmission du VIH, tout en s'inquiétant de la fausse sécurité créée par l'idée que les séropositifs révèleraient à l'avenir leur statut à leurs partenaires. Quel intérêt, dès lors, de les poursuivre ???
Et les autres
Un point de vue que ne partagent évidemment pas les 18% d'hommes opposés à l'emprisonnement qui estiment - logiquement - que la prévention doit être partagée par les 2 partenaires et que celui qui attrape le virus lors de relations sexuelles doit aussi en assumer la responsabilité. Pour la moitié d'entre eux, la prison n'est donc pas la solution : "Ce n'est pas une bonne idée, c'est réactionnaire". Certains craignent, par ailleurs, l'impact négatif de telles poursuites sur l'épidémie, estimant notamment que cela va accroître la stigmatisation et la discrimination entourant le VIH, ou que le risque d'être poursuivi fasse renoncer au dépistage. "Vivre avec le virus est déjà assez dur pour ne pas emprisonner les gens qui l'ont", estime un des participants aussitôt repris par un autre : "On n'enferme pas les gens parce qu'ils transmettent un rhume, la grippe ou d'autres virus. Les poursuites judiciaires sont un nouvel exemple du préjudice subi par les personnes atteintes."
Reste le quart d'« indécis » qui expliquent que cela dépend des circonstances, et dont un tiers des réponses suggèrent qu'ils entretiennent des doutes importants sur l'intérêt d'emprisonner les personnes atteintes. Une peine trop sévère pour la plupart d'entre eux, même si certains estiment les poursuites justifiées en cas de transmission volontaire.
Un important challenge
Des résultats qui suscitent donc nombre d'interrogations - et d'inquiétudes - chez les chercheurs ayant réalisé l'enquête. Alors qu'on aurait pu penser que les hommes favorables aux poursuites et à l'emprisonnement y voyaient un impact positif sur l'épidémie, ils ne sont, en effet, que 4% à estimer que cela permettra de réduire le nombre de personnes atteintes. Diminuer l'incidence n'est donc pas l'objectif premier des « pénalisateurs ». Mettant en doute l'efficacité des traitements, ils associent un diagnostic positif à une maladie rapide et à une mort certaine, pensant du même coup pouvoir identifier « à l'œil » les personnes atteintes. Ils n'envisagent donc pas qu'un partenaire sexuel attractif et ayant l'air en bonne santé puisse être atteint. Un réel problème quand on sait qu'un tiers des homosexuels ignorent encore leur statut sérologique et que beaucoup de ceux qui se savent séropositifs n'iront pas forcément le dire à leurs partenaires. Attendre des séropositifs qu'ils révèlent leur statut sérologique avant tout rapport sexuel confère en outre au diagnostic des éléments de culpabilité. Un raisonnement qu'on pourrait résumer par "s'il ne me dit pas qu'il l'a, c'est qu'il ne l'a pas", qui suggère que les séronégatifs n'auraient aucun rôle à jouer pour se prévenir de l'infection. Et une réelle inquiétude pour les auteurs qui soulignent que, se croyant ainsi « virtuellement » protégés par la loi, les « pénalisateurs » continueront donc à prendre des risques. Ignorant tout de la possibilité de « vivre bien » avec le virus, ils blâment par ailleurs sans distinction tous ceux qui, se sachant atteints, pourraient transmettre le virus à d'autres. "Le niveau évident d'incompréhension de la réalité de la vie avec le VIH et la peur et le dégoût avec lequel ces hommes caractérisent les « autres » hommes gays ou bisexuels constituent un des plus importants challenges de notre combat face à la maladie", estiment ainsi en conclusion les auteurs de l'enquête qui dénoncent en écho l'absence totale - ou presque - de communication publique sur le sujet depuis l'adoption, en 2001, de lois pénalisant la transmission du VIH au Royaume-Uni : "La seule information dont disposent les homo et bisexuels est celle fournie à l'occasion des procès par les médias qui dressent le portrait de gens « méprisables » ayant « délibérément » contaminé d'autres personnes." Des résultats qu'on aurait certes attendus en population générale, mais qui laissent cependant pantois lorsqu'il s'agit d'homosexuels, un groupe réputé bien informé et des moyens de transmission et des moyens de prévention.
L'étude en langue anglaise est consultable sur le site de Sigma Research.
Voir aussi l'article publié en anglais sur AIDSmap
Crédit photo : FotoRita [Allstar maniac]
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Commentaires
La pénalisation de la transmission du vih
Et pourquoi pas la peine de mort ?
Pour finir, car cette histoire de
la pénalisation du vih c'est la pénalisation de la séxualité
Et les gays de France sont ils très différents ???
Donc, amènes une "enquête"
C'est grave la pénalisation