Chloroquine : des assos réagissent

28 Mars 2020
2 662 lectures
Notez l'article : 
0
 

Le 25 mars, France Assos Santé a réagi à la polémique qui prend de l'ampleur concernant l'usage de l’hydroxychloroquine (Plaquénil), le dérivé de la chloroquine, dans le traitement de l'infection à Covid-19. Dans un communiqué intitulé : « Covid-19 et traitement à l’hydroxychloroquine : prudence ! », le collectif explique : « Alors que ce médicament notamment prescrit aux malades du paludisme a été testé sur des patients à l’institut hospitalo-universitaire de Marseille, nous, union d’associations de patients et des usagers du système de santé, appelons à la vigilance dans le contexte de crise sanitaire grave que nous connaissons ». Dans son communiqué, France Assos Santé dit comprendre « l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique qui laisse la possibilité de le prescrire au cas par cas uniquement sur décision collégiale des médecins hospitaliers ». « Aujourd’hui nous attendons des éléments probants issus de la recherche clinique pour une prescription à grande échelle. En effet, l’absence de ces éléments démontrant l’efficacité pour toutes les personnes malades du Covid-19 nous invite à la prudence. Nous comptons également sur un suivi précis des patients qui auraient été traités dans ces conditions », détaille le texte. Le Collectif rappelle qu'une « prescription mal contrôlée d’hydroxychloroquine peut provoquer une pénurie qui risque de priver les personnes malades d’autres pathologies pour qui ce médicament est prescrit et leurs indications validées (lupus, polyarthrite rhumatoïde) ». Par ailleurs, le « débat médiatique sur l’hydroxychloroquine ne doit pas faire oublier l’importance des gestes barrières, et du confinement, et du port d’un masque pour les patients malades et contagieux. Au stade actuel, ces mesures non-pharmaceutiques, selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé, demeurent indispensables pour freiner et contrôler l’épidémie. Elles méritent toute autant d’attention étant entendu qu’il reste important de chercher à mettre au point des traitements innovants et un vaccin », conclut le collectif. Dans un communiqué (24 mars), AIDES rappelle, en reprenant l'histoire de la lutte contre le sida, que « l'éthique et la rigueur scientifique sont les meilleures alliées contre les pandémies ». « L’emballement médiatique pour une stratégie thérapeutique a existé dans l’histoire du sida. Parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. AIDES appelle à la plus grande prudence face à des potentielles pistes de traitement invalidés par les chercheurs-ses ». « Le génie seul contre tous n’existe pas, pas plus que le complot de tous contre un seul. Ce qui est efficace, c’est la démarche collective et la discussion argumentée. Parmi les enseignements à retirer de l’épidémie de sida, il y a la place des malades dans la définition des stratégies de recherche à mettre en œuvre et des stratégies thérapeutiques à recommander », avance l'association. « À chaque fois, la leçon à en retirer est que le travail collaboratif, entre les citoyens-nes concernés-es et les associations expertes, les soignants-es, les chercheurs-ses, ont permis de s’assurer que ce qui pouvait être une intuition de clinicien-ne s’est révélé être une stratégie essentielle pour les personnes. Faire autrement c’est perdre un temps précieux, comme d’utiliser les médias en lieu et place de la validation des autres chercheurs-ses ». Il y a eu l’exemple de la cyclosporine en 1985 ou la pression de soignants-es et chercheurs-ses sur les décideurs-ses politique a conduit à un emballement médiatique aussi vite retombé, car sans suite sinon le décès des malades traités, rappelle le communiqué de l'association. En 2012, l’intuition de l’allègement des thérapies antirétrovirales a nécessité la mise en œuvre d’un protocole rigoureux. Il s’agissait de montrer que l’on pouvait prendre moins de comprimés pour le même bénéfice thérapeutique. Il a fallu reconstruire un projet de recherche après un premier essai, montrant la pertinence et l’efficacité d’alléger le traitement, sans porter préjudice à l’efficacité. L’intuition était juste, la méthode a dû être reprise et consolidée pour le montrer, indique AIDES. « Le cas présent avec des informations sur un traitement pour le Covid-19 est un cumul de ces situations. Une urgence nationale, encore plus aigüe que pour le sida, conduit à un emballement médiatique. Une stratégie thérapeutique, peut être juste et décisive, conduit à publier des données dont le recueil ne permet de conclure à rien. Il faut donc recommencer », explique l'ONG. Et Dominique Costagliola, directrice adjointe de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, Sorbonne Université et administratrice de AIDES, d'enfoncer le clou : « L’étude dirigée par Didier Raoult ne respecte ni les bases éthiques ni la rigueur d’un essai clinique. Les imprécisions et les ambiguïtés sur les conditions de son déroulement la rende inexploitable en l’état. Il nous est aujourd’hui impossible d'interpréter l'effet décrit comme étant attribuable au traitement par chloroquine ». Il « faut donc veiller à ne pas susciter des espoirs trop grands, allant au-delà des conclusions que l’on peut tirer des données. Il faut aussi tout tenter, et pas une seule option, d’où l’essai européen (Discovery) où le choix de l’hydroxychloroquine est une hypothèse valable à tester parmi d’autres. Les autres voies thérapeutiques ne sont pas à négliger dans cette recherche ».