Le triomphe de la misogynie

2 Juillet 2022
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Discrimination. À travail égal, les femmes ont significativement beaucoup moins de chances que les hommes de se voir reconnaitre comme autrice d'une découverte scientifique, avance l’AFP. Or, comme on l’imagine,  c'est une distinction capitale pour la carrière de tout-e chercheur-se, dont la mention du nom en tête d'un article vaut toutes les lettres de recommandation. De fait, les femmes qui contribuent à la recherche scientifique sont sous-représentées par rapport à leurs collègues masculins dans les publications spécialisées. C’est ce que démontre une étude publiée mercredi 22 juin dans la revue scientifique Nature. Et cette discrimination pèse lourdement sur l'avenir professionnel des femmes, rappelle l’agence de presse.  Sur le papier, les femmes publient et brevètent moins de recherches que les hommes. Un constat suggérant une moindre productivité féminine, pour des raisons aussi variées que les absences dues à la maternité ou l'occupation d'un poste subalterne en laboratoire... Mais cette hypothèse est battue en brèche par de récentes recherches. L'histoire regorge d'exemples de femmes de sciences dont le rôle capital a été minimisé, voire ignoré. Un exemple ? La découverte de la structure hélicoïdale de l'ADN par la physico-chimiste britannique Rosalind Franklin, qui contribuera au Nobel de deux autres chercheurs. Autre exemple édifiant : celui de la médecin française Marthe Gautier, co-découvreuse de la trisomie 21, mais reléguée au deuxième rang dans la publication des résultats de recherche. Pour la première fois, une équipe, menée par la professeure Julia I. Lane, économiste à l'Université de New York, a réussi à quantifier ce phénomène : « Nous avons pu établir combien de femmes ne sont pas mentionnées dans les publications scientifiques », explique-t-elle à l'AFP. Pour cela, les chercheurs-ses ont analysé la contribution à presque 40 000 articles scientifiques et plus de 7 000 dépôts de brevets, produits par quelque 10 000 équipes de recherche comptant un total de plus de 120 000 membres, dépendant de vingt universités américaines et quelques dizaines de campus, le tout sur une période quatre ans. Les femmes comptaient pour quasiment la moitié de l'effectif considéré (48 %), mais, mauvaise surprise, elles étaient à peine le tiers (34 %) à voir leur contribution reconnue dans les articles et les brevets. La conclusion est qu'une femme a 13 % de probabilité de moins qu'un homme d'être nommée dans un article scientifique auquel elle a pourtant contribué ! « C'est un phénomène très répandu, avec un écart large et persistant de traitement entre les genres, observable dans toutes les disciplines et à tous les niveaux de responsabilité », a commenté le co-auteur de l'étude, Raviv Murciano-Goroff, professeur d'économie à l'Université de Boston. De surcroît, cet écart de traitement est « plus fort quand il s'agit d'être désigné-e comme co-inventeur-rice d'un brevet sorti du laboratoire, et également plus fort pour les études à fort impact », c'est-à-dire celles jugées comme plus importantes, a ajouté Raviv Murciano-Goroff. Ce phénomène a pour conséquence une vrai privation de reconnaissance, soulignent les auteurs-rices de l’étude. « Dans ces disciplines, si les personnes n'ont pas de reconnaissance ou ne voient pas une issue positive pour leur carrière, elles sont enclines à laisser tomber », selon la professeure Julia I. Lane. « Les jeunes diplômées voient bien qu'elles ont moins de reconnaissance que les jeunes diplômés, et que c'est aussi le cas pour les chercheuses senior ». Les auteurs-rices de l'étude jugent indispensable d'établir, au sein des universités et des agences de financement de la recherche, des recommandations permettant de reconnaître à leur juste valeur la contribution des chercheuses d'un laboratoire.