Migrants-es : un préfet condamné

15 Avril 2022
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Le préfet du Pas-de-Calais a été condamné (29 mars) pour s’être affranchi de l’autorité judiciaire lors du démantèlement d’un campement de migrants-es à Calais en 2020. Cette décision remet en cause le cadre juridique de nombreuses expulsions selon les plaignants-es, explique l’AFP. La préfecture, qui a 15 jours pour contester cet arrêt de la cour d’appel de Douai (Nord), n’a pas souhaité réagir à la décision. Dans son arrêt du 24 mars, dont l’AFP a obtenu copie, la cour condamne le préfet pour « voie de fait », lui reprochant d’avoir pris l’initiative de l’expulsion, et temporairement privé de liberté les occupants-es du site, sans cadre juridique adéquat. Les requérants-es, onze personnes exilées et huit associations de défense des migrants-es — dont le Secours catholique et l’Auberge des migrants — avaient assigné le préfet en décembre 2020. Ils demandaient que soit jugée « illégale » l’évacuation menée le 29 septembre 2020 sur la zone dite du Virval, où campaient plus de 800 candidats-es au passage en Grande-Bretagne. Cette décision met à mal l’utilisation récurrente par l’État, du cadre juridique de la « flagrance » (applicable lorsqu’un délit est constaté depuis moins de 48 heures) pour procéder à des expulsions de campements migratoires sur le littoral nord, selon l’avocate des plaignants-es, Maître Eve Thieffry. « Le juge confirme ce que disent les associations depuis des années : que le préfet n’a aucun pouvoir personnel à évacuation des personnes sur le littoral et à déplacement sous la contrainte », a-t-elle commenté. Cela « interdit le process utilisé par la préfecture ». Le préfet a assuré avoir agi sur décision du procureur. Le tribunal estime, au contraire, qu’il a agi de sa propre initiative. Par ailleurs, le tribunal considère que la préfecture a outrepassé ses prérogatives en privant temporairement de liberté les migrants-es escortés-es vers des bus, sous pression de la police, tranche la cour. La présence de nombreux policiers encerclant les exilés lors de cette évacuation, la plus importante de ce type depuis 2016, était « de nature à constituer une contrainte », relève la cour. Les requérants ont demandé 5 000 euros de dommages pour chacun des exilés-es et 1 000 euros par association. Sauf recours de la préfecture, une audience doit trancher le 23 mai de ces dommages.