Nan Goldin : sa vie en film à Venise

18 Septembre 2022
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« All the Beauty and the Bloodshed », le film documentaire de Laura Poitras a été présenté au dernier festival de Venise. Le film est un voyage à travers la vie de Nan Goldin, la photographe de 68 ans, connue pour ses clichés du New York underground et qui a tant côtoyé la mort : celle de ses proches touchés-es par le sida, la sienne, quand elle a été, elle-même, une victime de la crise des opiacés, son dernier combat militant en date. Auprès de Laura Poitras, la photographe se livre encore un peu plus que d’habitude, troquant l'appareil photo pour le micro, souligne l’AFP. « Nos sessions (d'enregistrement) ensemble étaient comme une thérapie sans thérapeute. J’ai parlé de choses très douloureuses », a expliqué Nan Goldin, présente à Venise. Elle a été très tôt marquée par la mort de sa sœur aînée, profondément dépressive. Sur ce traumatisme, le film, en lice pour le Lion d'or, revient avec les comptes rendus des psychiatres décrivant une enfant privée de tout soutien avant de sombrer, mis en parallèle avec un témoignage rare des parents de Nan Goldin, aux allures de couple américain parfait, filmés par cette dernière. La photographe raconte que le suicide de sa sœur, qui s'est jetée sous les roues d'un train, l'a rendue muette pendant plusieurs mois, et que c'est par la photographie qu'elle a pu s'exprimer à nouveau. La voix de la photographe, connue pour son travail sur la sexualité ou l’usage de produits, résonne aussi avec ses photos les plus célèbres, dont la célèbre série « The Ballad of Sexual Dependency », qui documente les communautés queer dans le New York des années 1970-80. Le portrait revient sur les drames personnels ou collectifs (le sida, notamment) qui nourriront son œuvre comme ses combats. Ces dernières années, la photographe a pris la tête d'un combat à la David contre Goliath contre les producteurs d'opioïdes. Le documentaire y revient longuement : la photographe, ayant elle-même frôlé la mort à cause de sa dépendance, a mis sa notoriété au service de la lutte contre la richissime famille Sackler qui a produit l'Oxycodon, tout en étant mécène des plus prestigieuses institutions culturelles (dont le Louvre, par exemple). « Ma plus grande fierté, c’est que nous ayons mis à genoux une famille de milliardaires dans un monde où les milliardaires ont une autre justice que les gens comme nous », a déclaré Nan Goldin à Venise, précisant qu'il fallait poursuivre le combat pour « garder en vie » les personnes dépendantes, les « déstigmatiser » et les traiter.