Les hépatites : pour une réponse globale à un mal politique

Publié par Rédacteur-seronet le 28.07.2012
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Le 28 juillet, c’est la Journée mondiale contre les hépatites. A cette occasion, Bruno Spire, président de AIDES, et Patrick Grégory, administrateur de AIDES, publient sur le Monde.fr une tribune sur les enjeux de la lutte contre les hépatites. La voici.
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C’est peut-être un hasard si la 19ème conférence internationale sur le sida s’est achevée la veille de la journée mondiale contre les hépatites, mais il n’en est pas moins parlant. Là où le VIH suscite encore l’intérêt de l’opinion publique, les hépatites se heurtent inlassablement au plafond de verre. Pourtant, il s’agit bien, comme le virus du sida, d’une épidémie généralisée qui, jour après jour, gagne du terrain. Même si les relevés épidémiologiques manquent, nous estimons que les hépatites B et C affectent près de 450 000 personnes en France, soit près de trois fois plus que le VIH. Elles provoquent 4 000 décès par an et représentent la première cause de mortalité chez les personnes co-infectées par le VIH. Au regard de ces chiffres alarmants, comment expliquer le silence assourdissant qui les entoure ? Deux raisons peuvent l’expliquer : le manque d’information et l’absence de politiques coordonnées à l’égard des populations les plus vulnérables.

En raison de leur chronicité, les hépatites B et C sont perçues comme un danger lointain pour le grand public et la multiplicité de leurs modes de transmission engendre méconnaissance et confusion. Selon une enquête de l’InVS (1), une personne sur trois ignore que l’hépatite B peut se transmettre par voie sexuelle. Par ailleurs, celles récemment contaminées confondent parfois le diagnostic d’hépatite C et B, la dernière étant jugée moins grave car non mortelle. Dans ce contexte, il reste de nombreuses campagnes d’information à mener pour que l’hépatite C ne soit plus vue comme la maladie des toxicomanes et la cirrhose la maladie des alcooliques.

Comme pour le VIH, une action générale (campagne de prévention, proposition de vaccination pour l’hépatite B) doit être conjuguée avec des politiques ciblées en direction des publics les plus vulnérables. Les hépatites sont en effet les marqueurs d’inégalités en matière de santé au sens où elles frappent d’abord des populations fragilisées. En jeu, le dépistage de l’hépatite B et la vaccination des personnes issues d’Afrique sub-saharienne, huit fois plus touchées que la population générale. Dans une logique de santé globale, ces actes doivent non seulement être systématiquement proposés par le personnel soignant mais aussi compléter l’offre de dépistage rapide et démédicalisée du VIH que notre association développe à l’égard des populations migrantes. En ligne de mire également, la prévention de l’hépatite C auprès des usagers de drogues par une meilleure connaissance des pratiques d’injection et la mise en place de programmes d’échanges de seringues en prison. Bien sûr, ces politiques ne se concrétiseront pas sans une réponse coordonnée et globale entre personnes malades, professionnels de santé, travailleurs sociaux et associations.


On a qualifié le VIH d’épidémie politique. A ceux qui en douteraient, cette formule s’applique aussi aux hépatites. Impossible de les traiter correctement en refusant l’accès aux droits des étrangers ou en poursuivant la répression des usagers de drogues, de plus en plus nombreux à se retrouver en prison. Impossible de les traiter correctement non plus sans la participation active des malades, qui dans le cas de la co-infection avec le VIH, payent un lourd tribut aux laboratoires en raison de la nocivité encore trop grande des traitements.  Cela ne vous rappelle rien ? Lutter contre les hépatites, c’est essayer, là encore, de changer la société.