Produits de comblement : où en est-on ?
La lipoatrophie ou perte de graisse est une anomalie de la distribution des graisses dans le corps. Elle peut concerner les bras et les jambes, le visage et les fesses, parfois les pieds. C’est une préoccupation majeure des personnes vivant avec le VIH car elle peut être très stigmatisante (les joues creuses) et parfois même invalidante (difficultés pour s’asseoir ou marcher). Plusieurs techniques existent pour corriger la lipoatrophie du visage (voir Remaides N°60, juin 2006) et parmi les produits de comblement disponibles, tous ne sont pas remboursés.
Les produits disponibles
NewFill (ou acide L-polylactique)
Le remboursement du NewFill a été obtenu, en 2005, grâce au combat mené par les associations du TRT-5. C’est le seul produit actuellement remboursé en France, pour la réparation des pertes de graisse du visage liées à l'infection par le VIH. Le traitement se fait en cinq injections à un mois d’intervalle. Il est renouvelable si nécessaire douze à dix-huit mois plus tard. Pour chaque séance, le produit coûte 295 euros et l’acte d’injection 62,70 euros. L’ensemble est pris en charge à 100 %.
France : NewFill remboursé, mais … Vous pourrez rencontrer quelques problèmes :
• Peu d’hôpitaux proposent l’injection du NewFill, avec une répartition sur le territoire très déséquilibrée.
• Certains hôpitaux peuvent demander une avance de frais pour l’acte d’injection.
• Les personnes qui consultent en ville peuvent parfois avoir à payer à leurs frais le dépassement (jusqu'à 60 euros) pratiqué par le médecin.
• La prise en charge de ce surcoût par la mutuelle n’est pas systématique.
• Il existe encore quelques dérapages sur le prix du produit dans certaines pharmacies qui pratiquent des dépassements ou demandent une avance de frais.
Eutrophil (ou acide polyacrylamide)
Utilisé depuis longtemps pour la correction des rides sous le nom d'Outline. Un essai (SMILE) l’évalue actuellement pour le traitement des lipoatrophies. Cependant, depuis quelques mois, Eutrophil n’est plus disponible en France suite au dépôt de bilan du fabricant français du produit. Ceci ne remet pas en cause le déroulement de l’essai SMILE.
Bio-Alcamid (gel poly-alkyl-imide)
Ce produit est injecté en profondeur et permet de combler des volumes plus importants en une seule séance. Il est difficile à injecter et nécessite un médecin expérimenté. Son prix est élevé (1 000 euros pour une lipoatrophie moyenne).
Radiesse (hydroxyapatite de calcium)
Ce produit se présente sous forme de petites sphères qui vont combler la lipoatrophie et stimuler la fabrication de collagène. L’injection se fait en profondeur après une anesthésie locale. Il faut deux injections, à quinze jours d’intervalle, avec un rajout six mois après. Une étude a testé ce produit dans la correction des lipoatrophies du visage, avec des résultats qui durent de douze à dix-huit mois, et peu d’effets indésirables (douleurs au point d’injection). D’autres études sont nécessaires pour évaluer son efficacité et sa tolérance à long terme. Son utilisation coûte environ 1 300 euros, sans compter le coût de la correction à six mois et les anesthésies préalables.
Acide hyaluronique
L’acide hyaluronique (Restylane) est un produit qui peut être utilisé pour les pertes de graisse limitées (petites lipoatrophies). Il se dégrade rapidement et nécessite des corrections répétées.
Quelle prise en charge au Québec ?
Les traitements réparateurs des lipoatrophies ne sont pas couverts par le système de santé publique au Québec. Ils sont considérés comme de la dermatologie esthétique. Les personnes séropositives doivent payer la totalité des coûts du traitement et NewFill n’échappe à cette règle. Selon le Dr Yves Hébert : “NewFill [rebaptisé Sculptra] demeure un traitement de prédilection surtout chez les patients ayant une sévère lipoatrophie du visage et chez les femmes qui ont la peau du visage plus fine. C'est un produit facile à travailler et ayant peu d’effets secondaires. Des nodules (petites boules) peuvent apparaître, mais ils disparaîtront en général au bout de quelques mois.” Quant au coût, il varie selon l’état du visage. Plus la personne présente une forte perte de la masse graisseuse, plus elle aura besoin d’une grande quantité de produit. Le coût d’une fiole est de 800 $ canadiens (520 euros). Il faut au minimum quatre fioles, ce qui représente un montant de 3 200 $. Les personnes sévèrement touchées peuvent débourser jusqu’à 8 000 $. La compagnie pharmaceutique Sanofi Aventis a un programme de subvention accessible à partir d’un revenu annuel inférieur à 70 000 $ (45 000 euros) et modulé en fonction du revenu. La subvention couvre de 5 à 100 % des coûts du produit. Il est possible de faire une nouvelle demande deux ans après avoir reçu une première subvention. Une couverture publique est possible sur présentation d’un avis médical émis par un psychiatre stipulant que le traitement est nécessaire à la santé mentale du patient. Ce dernier doit pratiquement avoir la corde autour du cou pour obtenir un tel avis ! Le mouvement communautaire québécois (les associations) cherche des solutions pour que les traitements réparateurs puissent être enfin couverts par le système de santé.
Propos recueillis par René Légaré auprès du Dr Yves Hébert de la Clinique de médecine d’esthétique Yves Hébert;
Fesses : ce qui reste à faire
La lipoatrophie des fesses peut devenir handi-capante en rendant la position assise douloureuse. Bioalcamid semble être le produit le plus efficace pour le comblement des lipoatrophies des fesses, mais il faut compter environ 6 000 euros pour le produit, plus les frais du médecin et de la clinique, ce qui rend son remboursement impossible pour le moment. Les prothèses de fesses semblent être l'alternative. Ce sont des implants qui vont être posés sur les cotés des fesses (pour éviter de s'asseoir dessus). On peut leur associer un produit injectable comme Bioalcamid. Une paire de prothèses coûte environ 1 000 euros, mais le coût total de l'opération devient vite important (6 000 euros) en rajoutant les honoraires du médecin et les frais d'hospitalisation. En France, un remboursement exceptionnel des prothèses peut être obtenu auprès des caisses d'assurance-maladie, dans des situations très sévères de lipoatrophie des fesses. La correction des effets indésirables des traitements doit faire partie de la prise en charge médicale à laquelle a droit toute personne infectée par le VIH. Le TRT-5 continue à travailler sur le dossier de la prise en charge des lipoatrophies, afin de permettre le remboursement de nouveaux produits plus efficaces pour le visage, et pour que le problème des lipoatrophies des fesses et des pieds soit aussi pris en compte.
Suisse : quand justice et assurances travaillent contre les malades !
Paolo Sergio vit dans le canton de Genève. Il prend des médicaments contre le VIH depuis plus de dix ans. Au fil des années, il a vu son corps se “détériorer”, comme il dit. Il a commencé à souffrir de lipoatrophie et témoigne aujourd'hui.
“Année après année, autour de moi, on me renvoyait toujours à ma maigreur. A une époque, je cachais mes jambes, mes bras, mais mon visage je ne pouvais pas… Tout cela a commencé à peser de plus en plus lourd pour moi, surtout lorsque je rentrais chez moi au Portugal. Ma famille me demandait ce que j’avais pour être aussi maigre. Il y a trois ans, j’ai commencé à me sentir vraiment différent des autres et mon visage, lui, ne m’évoquait que le sida. J’avais déjà entendu parler du NewFill quelques années plus tôt et j’ai décidé de consulter un dermatologue pour en discuter. Après cela, j'ai fait une demande de prise en charge à mon assurance. Elle a aussitôt refusé. J’ai contacté le Groupe sida Genève qui m’a apporté un soutien juridique et j’ai fait un recours contre la décision de mon assurance. J’ai dû rencontrer un médecin de l’assurance. Celui-ci a commencé par me dire que j’étais difforme. Il m’a même demandé si j’étais à l’AI [l'assurance invalidité en Suisse] et je lui ai répondu que oui. D'après lui, l’assurance ne serait pas d’accord pour payer car je n’avais pas de vie “active”. Et l’assurance a donc refusé…
J’ai fait un second recours auprès du tribunal de Genève (….) Le tribunal cantonal de Genève m'a donné raison et a condamné l’assurance à payer. L’assurance n’a pas accepté cette décision. Elle a fait appel à un autre médecin que je n’avais jamais vu. Ce dernier s’est permis de juger que j’avais de grandes oreilles, que j’avais un visage très long (…) Cette injustice m’a donné encore plus envie de me battre. En décembre 2007, le tribunal fédéral rend une décision qui donne raison à l’assurance pour la simple raison que le produit n’est pas enregistré par la LAMal (1). J’ai fini par faire une demande auprès d’un fonds de soutien d’une association qui m’a accordé une aide financière pour mon traitement. J’ai déjà fait une partie des injections et je n’ai plus, soi disant, “le sida sur mon visage”… Toutes ces discriminations de la part de l’assurance, cette bataille, cette maladie… tout cela laisse des séquelles...”
(1) Il s'agit de l'assurance maladie en Suisse.
Dossier réalisé par
Hicham M'Ghafri, René Légaré et Nicolas Charpentier.
Illustrations : Romain, Stéphane Blot et DouG!! (photo du haut, Flickr)
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Commentaires
Suisse; on ne veut pas de malades pauvres
Oui ça vas mal, ou seras l'idiosyncrasie de la maladie ?