Sécu : au fond du trou ?

Publié par jfl-seronet le 09.10.2009
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Sécurité sociale
Enorme, gigantesque, historique, abyssal… On va bientôt manquer d'adjectifs pour décrire le déficit de la Sécurité sociale français. Selon le ministre du Budget, le déficit 2009 sera de 23 milliards d'euros et celui de 2010 devrait être pire. Du coup, le gouvernement relance ses vieilles recettes en ponctionnant les malades et en faisant les gros yeux aux médecins et aux labos. Mais pourquoi le gouvernement laisse t-il filer le déficit ? Certains experts ont une thèse.

Chaque automne, c'est le même bazar. Le gouvernement annonce des résultats catastrophiques pour la plupart des branches de l'assurance maladie et nous assène, sur le mode tous coupables, que la déficit de la Sécurité sociale s'aggrave. Chaque automne, il teste des idées (toujours très populaires) pour faire rentrer de l'argent et tenter de réduire les déficits. Ces idées ont été peaufinées tout l'été et, c'est désormais une tradition, font hurler dès le mois de septembre. Cette année, c'est l'augmentation du forfait hospitalier, le déremboursement de nouveaux médicaments, et la fiscalisation des indemnités journalières des personnes qui ont eu un accident du travail qui remportent la palme. Evidemment, dans ce contexte, on ne comprend pas toujours quelles sont les raisons du déficit, en fonction de quoi se font les choix gouvernementaux. Alors essayons…

Quel est le montant du déficit de la Sécurité sociale ?
Le ministre du Budget Eric Woerth a confirmé, le 1er octobre, que le déficit de la Sécurité sociale serait de 23 milliards d'euros en 2009. Il pourrait dépasser 30 milliards d'euros en 2010. Le résultat de 2009 n'est pas bon puisque l'année va se solder avec 23 milliards de déficit, là ou l'objectif fixé par le gouvernement et voté  par l'Assemblée Nationale était de 8,6 milliards. Si on détaille un peu, le déficit de la branche maladie du régime général doit tourner en 2009 autour de 11,2 milliards d'euros. Autre branche déficitaire, celle des retraites dont le déficit devrait atteindre environ 8,1 milliards en 2009.


Pourquoi le déficit s'aggrave t-il ?
La crise a parfois bon dos, mais ici elle joue pleinement. Le mécanisme est assez simple : les recettes de la Sécurité sociale sont principalement composées des cotisations sur les salaires. La crise fait perdre des emplois, ce qui fait baisser les cotisations donc les rentrées d'argent alors que les dépenses, elles, ne baissent pas. La crise n'est pas finie et le gouvernement pense que la situation de l'emploi va encore se dégrader en 2010 avec près de 190 000 destructions de postes prévues. Le gouvernement estime que la crise est "à elle seule responsable de près des trois quarts du déficit 2010". Il avance aussi une autre explication : la grippe A (H1N1). L'assurance-maladie contribue pour 315 millions d'euros aux achats de vaccins et de médicaments. Ça, ce sont les explications conjoncturelles, mais il y en a d'autres structurelles comme le vieillissement de la population qui est, rappelle la ministre de la Santé, "évidemment source de coûts".

Comment le gouvernement compte t-il faire rentrer de l'argent ?
On remarque d'abord que les principaux efforts d'économies recherchées par le gouvernement portent surtout sur l'assurance-maladie. Les principales mesures vous les connaissez déjà. Ce sont la hausse du forfait hospitalier (les dépenses d'hôtellerie des personnes hospitalisées) qui passe de 16 à 18 euros, le taux de remboursement de certains médicaments qui baisse de 35 % à 15 % en 2010. C'est aussi une demande de baisse de prix de médicaments aux laboratoires pharmaceutiques. Le ministère du Budget en espère 460 millions d'économies. C'est encore des baisses de tarifs de certaines spécialités médicales comme la radiologie et la biologie.
Le gouvernement envisage aussi d'autres pistes. Selon le Figaro (1er octobre), "la possibilité serait ouverte pour les personnes en invalidité de repousser jusqu'à 65 ans leur "bascule" à la retraite (au lieu de 60 ans automatiquement)." Le gouvernement a aussi annoncé de nouvelles mesures contre les arrêts de travail "successifs et abusifs". L'assurance maladie va poursuivre l'intensification des contrôles (1,6 million de contrôles en 2008 contre 700 000 en 2006) et même en effectuer désormais dans la fonction publique.

Y a-t-il d'autres solutions ?
Oui. La principale est une augmentation de la contribution sociale généralisée (la CGS). C'est cette solution que préconise la Cour des comptes. Le gouvernement ne fait pas ce choix car cela reviendrait à trahir sa promesse de ne pas augmenter les impôts. Comme c'est exactement ce qui vient de se passer avec la taxe carbone, deux fois, ça ferait sans doute trop ! Le gouvernement choisit donc de ne pas augmenter les cotisations sociales pour résorber le déficit et allume des cierges en espérant le retour de la croissance.

Que sait-on aujourd'hui des déremboursements de médicaments ?

Environ 110 médicaments vont voir leur taux de remboursement passer de 35 % à 15 %. Le critère retenu par la Haute autorité de santé, c'est le service médical rendu jugé "insuffisant" ou "faible". On trouve des vasodilatateurs (Tanakan par exemple), mais aussi un antiseptique comme l'Hexomédine ou le Zovirax en crème contre l'herpès, etc. Economie attendue pour la Sécurité sociale : environ 145 millions d'euros. Comme le note Les Echos (2 octobre), il faudra voir si les mutuelles vont continuer "à prendre en charge les 85 % restants."  Un temps évoqués dans les médicaments déremboursés, les analgésiques comme l'aspirine ou le paracétamol resteront remboursés à 65 %. C'est la ministre de la Santé qui l'a indiqué.

Qu'est-il envisagé concernant les ALD ?
Ce n'est un mystère pour personne, les personnes en ALD, prises en charge à 100 %, représentent l'essentiel de la croissance des dépenses de santé. Nicolas Sarkozy meure d'envie de réformer le régime des affections de longue durée (ALD), mais le sujet est ultra sensible. Comme le rappelle Les Echos (2 octobre), la ministre de la Santé Roselyne Bachelot a avancé très prudemment sur ce sujet en revendiquant une approche "exclusivement médicale". Parmi les pistes avancées : les personnes guéries du cancer pourraient bénéficier "moins longtemps" du statut des ALD, tout en continuant à être prises en charge à 100 % pour les examens de suivi. Du côté du gouvernement, on estime qu'une refonte du système des ALD est inéluctable si l'assurance-maladie veut un jour retrouver l'équilibre. Reste à savoir à quelles conditions.

Les tarifs des mutuelles vont-ils augmenter ?
Inutile de faire durer le suspens… C'est un gros OUI ! Le président de la Mutualité française, Jean-Pierre Davant, le dit clairement dans une interview au Progrès de Lyon (29 septembre) : "Les cotisations des mutuelles ne pourront qu'augmenter". Le président de la Mutualité française en profite au passage pour se montrer critique à l'égard de la hausse du forfait hospitalier qu'il juge "absurde" parce qu'elle "pèse sur les ménages, sans rien changer au système. Pareil pour la création d'un niveau de remboursement à 15 %, après 65 % et 35 %... Cela n'a aucun sens : ou bien le médicament est efficace, et on le rembourse bien, ou il ne l'est pas, alors il ne faut pas le prendre en charge, les médecins doivent cesser de le prescrire, et tant pis pour les rentes de certains labos", estime-t-il. "

Dans le fonds, pourquoi le gouvernement laisse t-il filer le déficit de la Sécu ?
D'une certaine façon parce que cela l'arrange. La période n'est pas propice aux remèdes de cheval. D'ailleurs lorsque le ministre du Budget a présenté le budget 2010 de la Sécurité sociale, il a expliqué qu'il n'y a pas de "grand soir à attendre. Notre priorité a été de laisser le système de protection sociale jouer son rôle d'amortisseur si précieux en temps de crise." Une façon de rendre hommage aux vertus de la solidarité nationale héritée de 1945. Du coup, c'est étrange de voir que toutes les mesures prises par le gouvernement ces dernières années visent à briser ce modèle. En fait, il faut comprendre que les mauvaises surprises viendront plus tard, dans l'après crise lorsque le gouvernement poussera ses grandes réformes structurelles. Le pire est hélas devant nous.

Commentaires

Portrait de romainparis

Pourquoi ne pas utiliser le mot... PRIVATISATION ! N'est ce pas ce pire qu'il nous attend ?
Portrait de vendredi_13

Belle chute ! Tellement sinistre que j'ai pas pu m'empêcher d'en rire lol.

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Portrait de derdeder

et oui 23 milliards de deficit cette annee et 33 pour l'an prochain, ils sont en train de discuter les orientations qui seront faites, ca me fait deja doucement rire lorsque l'ump se vante de cet "amortisseur social" qui grace a lui, la france est moins faible que beaucoup de pays europeens face a la crise, ont ils la memoire courte ? il y a deux ans, ils etaient pourtant pres a la brader aux assurances privees... apres c'est un choix de budget, il me fait de la peine ce pauvre woerth avec ce trou beant, les caisses sont vides, ah oui, la, c'est le petit qui la dit ! deja, si l'etat remboursait toutes les allegements de charges offertent aux pecheurs, aux agriculteurs et a bien d'autres, cela ferait deja un petit bol d'air. apres le choix de woerth est de donner 7 milliards a total, oui la pauvre entreprise qui n'a fait que 15 milliards de benefice en 2008 et en prevoit autant pour cette annee, celui la apres impots a ete distribue largement a ses actionnaires, les 7 milliards ce n'est pas un remboursement avec ses interets, c'est parait il pour que total cherche de nouvelles energies, ca va faire des jaloux dans la recherche publique ! woerth nous pleurniche tous les jours qu'il n'y a plus d'argent, pour soigner les malades c'est certain mais il en trouve encore pour aider des entreprises privees qui sont loin d'en avoir besoin !