Sécu : quelle solidarité en 2012 ?

Publié par jfl-seronet le 05.09.2011
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assurance maladie
La réforme de l’assurance maladie fera, sans nul doute, partie des débats de la présidentielle 2012. D’abord parce que le sujet est épineux budgétairement, a fortiori dans un contexte de crise financière. Pour faire simple : le chacun pour soi ou le prolongement de la solidarité mythique façon 1945. Et là encore, quel système pour assurer cette solidarité ? Contributeur régulier de Marianne, Elie Arié propose quelques éléments de réflexion.
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Elie Arié est médecin et enseigne au Conservatoire national des arts et métiers. Il est aussi secrétaire national à la Santé du Mouvement Républicain et Citoyen (si… vous savez le parti de Jean-Pierre Chevènement). De gauche donc, il est un habitué des colonnes de "Marianne" où il livre des réflexions sur les questions de santé (du médical à l’économique). Certaines analyses sont plutôt adroites et invitent à réfléchir… ce qui est toujours bien par les temps qui courent. En juillet dernier (ce n’est pas neuf, mais reste d’actualité), Elie Arié planchait sur la "réforme de l'assurance-maladie" dont il craint que ce ne soit "le tabou de la présidentielle 2012".
Selon lui, les décideurs (ceux aux mannettes aujourd’hui comme ceux qui le seront demain) vont devoir choisir entre deux modèles en matière d’assurance maladie (Qui paie ? Quoi ? Combien ? Comment ? Pourquoi ?). Des modèles qui se fondent sur la solidarité… bien entendu et pas sur le chacun pour soi (le modèle américain pour dire vite)
Le premier va "jusqu’au bout de la logique de la nationalisation sur le modèle suédois ou canadien", écrit Elie Arié. C’est le modèle de financement "beveridgien" (il y a quatre modèles de financement des systèmes de santé). Ce système est également appelé "national", car la tutelle des services de santé et le financement y sont assurés par le même organisme, qui dépend de l'Etat. Ce modèle a été mis en place en Grande Bretagne après la Seconde Guerre Mondiale sous l'égide de Lord Beveridge d’où son petit nom. Le Danemark, la Finlande, l'Irlande et la Suède ont adopté les fondements de ce modèle qui, d'inspiration sociale-démocrate, se fonde sur l'universalité de l'accès aux soins et sur la fiscalisation des dépenses de santé. Il repose sur trois principes fondateurs, dits des trois "U" : Premièrement, l’Universalité : tout citoyen est protégé contre tous les risques sociaux quelle que soit sa situation professionnelle ; deuxièmement, l’Unité : une administration unique gère chaque type de risque ; troisièmement, l’Uniformité : chaque personne bénéficie des services selon ses besoins, indépendamment de ses revenus. Le deuxième s’appuie sur un "Gouvernement uniquement responsable de l’égalité des personnes [en l’occurrence, ici, les Français] devant le système de soins et ses grandes orientations, la gestion étant déléguée à ses usagers, c’est-à-dire à une Sécurité Sociale représentant tous les résidents (et pas seulement les salariés)". Pour Elie Arié, ces deux systèmes sont viables, mais nécessiteraient "une gestion décentralisée à quatre ou cinq grandes régions sanitaires (…) mais pas davantage, aucune politique de santé n’étant possible à une échelle trop réduite". Le spécialiste envisage donc des changements majeurs. Ces changements, selon lui nécessaires, seraient liés à une évolution des principes de la sécurité sociale de1945 qui serait devenue un "système bancal". Ce serait la résultante d’une extension progressive de la couverture maladie "des seuls salariés à l'ensemble de la population". Pour faire simple, notre système à la française est un modèle bismarckien. Ce système est également appelé "professionnel", car son financement est assuré par le travail et les cotisations sociales. Il a été mis en place en Allemagne à la fin du XIXème siècle, sous l'influence de Bismarck. Il est tenu pour le premier système d'assurance santé mis en place. Ce système s'appuie sur des caisses d'assurance maladie financées majoritairement par des cotisations sociales et gérées par les représentants des entreprises et des travailleurs. L'assurance maladie est ainsi liée au travail. Pour sa part, l'Etat a pour tâche d'assurer le bien être des citoyens. Il doit fixer le cadre de l'action des caisses, et redresser la situation en cas de déséquilibre financier. C’est pas plus compliqué que cela. Le problème selon Elie Arié, c’est que ce fragile équilibre a été largement modifié avec l’extension de la couverture maladie à toute la population (étudiants, chômeurs, personnes au RMI puis au RSA, etc.), et d’autres paramètres la diminution du nombre d’heures travaillées nécessaires à l’ouverture des droits, l’élargissement des critères de rattachement à un ayant-droit (concubinage, PACS, partage du domicile principal depuis plus de 12 mois même sans aucun lien familial). Pour lui, le principal bouleversement a été la "création de la Couverture Maladie Universelle (CMU), en 2000, destinée à tous ceux qui ne pouvaient encore y prétendre à aucun titre, et, cette fois, sur le seul critère de la résidence". Il ne conteste pas le bien fondé des mesures et changements, mais affirme qu’ils ont eu pour conséquence de rendre le système "bancal". Pour Elie Arié, le système actuel est "hybride" et plein de défauts. Citons-en deux. Premièrement, "le financement [du système, ndlr] est assuré à 60%, par des cotisations patronales et syndicales sur le coût du travail, mais à 40%, par la CSG [contribution sociale généralisée, ndlr] censée également taxer les revenus du capital, mais dont de trop nombreuses exonérations font qu’elle provient à 90% de ceux du travail". Deuxièmement,  "la direction de l’Assurance-maladie, confiée aux "partenaires sociaux" (syndicats d’employeurs et de salariés) ne participe qu’à la gestion de 20% du budget, les 80% restants (hôpitaux, prix des médicaments, etc.) ne dépendant que du Ministère de la Santé". Ces deux exemples (il y en a d’autres) font, selon le spécialiste, que "nous avons tous les inconvénients d’un système nationalisé sans ses avantages". On le voit, il y a un beau challenge à relever, d’autant, comme l’écrit Elie Arié, que l’objectif d’une démocratie sanitaire est d’allier les exigences : "Celle de l’égalité dont seul l’Etat peut être le garant (…) et celles de la démocratie, qui aboutit souvent à des inégalités (notamment géographiques) et à des injustices lorsqu’elle fonctionne sur le mode autogestionnaire (les demandes des minorités n’étant pas toujours prises en compte)".
On a hâte de voir les propositions… à moins, comme le redoute, ce spécialiste que tous les candidats pour la présidentielle de 2012 n’éludent la question.

Commentaires

Portrait de jeanlouis

Cet article est très clair et expose aussi de façon liminaire les enjeux actuels: déséquilibres gouvernances, structures des recettes et des dépenses; sources des déséquilibres. Les candidats aux prochaines élections vont être sollicitées sur ces questions et leur réponse ou non réponse sera déterminante. Deux enjeux majeurs: - qui est couvert et pour quoi? y a t-il une solidarité nationale réelle ou un socle de plus en plus tenu qui fait la part belle aux mutuelles; comment fonctionne ce socle et notamment la CMU? vers une privatisation accrue sur le modèle assuranciel??????? - qui finance et qui gère? plus on fiscalise moins la place des partenaires sociaux se justifie? les dépenses sont déjà manifestement pilotées très majoritairement par l'Etat.... Quelque soit le candidat demain aux commandes, ce sujet devra être traité car l'article montre bien que la mécanique actuelle ne tient plus..... Alors que disent les candidats et les partis qui les portent???? affaire à suivre mais alerte majeure pour la démocratie et pour la couverture sociale.....