Vieux ou pas vieux ?

Publié par Franck-seronet le 27.03.2012
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Le débat sur le vieillissement biologique précoce ou le vieillissement accéléré des séropositifs est relancé. Une session de la Conférence de Genève l’a abordé. Franck y était pour Seronet. Explications.
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Lundi 26 mars matin, Dominique Costagliola (épidémiologiste et spécialiste du VIH à l’Inserm) a répété les éléments présentés dernièrement à la CROI (mars 2012, Seattle, Etats-Unis) sur les cancers chez les personnes vivant avec le VIH, notamment les cancers non classant sida (poumon, foie, anus, maladie de Hodgkin, etc.). En prenant l’âge d’apparition moyen des cancers comme marqueur de la question du vieillissement des séropositifs. D’après la chercheuse française, il n’y aurait pas, ou très peu, de sur-précocité importante des cancers chez les personnes séropositives contrairement à ce que l’on croyait jusqu’ici. On n’avait pas étudié le problème correctement, selon elle. C’est une question méthodologique, de distribution des âges, différente entre le groupe des séropositifs et la population générale qui nous a fait pensé jusqu’à maintenant à une survenue des cancers  de 10 à 20 ans plus tôt, ceci variant selon les types de cancers. Elle nous invite à nous interroger sur le rôle du VIH/immunodépression et surtout le rôle causal de cofacteurs associés à des cancers chez les séropositifs comme le mode de vie. Par exemple, la consommation de tabac ou la  co-infection par des virus cancérigènes : papillomavirus (HPV), HHV8 (virus responsable du sarcome de Kaposi), virus Epstein Barr, etc.).

Sans entrer dans tous les détails, c’est plutôt rassurant, mais sur les cancers, cela ne nous dit rien de la sur-gravité éventuelle (rémission/rechutes ; survie à 1 an, à 5 ans, risque de décès, etc.). Par ailleurs, sur le vieillissement précoce ou pas, on ne peut prendre les seuls cancers comme unique critère. Ainsi une présentation de Isabelle Poizot-Martin (médecin à Marseille, lors du symposium du lundi sur "Echec thérapeutique") montre que les taux de comorbidités (autres maladies associées) des séropositifs de 41 à 50 ans sont les mêmes que ceux de la population générale de plus de 60 ans. Elle montre aussi que l’athérosclérose et l’artériosclérose (deux pathologies pourvoyeuses d’infarctus) sont plus précoces (impact du VIH et de certains médicaments : nucléosides et antiprotéases particulièrement). Elle montre enfin que trois troubles biologiques sont présents et aggravés in vitro avec le virus VIH. Il s’agit de la laminopathie, qui est un  vieillissement génétique accéléré des cellules ; l’atteinte des mitochondries, qui est comme le poumon et l’usine d’énergie de nos cellules ; enfin le raccourcissement des télomères, ces bouts de chromosomes qui sont comme le code génétique de notre espérance de vie. Les études cliniques chez l’être humain sont en cours.


En résumé, si les données et conclusions présentées par Dominique Costagliola vont dans un sens rassurant, elles n’évacuent pas, et de loin, la question du vieillissement biologique précoce ou accéléré des séropositifs. Peut-être faudrait-il aussi distinguer des groupes de personnes plus ou moins concernées par ces vieillissements (traitées plus ou moins tôt, nature des médicaments et de l’histoire thérapeutique, etc.). Un débat qui aura encore probablement bien des rebondissements.