« Gay… et après ? »

Publié par skyline le 27.11.2008
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Beau documentaire de Jean-Baptiste Erreca, réalisé en 2007, qui nous amène à Paris, Madrid, New York, Berlin, Pékin et La Havane et se pose cette question : après le placard, la libération, la crise sanitaire et la normalisation, que reste-t-il de la question gay ? On connaissait le queer, qui remettait en cause le monolithisme culturel et la normativité de la communauté gay : virilisme, phallocratie intériorisée, bourgeoisie, blanche ethnicité, représentations sociales occidentales, jeunisme et norme préventive. A l’heure où même les homos de droite s’organisent, se font voir, revendiquent leur légitimité et leur conservatisme politique, n’est-on pas entré, à travers les revendications d’égalité des droits juridiques et sociaux (mariage et homoparentalité) dans une phase d’intégration à et par nos sociétés hétéronormatives ? Est-on passé de la visibilité gay à l’invisibilisation « post-gay » ?

Le documentaire ne répond pas réellement à la question qu’il pose. Il nous présente des situations diverses, à la périphérie de la gay-normativité occidentale. A nous d’en saisir la substantifique moelle (si tant est qu’il y en ait une). Mais c’est beau, drôle, émouvant, surtout lorsqu’on est parisien, séropositif, et que l’on a des amis dans les villes susmentionnées. Et puis l’on revit des moments forts. Le Pulp qui nous a tellement fait danser avec fraternité (de plus en plus rare dans la vieille capitale), le premier barrage contre le char de GayLib à la Marche des Fiertés parisienne de 2007. On y voit même son amour de panthère s’époumoner. Puis il y a la madrilène Prohibida, icône des jeunes trans-pédés-gouines européennes qui préfèrent le rock à la house, l’indie pop à Barbara Streisand, l’electro au disco. On regrette même de ne pas être allé à l’europride 2007 de la capitale espagnole. Puis on se dit qu’il nous reste New York, à 600 km plus au sud, où semble-t-il le questionnement identitaire est toujours à l’avant-garde. Plus obligé d’aller à Chelsea ou Greenwich Village, il reste Health Kitchen et l’East Village… Mais la frontière entre les gays et lesbiennes noires ou les trans’ interdites de club et les rappeurs white trash à la Cazwell perdure encore. Reste ce détour par Berlin, où le sculptural tatoué Phillip Tanzer nous explique qu’il ne s’est jamais identifié à la culture gay. Un ex-Mister Cuir qui méprise la gay-normativité et revendique n’avoir grandi que dans les milieux hétéros : le paradoxe est tellement drôle. Est-il post-gay ou hétéro-friendly ?

Finalement, les voyages à Pekin et Cuba nous rappelle alors une chose : l’identité gay, malgré les limites de son univocité symbolique et de son carcan consumériste porte en elle la lutte universelle contre l’homophobie transculturelle. Si être post-gay c’est renier cela, alors je suis totalement gay. Mais si être post-gay c’est entamer un travail épistémologique et critique de l’histoire de nos communautés LGBT, questionner nos représentations symboliques et inventer un nouveau militantisme politique, alors je veux bien postdater mon identité sexuelle. Qui voudra me suivre ? A voir… l’hibernation a commencé à Montréal…

Commentaires

Portrait de sentierquibifurque

"L’identité gay, malgré les limites de son univocité symbolique et de son carcan consumériste porte en elle la lutte universelle contre l’homophobie transculturelle. Si être post-gay c’est renier cela, alors je suis totalement gay. Mais si être post-gay c’est entamer un travail épistémologique et critique de l’histoire de nos communautés LGBT, questionner nos représentations symboliques et inventer un nouveau militantisme politique, alors je veux bien postdater mon identité sexuelle. Qui voudra me suivre ?"

Tout à fait d'accord avec ce point de vue. Sauf qu'avant de commencer un travail critique sur l'Histoire de nos communautés, il faudrait au préalable collecter les archives, documents et témoignages qui permettent de le faire. Or cette tâche est à peine effleurée encore aujourd'hui. Et le projet de créer un centre historique sur l'homosexualité a été abondonné en France. Qu'en est-il ailleurs ?

Bien à toi !

Portrait de Trudy Q

Follow your Sky on Line and mind , je veux dire : commencez ! tu es stimulé , et c'est bien ! d'ailleurs tu peut commencer avec " le barrage contre le char de GayLib à la Marche des Fiertés parisienne de 2007" , comme quoi , même dans un groupe (ou communauté) de même  goûts sexuelles (orientation si tu veux) il existes de différences d'idées , donc , il ne suffit pas d'être gay ! tant pis ? ou tant mieux !
Portrait de Achille

Un peu dans la lignée du film, ya un événement radical queer qui se prépare d'ailleur pour cet hiver à Montréal, en plein dans cette mouvance de "questionner nos représentations symboliques et inventer un nouveau militantisme politique".

Pas que je veux faire de la promo, mais je trouve ça bien de voir qu'en dehors des canaux "traditionnels" gay, ya enfin une parole intelligente et différente qui sort, des gens qui essaient de faire autre chose et de bâtir une collectivité, même si elle n'est pas encore accessible à tous et qu'elle reste majoritairement issu de la communauté anglophone montréalaise. 

 Ça va peut-être nous tenir au chaud avec la tempête qui vient de s'abattre.

Portrait de skyline

Salut Achille ! Tu parles du festival "Queer Reaction" ? C'est des copines... j'ai hate d'y être !