85e Réunion Publique d'Act Up, "30 ans de sida et de combats"

Publié par balwin le 24.06.2011
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Mercredi 22 juin, Centre Wallonie-Bruxelles, peu après 19h.

La salle n'est pas pleine, comme si "Les combattants du sida" n'avaient plus le vent en poupe. Cependant assez pour que l'émotion soit tangible quand les intervenants prennent la parole et retracent trente années qui vont de l'endémie - la topographie est sociale - à la pandémie.

En effet, tout commence par un article du CDC d'Atlanta qui rapporte 5 cas de pneumonie mortelle chez de jeunes homosexuels.  

D'abord un déni : En 1981, la gauche est au pouvoir, l'homosexualité dépénalisée et la fête bat son plein. Réticences du corps médical quand les premiers malades viennent à l'hôpital : La population est inhabituelle, voire dérangeante, l'idéologie marquée par la toute puissance antibiotique et les techniques de réanimation.

Rien n'est propice à une reconnaissance, le retour de manivelle trop gros et, comme dira Foucault : "Un cancer gay ? Mais ce serait trop beau !"

On perd du temps et beaucoup de copains, d'amis, d'amants.

SILENCE = DEATH

Alors, les militants se couchent sur le sol pour dire les morts et une interaction de commencer entre malades et chercheurs, politiques. La prise en charge à 100%, qui nous semble aujourd'hui si évidente, se profile au terme d'un combat.

Quelques événements vont étayer, jalonner la prise de conscience :

Rock Hudson vient à Paris recevoir un traitement, des artistes s'engagent, un sidaction occupe toutes les chaines de TV à 20h30, Hervé Guibert écrit, Aron fait grand bruit avec Mon sida. Mais seule une minorité peut dire car la maladie est entachée de honte : la punition divine est évoquée, les homosexuels et les héroinomanes n'avaient qu'à bien se tenir ! Un clivage bons vs mauvais malades se solidifie et ce pésupposé interroge toujours le discours sur la prévention : Il est en effet souligné qu'il s'articule au discours homophobe - énonciations constitutive et performative - partant, à la représentation et estime de soi intégrées.   

Car trente ans après, ce sont trente milions de morts, un gay sur cinq contaminé - dont 20% ne connaissent pas leur statut sérologique, et une prévalence chez les femmes (ie victimes d'une "domination masculine" à l'instar des gays confrontés à l'hétéronormatif).

Le sida reste donc une maladie à part et nécessite une approche globale pluri-disciplinaire qui s'accommode mal de la re-dislocation des spécialisations médicales.

Si la banalisation a de bons aspects - aller chez le dentiste sans craindre d'être "jeté" - elle conditionne aussi une démobilisation et des comportements à risque chez les plus jeunes et au sein "des populations inaccessibles par manque de connaissance, de moyens ou de volonté politique". (Act Up, 06.2011)

Les propos ne sont pas moralisateurs : La difficulté de négocier avec l'irrationnel qui participe de la sexualité sera formulée ce soir à côté de la volonté de réinventer un discours de prévention socialement recevable.

Il reste touchant d'entendre un vétéran, bel activiste quinquagénaire, dire que "la meilleure chose qui pouvait [lui] arriver était de vieillir".

Si l'espace dévolu aux "Lazare" est aussi un espace à réinventer, ne s'est-il pas déjà  réinventé quand il sait se questionner ainsi et, loin de vouloir donner des leçons, titre :

"Le plus dur est-il derrière nous ?" /.../ "Quelles priorités ? Quelles leçons pouvons nous tirer ?"