Autant de chemins que de marcheurs.

Publié par ouhlala le 06.05.2011
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   Merci Ferdy pour cet excellent article !

http://www.seronet.info/bing_bang/la-zen-dictature-une-arnaque-bien-huilee-37991 

   Tu traites de sujets essentiels, qui pour certains me taraudent, et tu pointes un fait qui m'exaspère vraiment, la récupération du vocable "zen" dans le marketing. J'ai pensé depuis un moment écrire quelque chose sur le sujet et je trouve tes considérations, qui dépassent la stricte question de cette récupération, trés pertinentes. Ainsi que le commentaire d'Eris (je suis rarement laudateur mais c'est ma tournée!), merci donc à tous les deux.

   Quelques réflexions. Le capitalisme récupère et détourne valeurs et symbôles depuis son apparition, l'ascétisme (l'éthique de la besogne), puis le progès, l'individualisme et le développement personnel, même l'aspiration révolutionnaire (l'icône communiste révolutionnaire du Che champion toute catégorie du produit dérivé)... Tout est voué à devenir business, et les valeurs dominantes ou émergentes sont vampirisées par cette idéologie qui n'a pas d'esprit. Voir un livre de Boltanski-Chiapello Le nouvel esprit du capitalisme, dans lequel un corpus de textes de management des décennies 70-90 est analysé qui montre la montée en puissance significative de termes relatifs au développement individuel, aux bénéfices personnels et à l'autonomie que les salariés retireraient à être considérés comme acteurs impliqués à part entière dans le projet d'entreprise, pour justifier la pression à la productivité, pour tout dire démentielle, à travers la mise en concurrence et une évaluation accrue. C'est d'ailleurs le shéma à l'oeuvre derrière la nouvelle gouvernance et la démocratie participative avec les acteurs associatifs, mais c'est une autre histoire. Bref, il ne serait pas étonnant de lire aujourd'hui dans un manuel de management qu'"instaurer des modes de relation et une ambiance de travail "zen" dans l'entreprise est un gage de productivité des salariés", à condition toutefois que les plantes ne soient pas trop artificielles tout de même et avant que ces derniers ne se soient tous jetés par les fenêtres ou immolés par le feu. Qui songe à un développement personnel qui ne passerait pas par la consommation, ne serait-ce que de livres sur le développement personnel... de trainings, de coachs... d'encens et de bougies... de germinateur de graines et de diffuseur hightech d'huiles essentiels... que sais-je et je m'égare. Le plus souvent évidemment, par celle de la batterie de jouets narcissiques que l'import-export et la mondialisation offrent à notre jouissance ébahie.

   Quoi de plus étrangers à une telle situation que le zen ? Rien de plus subversif. Vocable, notion, c'est un mot censé générer des images ou des idées. La récupération est d'autant plus facile que la notion est molle. Le sens commun ne lui accorde pas de signification précise, excepté une espèce d'apologie de la tranquillité, du contrôle de soi, de la passivité, du détachement ? Quant aux images, de l'exotisme chatoyant voire sensuel, des lumières tamisées, une petite musique, de l'encens, ça ne mange pas de pain et ça fait du chiffre, sans endormir tout à fait. Tout cela est vrai et faux et insignifiant à la fois. Il y a autant de modes formels d'expression que de zones géographiques culturelles différentes où le bouddhisme s'est développé, avec plus ou moin d'exotisme déiste, d'ascétisme, d'iconophilie etc... Le bouddhisme zen, l'une des écoles bouddhiste japonaise, qui a son équivalent formel en chine, est particulièrement austère. Le point commun à tous les bouddhismes c'est la pratique de la méditation, qui est une discipline. Zen signifiant méditation en japonais. le plus souvent assise, zazen.

   Il est d'autant plus difficile de définir la pratique du zen -postulat d'indicibilité, que toute définition du zen manque le zen. Ce qui n'empêche  pas une abondante littérature bouddhiste qui permet de se faire une opinion, si tant est que toute opinion préconçue... éloigne du zen de milliards d'années-lumière... Ce qui explique que le zen soto ou rinzaï définit simplement zazen comme "être assis sans rien faire", c'est la que ça se complique, sans produire ni saisir de concepts ou d'images mentales particulières, sans renoncer pour autant à une attention concentré, sans, donc, passé, ni avenir, ni mémoire, ni attente, ni préconception, ni objectif, ni recherche de bénéfices, absolument, ce qui représente un apprentissage graduel tout en se situant dans le pur instant et l'intemporalité. A la fois apprentissage et "transmission spéciale" d'esprit à esprit. Le zen aime les paradoxes, il les tranche tels des noeuds gordiens, d'un coup avec une lame acérée, ou observe attentivement et longuement leur dissolution, scrutant l'inexistence intrinsèque des phénomènes, dont l'égo. Voir son propre esprit, retrouver le visge d'avant sa naissance, connaître l'esprit de base, l'esprit foncier, ce sont des formules canoniques, une fois que les brumes de la production et de la saisie de concepts se sont dispersées, que le fonctionnement de l'intellect cesse de recouvrir l'esprit. La méditation assise, avec l'accent mis sur sa posture très formalisée, est une expérience rigoureuse du corps, de l'intellect (en l'occurence une non-expérience ou l'expérience de la non production-non saisie intellectuelle qui laisse apparaître progressivement l'esprit), de l'esprit lui-même, de la conscience attentive et concentrée. Une tradition transmise depuis des millénaires par des lignées de maîtres. Un accomplissement fragile comme un flocon de neige.

    A la fois non-expérience et bouleversement total. Inaltérable, resplendissant, indestructible, non-né et sans-second. Technique ? Hygiène ? Et prodige permanent. C'est aussi ce qui explique que tous les pouvoirs, en particulier l'égo, qui a le pouvoir total -qui en douterait, s'en méfient à juste titre, lui résistent ou cherchent à le détourner à leur profit. Ca me rappelle quelque chose. L'égo promu par le capitalisme lui est devenu consubstantiel.

   En tout cas, rien dans le zen qui puisse servir à vendre des voitures ou des ferments lactiques...

Commentaires

Portrait de alsaco

je marche depuis des décennies .

 j 'ai cotoyé le bouddhisme soto pendant 1 moment .

 Un autre chemin vient de s 'ouvrir devant moi.
je suis bien conscient de ma démarche  mm si elle est médiatisée voire politisée.

 Pour moi le tigong est un havre de paix quelques heures par semaine .

ce qui me semble important ce sont ces moments qu 'on a pas vraiment choisis mais qui s 'offrent a vous et  deviennent éfficaces .

 l offre est abondante .

 mais le corps et le destin dictent leur trajectoire .

Ces mm périodes de calme peuvent provenir de tous les horizons - psychanalyse - massages - relationnel

et surtout l 'état amoureux mm si celui est commandité par la société .

Les résultats se font attendre mais je continue mon - bonhomme de chemin -

entre chute , relevement , précipitation , espérance,   regadin .

j 'ai encore la force de t 'envoyer un gros zibou

d.

Portrait de Meliah

  Un seul mot "bravo ",j'avais oublié depuis 1968 toutes ces subtilités ....

 et donc merci à toi de me rapeller ces tendances auxquelles j'ad'hère encore aujourd'hui en faisant mon jardin et en dégageant ma cervelle des impuretés

capitalistes .

bises de meliah