Bilan sanglant

Publié par Ferdy le 10.12.2012
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Un titre trash. Après, de quoi ça parle. Je sais pas encore. A l'échelle de mon existence, le lundi matin c'est un peu chaque fois comme une nouvelle année qui commence. L'occasion d'un bilan. La poisse.

J'ai hâte qu'on en ait fini le plus tôt possible avec cet écran de fumée du mariage pour tous. Il est vrai que pendant ce temps-là, on ne parle plus des problèmes qui touchent spécifiquement les gays.

L'homophobie est en train de muter sournoisement, les anti-mariage gay se trouvent ainsi facilement dédouanés à l'occasion de leurs rassemblements. On entend :"Qu'ils baisent entre eux, ces détraqués, pourvu qu'ils ne touchent pas à notre sacro-sainte institution, c'est tout ce qu'on leur demande." On n'est pas homophobes, disent-ils, mais ils nous sont inférieurs au même titre que les noirs, les juifs ou les arabes, et en plus ils ont des maladies. Pas étonnant quand on sait qu'ils ne pensent qu'à baiser n'importe où, avec n'importe qui. 

Ils persistent à croire et à distiller dans l'opinion publique que ce que les gays font de leur cul, ça n'intéresse personne et du coup, c'est vrai que tout le monde finit par s'en foutre totalement. Les hommes ayant du sexe avec des hommes (HSH) les premiers. Les contaminations VIH se maintiennent dans ce groupe et auraient même une fâcheuse tendance à croître. Le dépistage rapide patauge. Les campagnes de prévention sont nulles ou inexistantes. Et les gays qui négligent la capote sont les premiers à ne pas vouloir connaître leur statut sérologique. La banalisation du VIH, faussement vendu aujourd'hui par les associations et les médias en maladie chronique, fait le reste.

Donc, le mariage se présente comme un droit à l'amour. Mais ce concept généreux n'a jamais figuré dans aucun texte législatif, il n'est mentionné nulle part que le mariage unit deux personnes qui s'aiment. Comment aller prouver à l'officier de l'Etat civil que ces deux-là en pincent pour la gaudriole et s'aiment d'un amour tendre ou fusionnel ? Il s'agit d'un contrat à l'amiable, qui peut être rompu à tout moment par l'une ou l'autre des parties, avec ou sans le consentement mutuel, et qui vise à régler principalement le sujet complexe de la filiation, de la transmission d'un patrimoine, la couverture sociale du foyer ou son taux imposition fiscale. 

Dans le terme homosexuel, il n'y a pas induit la notion de philie. On peut, en poussant le bouchant un peu loin, être homosexuel, homophobe et marié père de trois enfants charmants. C'est un peu comme le terme d'allopathie qui est né tardivement, lorsqu'il a fallu distinguer la médecine conventionnelle de la pharmacopée homéopathique. Avant cela, personne ne s'était véritablement posé la question de désigner la spécificité du remède.

De même donc, il n'existe pas de terme sexué pour désigner un couple marié.

L'hétérosexualité n'avait jusqu'ici aucune raison d'apparaître. Un papa, une maman, comme ils l'ânonnent dans leurs manifestations, pour ceux qui n'auraient pas bien compris le dangereux virage régressif entrepris par les gardiens du temple procréatif.

Il eût ainsi été redondant, superflu et sacrément enflé de concevoir un couple marié hétérosexuel. J'imagine mes parents, tellement persuadés d'incarner l'évidente hégémonie de leur propre système, devoir un jour affirmer qu'ils constituent un couple normal, marié, hétérosexuel. 

Tant pis si ce texte peut paraître embrouillé. Mes pensées l'ont toujours été.

Toujours est-il que le glissement sémantique tellement décrié qui ferait disparaître, selon les opposants les plus déterminés au mariage pour tous, les termes de père et mère du code civil entraînerait une perte de repère aussi préjudiciable que si on ne faisait plus la distinction entre homme et femme,

on verrait ainsi toute l'espèce humaine réduite à une masse indistincte, indéterminée, purement abstraite et vague d'individus... sans genre, sans signe particulier, sans appendice, sans tout l'attirail procréatif que la pudeur a toujours cherché à occulter.

La dérobade de jésuite du Président de la République devant le Congrès des maires de France, offrant à l'officier de l'Etat civil le possible recours à se faire porter pâle lors de la célébration d'un mariage entre deux personnes de même sexe, en vertu d'une liberté de conscience, sortie d'un étrange chapeau de prestidigitateur tièdement convaincu par l'objet même de son sortilège, a laissé apparaître que la réserve gnostique, au nom d'une foi, était supérieure à l'application de la Loi.

Bien étrange façon de promouvoir publiquement un engagement radical, inscrit opportunément dans le programme du candidat Hollande. 

Les gays, pas plus que les lesbiennes n'ont besoin d'un aménagement législatif pour continuer à baiser comme ils l'entendent, ni à s'aimer, ni à ne plus s'aimer.

Pour celles et ceux qui éprouvent un désir d'enfant(s), la juste reconnaissance du partenaire (ici appelé conjoint) est simplement destinée à leur reconnaître les mêmes droits et ainsi à faciliter l'ensemble des obligations qui leur incombent (scolarité, autorité parentale également assumée, responsabilité face aux décisions médicales, transmission des biens, accès à la retraite de conversion, etc.), 

si enfin, cette évolution permet d'espérer une meilleure visibilité des couples homo, homoparentaux et aussi une dignité reconnue aux personnes transgenre, la société ne s'en porterait pas plus mal.

Ceci étant, pour en revenir à ce sujet du VIH qui légitime, pour longtemps encore, une association telle que AIDES et son navire amiral virtuel Seronet, la question de la maladie s'efface progressivement des écrans de contrôle. 

Les données et par conséquent les analyses épidémiologiques se font rares, quand elles existent et quand elles ne sont pas totalement obsolètes. Le compte-rendu final de la conférence internationale de Washington 2012 vise une possible éradication à échéance incertaine, mais les pistes de recherche piétinent, les budgets fondent à l'image de la calotte glaciaire, etc.

Plus personne, institution, ministère, agence de veille sanitaire, associations de lutte, etc. n'est capable de produire un seul message pertinent permettant de définir ou de comprendre son action.

Prévention, dépistage, prise en charge, effets secondaires, groupes à risques, usagers de drogues, salles de shoot, vieillir avec, précarisation, stigmatisation, sérophobie, immigration, tout passe dans la grande lessiveuse médiatique qui lave plus blanc. Résultat : un vague brouhaha inaudible, une installation morbide et durable du déni, une démobilisation générale.

La journée mondiale du 1er décembre est passée plus inaperçue que l'élection de Miss France. Pas un seul slogan consensuel pour réanimer l'engourdissement palliatif. La mobilisation épidémiologique ne parvient pas même à se segmenter, à toucher des cibles spécificiques pourtant clairement identifiées.

Il serait pourtant facile d'agir niche par niche, ghetto après ghetto. Les campagnes généralistes, une capote sinon rien, ont toutes échoué, mais elles perdurent. Le combat s'est inscrit dans la routine, et plutôt que d'être précurseur, le milieu associatif en général est à la traîne, inaudible, dégoulinant d'empathie mais sans plus aucune action concrète, sociale, en ces temps de crise. Un groupe de paroles, évidemment, ça mange pas de pain. Mais est-ce vraiment suffisant ?

Ne serait-il pas venu le temps de lancer une large concertation populaire, des Etats Généraux des personnes vivant avec le VIH/VHC, par exemple, pour recueillir leurs attentes, leurs doléances, leurs combats ?

Commentaires

Portrait de Mumbly

J'ai toujours beaucoup de plaisir à te lire et trés souvent tu poses les bonnes questions. En effet quid de cette épidémie VIH aujourd'hui? 

 Après analyse, j'en suis arrivé à cette conclusion: nous ne devons surtout pas faire de vagues et être trop visibles. Pourquoi? Simplement car nous sommes en période de crise économique et que le VIH ne concerne que 150.000 personnes en France sur  65 millions d'habitants. Cependant le coût des soins est exorbitant, il ne faut donc pas braquer le projecteur dessus, au risque de devoir agir sur le remboursement par la sécu. En plus c'est bien évident, c'est de leur faute à tous ces homos... Et les hétéros contaminés? Bah ils ont dû fauter avec des homos... Ne serait-ce pas ce qu'on appelle des dégats collatéraux aujourd'hui?

 

Que nous renvoient ces manifestations anti mariage? Toujours pareil, nous n'avons pas le droit de vivre, juste de nous cacher et on sera tolérés. Pourtant, les homos sont bien issus de couples hétéros... et c'est là que le bât blesse. Au final ce sont ces couples bien pensant qui n'acceptent pas d'avoir engendré des êtres différents d'eux. Ils ne se retrouvent pas, ne comprennent pas . Le problème est identique lorsque les géniteurs conçoivent un enfant handicapé; juste qu'ils continuent là, à décider pour eux et ne leur laissent pas la liberté d'un être humain entier. Mais dans ce cas là, c'est pour leur bien...au moins le croient ils.

C'est exactement la même chose pour les homos... Ils doivent décider pour nous car eux sont 'complets'.

Si il y avait un réel intérêt pour l'enfant, alors cela fait longtemps que la société aurait obligé les familles monoparentales à se reconstruire dans un délai court sous peine de se voir retirer les enfants... Au contraire aujourd'hui on accepte l'adoption par une personne célibataire, mais pas question pour un couple homo. La discrimination envers les homos est donc évidente, ce sont bien des sous humains, aprés tout, non?