De la tristesse apparente

Publié par Ferdy le 24.12.2010
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Ce serait comme en réponse à une personne que j'apprécie et qui a la patience de me lire.

Elle soulignait, cette personne, une anecdote citée, soit dans ma correspondance, soit dans mon blog, la ligne de démarcation étant à ce point devenue floue par la confusion des genres, soulignait donc la perception que l'on peut avoir de mes actes. Que ce soient des écrits ou des peintures, ou encore la musique que j'écoute, ça ne manque que rarement, à chaque fois ou presque j'entends ce constat : c'est beau, mais c'est triste.

Ma petite collection de peinture n'y échappe pas non plus. Il faut toujours qu'il y ait cette réserve à peine voilée qui se pointe. 

Sans être un clown particulièrement amusant ou spirituel, je ne crois pas être condamné à la sinistrose (toute cette semaine, fr. culture consacrait en rediff. dans son émission "Les nouveaux chemins de la connaissance" un programme consacré à Schopenhauer, passionant).

Je crois qu'il y a là comme une erreur d'appréciation. La plupart des gens aurait ainsi, selon moi, une fâcheuse tendance à confondre une petite profondeur, sans autre ambition, avec ce qu'ils assimilent à de la tristesse. Par parenthèses, je crois n'avoir jamais autant ri qu'à la lecture de certains aphorismes de Cioran, mais passons.

Ainsi, pour ce qui concerne la peinture, par exemple, les teintes sombres et sobres, volontairement choisies pour leur cohérence et leur dynamique intrinsèque, seraient jugées tristes (je n'ai pourtant et malheureusement aucune pièce de Pierre Soulages), pourquoi ? parce qu'il n'y a pas de jaune, pas de rouge criard ? pas de pin-up ? pas de poster acidulé ? 

Il en va de même avec la musique que j'écoute, puisque je suis totalement nul même au piano, le verdict est semblable : c'est beau, mais c'est triste. J'insiste sur le fait que j'écoute un vaste panorama musical qui pourrait passer par Bach, Haendel et les Doors, sans oublier Blur ni Tricky. C'est pourtant toujours la même conclusion. Je n'écoute pas le Requiem en boucle, mais ça ne manque jamais là non plus (id.)

Je reconnais volontiers ne pas porter une attention particulière aux dernières variétés françaises, ni m'intéresser aux illustrations bigarées. Pour être plus précis, elles ne me touchent pas.

Il en irait de même avec mes vêtements, mais là il s'agirait d'un acharnement... sous mon long manteau noir, on aurait tendance à deviner un corbeau de mauvais augure (j'ai pourtant cru bon d'ajouter à ma panoplie, récemment, une très seyante veste en velours de couleur prune, idéale pour un rendez-vous au cimetière...), donc, mes lectures, mes musiques, mes peintures, jusqu'à mes vêtements, tout se réclamerait de la tristesse pure, tandis que je suis un individu d'une légèreté assommante, un dilettante sans prétention, un mélomane prudent mais averti, enfin, un porte-manteaux aimable toujours constant.

Il faudrait selon eux mettre de la couleur, écouter une musique drôle et légère, affirmer un optimisme jusque dans la couleur de mes vestes. A cela, je m'y oppose. C'est précisément ce qui me déprime (pour en finir avec la peinture, j'aurai un faible pour Rothko), 

Tout ce qui est fait pour rire m'ennuie (les humoristes salariés du fou du roi, anne roumanov, etc. seul Desproges me faisait rire), les joyeuses illuminations urbaines de fin d'année me plongent dans une amertume désolante, la musique (enfin, ce qu'il est convenu d'accepter sous ce terme) m'anéantit quand elle se veut frivole et je ne me vois pas accompagner je ne sais quel divertissement offert par un club de vacances...

Il y a quelques années, je me trouvais au musée du Prado (ou au Reina Soffia ?), à Madrid, je suis resté figé pendant plus d'une heure devant le Jardin des Délices de Jérôme Bosch, je me trouvais (enfin) seul devant ce tableau délirant, qui aurait pu être créé sous acide, chaque détail témoignait d'une grâce envoutante que je ne connaissais jusque-là que par les reproductions plus ou moins fidèles qui en avaient été faites, c'était pure magie et comme je l'ai dit, j'étais seul, face à ce chef d'oeuvre, car tous les groupes de touristes contemplaient, un étage en dessous le fameux Guernica de Picasso, il y avait dans cette solitude exquise à considérer l'aberration de cette création unique une sorte d'ivresse à plonger dans ce monde tordu où un personnage croit pouvoir porter une fraise sur sa tête, dans une dignité comparable à celle d'un saint.

C'est ce que j'apprécie. Et c'est peut-être précisément ce que nos contemporains ne savent plus voir.

Commentaires

Portrait de jean-rene

J'ai toujours autant de plaisir à te lire Ferdy.

J'ai vu, il y a quelque temps, un spectacle de danse (dont je ne me rappelle le nom) qui était mis en scène avec des projections du "Jardin des délices"; c'était prodigieux.

Portrait de romainparis

les deux ont un prix.