Jean-Luc Lagarce mort du sida

Publié par patrice le 08.05.2011
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"Une chose dont je me souviens et que je raconte encore (après, j'en aurai fini) :
c'est l'été, c'est pendant ces années où je suis absent, c'est dans le Sud de la France. Parce que je me suis perdu, la nuit dans la montagne, je décide de marcher le long de la voie ferrée. Elle m'évitera les méandres de la route, le chemin sera plus court et je sais qu'elle passe près de la maison où je vis.
La nuit aucun train n'y circule, je ne risque rien et c'est ainsi que je me retrouverai. À un moment, je suis à l'entrée d'un viaduc immense, il domine la vallée que je devine sous la lune, et je marche seul dans la nuit, à égales distances du ciel et de la terre. Ce que je pense, et c'est cela que je voulais dire, c'est que je devrais pousser un grand et beau cri, un long et joyeux cri qui résonnerait dans toute la vallée, que c'est ce bonheur-là que je devrais m'offrir, hurler une bonne fois, mais je ne le fais pas, je ne l'ai pas fait.

Je me remets en route avec seul le bruit de mes pas sur le gravier.

Ce sont des oublis comme celui-là que je regretterai
."

Jean-Luc Lagarce, in Le Pays lointain
Les Solitaires intempestifs éditeurs

J aime beaucoup ce texte..... a méditer !!!!