Laïcité, loi 1905 et oeufs de Pâques

En quoi ce vendredi saint se distingue-t-il d'autres vendredis profanes, autrefois promis à l'essor des poissonneries ? Déjà que le calendrier liturgique, apostolique et romain, paraît avoir été l'oeuvre brouillonne de savants docteurs de la foi, prêts à en découdre, afin de nous imposer la célébration d'un événement assez discutable, la résurrection d'un Christ mort sur la croix, évaporé du lourd tombeau. Aucun témoin oculaire cité à comparaître, il nous faut donc gober une fois encore ce miracle douteux (cf. St Thomas) qui soustrait la journée du lundi aux productifs jours ouvrés.

Le récent séminaire intergouvernemental avorté, lequel avait bien du mal à faire passer le concept de la laïcité républicaine, dans un contexte politique embarrassé par la montée de l'Islam, mais plus inquiet encore par les sondages offerts à l'héritière du FN que curieux d'étudier les sourates du Coran.

Plus récemment encore, mais tout va si vite, la Collection Lambert en Avignon a reçu la visite de quelques intégristes catholiques, soutenus par leur évêque, pour tenter de détruire une oeuvre, appartenant à une collection privée, qui n'était pas à leur goût.

Personnellement, la vision du sang qui dégouline sur le visage enserré d'une couronne d'épines heurte ma sensibilité, mais rien ne m'oblige à parcourir églises et cathédrales pour contempler le logo que l'Eglise s'est choisi.

Dans le champ des sécrétions humaines, il faut croire qu'il existe une hiérarchie tacite, universelle. Le sang serait plus digne que la pisse, la sueur, les larmes ou le sperme. C'est une question biologique posée par un mécréant. Leur Dieu n'a-t-il pas créé l'homme à son image ? Au nom de quoi résilier ou dénigrer de notre corps les substances parfois jugées infamantes qui s'y créent et s'y développent afin d'assurer le bon fonctionnement d'un mécanisme complexe, qui absorbe et rejette une infinité de particules sans trop se soucier de leur valeur intrinsèque esthétique ou morale, puisque toutes ces fonctions organiques sont précisément vitales, et l'une d'entre elles destinée au miracle de la procréation.

Que n'aurait-on pas entendu si au lieu d'un peu d'urine, Serrano avait eu l'idée incongrue de plonger les pieds du Fils dans une flaque de sperme ? Je sais que la comparaison est choquante, mais s'agissant d'une allégorie païenne, l'industrie du film porno a depuis longtemps découvert une recette assez simple pour palier aux molles éjaculations de ses protagonistes, en remplaçant la semence par un astucieux mélange de lait concentré Gloria mélangé à un peu de blanc d'oeuf. Le spectateur n'y voit que du feu, si j'ose dire.

Dans la même semaine, un homme était condamné pour avoir pissé sur un exemplaire du Coran. La provocation ici était patente. Et j'avoue avoir du mal à comprendre la dialectique de ce protagoniste qui s'est cru malin d'en faire la publicité. Si le papier bible n'était pas aussi lisse et fin, rien ne m'interdirait d'en faire tout usage à mon convenance, dans l'espace privé de mes toilettes, sans intenter publiquement à l'Ancien ni au Nouveau testament.

Ce renouveau du happening que l'on croyait éteint depuis le milieu des années 70, réapparaît aujourd'hui à la rubrique judiciaire des faits divers, médiatisés bien au-delà des pages artistico-culturelles agonisantes. Manet, dont on nous rabat les oreilles actuellement, semble devoir se résumer au scandale qui accompagna sa production. L'origine du Monde, (Gustave Courbet, 1866) fut récemment censuré d'un mur de Facebook, 145 ans après sa création et en dépit de sa renommée internationale et du formidable écrin que lui a réservé le musée d'Orsay. Il n'y a pas si longtemps, une exposition de photographies à Paris, était interdite aux mineurs, etc.

Pour en revenir aux célébrations pascales, je considère pour ma part qu'il y a une certaine indécence à nous imposer toute cette histoire liturgique au sein de notre calendrier républicain et laïc, l'engouement pour le chocolat ne saurait justifier une journée de convalescence hépatique nationale et obligatoire.