LE MASET DU PIBOUL

Publié par JIPETTE le 22.01.2013
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En ce jour de grâce 1951, Eulegio éprouvait une double fierté.

D’une part un successeur mâle Lopez venait de voir le jour à l’hôpital de Narbonne,

sœur Dolores venait de l’en avertir par télégramme.

Il stoppa net au pied du peuplier argenté et clouta sur le tronc, à un mètre soixante, le panonceau. Eulegio recula de quelques mètres. Du bon travail, parfaitement lisible. Il se rapprocha du peuplier, s’agenouilla et sa main alla farfouiller dans le nid creusé au pied de l’arbre. Il en ressortit une brassée de champignons, blancs comme neige, qui fera une excellente  tortilla pour ce soir. SA piboulade préférée qu’il se servira avec des pissenlits sauvages de SA vigne, arrosé naturellement de SON Corbières rouge. Il s’en pourléchait par avance les babilles. Mais dans l’immédiat une seule pensée l’obsédait : se transporter au plus tôt à Narbonne voir à quoi ressemblait le minot. Il fit démarrer sa Guzzi. Le froid ambiant la fit éternuer, puis peu à peu, elle prit son rythme de croisière. Une drôle de croisière sur la route à lacets des Hautes Corbières. Quelques dizaines de kilomètres avalés il distingua, au loin l’abbaye cistercienne de Fontfroide. Il ne put s’empêcher de hausser les épaules. Eulegio n’est pas du genre grenouille de bénitier. Il est plutôt crapaud anticlérical qui bouffe du curé au moindre prétexte. La guerre d’Espagne a laissé en lui des souvenirs désagréables qui le font régulièrement cauchemardé. N’allez pas demander à un anarcho-syndicaliste de bénir les corbeaux même pas bons au tourne broche. A griller, ces oiseaux de mauvais augure, sur un buché de sarments. Echange de bons procédés. La curetaille ne se gêna pas pour brûler les parfaits cathares, alors pourquoi prendre des gants. Ce n’est que justice pensa-t-il.

                                                                                                                                  ~O~

Le maset du Piboul, abandonné des lustres, fut construit à proximité de Cucugnan. Célèbre pour son curé. Décidément ils fourmillent comme des morpions ces bestioles. Eulegio préfère l’honorer à travers la famille Villa qui tient l’auberge du village. Mère Villa y prépare un civet de marcassin renommé dans tous le canton. Arrosé d’un robuste Fitou : le paradis des palais avertis.