Les malades ont toujours tort

Voilà un sujet de polémique qui saurait enflammer un forum, grâce à Dieu, ce n'est rien que mon petit blog à moi, replié sur ses absurdes vanités ;

je me disais, comme ça, tout à l'heure : pourraient pas nous foutre un peu de ce fameux principe actif dont j'oublie le nom (HTC ?), présent dans le cannabis, dans nos combinaisons moléculaires, afin de nous ouvrir l'appétit et nous occuper l'esprit dans la joie et la bonne humeur ? non, faut que la maladie soit dure, malveillante, mal vécue, tout à fait indissociable du tort que l'on aurait pu commettre, avec son charriot d'effets secondaires, de trucs à rebondissements, faut que ça souffre, que ça puisse gémir, pour enfin, disparaître ;

je me disais, comme ça, on pourrait très bien aujourd'hui s'occuper, après le bilan sanitaire, d'une prise en charge du bonheur, un rien stéréotypée, version Huxley, une pilule de plaisir, juste afin de prévenir la chute, un ajout moléculaire impalpable et grâcieux, un titre de transport plus amusant somme toute, je ne dis pas que nous le méritons plus que les autres (cancer, ou autres saloperies), la vie est une plaie déjà si difficile à gérer, quitte à gober n'importe quelle substance, une chose aimable et douce qui, en plus du bouclier thérapeutique, nous apporterait une petite satisfaction, sans délit et sans risque particulier, un truc doux et léger, en option, ayant vocation à combler l'anormalité des effets cumulés d'une trithérapie dont chaque notice nous rappelle à la vigilance quant aux risques dépressifs et à ces fameux rêves aberrants ;

je me disais, comme ça, puisque tant de personnes fument ou consomment de l'alcool, pour faire passer un état anxiogène ou dépressif, pourquoi les labos délèguent-ils cela à un autre secteur, en l'occurrence celui de la psychiatrie, lorsqu'il s'agit de la même chose ?  pourquoi ne pas envisager une petite dérogation, à titre exceptionnel (puisque dans l'expérimentation, nous le sommes déjà), afin d'adjoindre à nos traitements un petit truc sympa, dans la même capsule ?

certes, il y en aura pour s'en plaindre, s'en offusquer même, mais puisqu'ils ont bien été capables de modifier nos comportements, notre réactivité psychique, nos cauchemars, grâce à leurs molécules, ne serions-nous pas en droit d'attendre, sinon une réparation, au moins une modulation de ces risques, par une posologie graduée de molécules aimables, éventuellement incorporées aux pilules ? on se soucie, et c'est bien légitime, de la charge virale et du niveau des CD4, mais il n'y a pas que ça dans la vie, alors puisque tout est modifié en raison de ces molécules que nous gobons chaque jour, un petit entretien du système nerveux central, un apport en HTC (?) pourrait rectifier ce qui aura été malencontreusement délabré au passage ;

je me disais qu'on aurait pu aussi s'intéresser un peu à notre bonheur, qui n'est pas seulement matériel, ni moléculaire, ni plasmatique, mais global ;

je sais qu'il existe pour cela des psy qui peuvent nous aider, nous accompagner, nous soutenir (quand ça va vraiment mal), nous autoriser à être ce produit d'humains fragiles et inconsistants et variables, et lourds et légers, comme les autres, imperturbablement convaincus d'une dépossession d'origine virale, il n'en demeure pas moins - qu'elle qu'ait pu être la cause de cette affection, qu'à la base il fallait pleurer pour se faire entendre, puisse aujourd'hui un éclat de rire suffire à le faire partager.