Les maniaco-dépressifs plus exposés au VIH?

Publié par Ladislas le 26.09.2011
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Les troubles bipolaires pourraient représenter un facteur de risque d’exposition au virus du sida. Des chercheurs isolés tentent de faire reconnaître ces malades comme une population à risque. Une démarche qui ne fait pas l’unanimité, notamment chez les acteurs de la prévention, qui craignent un amalgame.

"Ils sont l’une des populations les plus touchées par le virus du sida." Vincent Trybou, psychologue clinicien au Centre des troubles anxieux et de l’humeur, ne parle pas des homosexuels ou des travailleurs du sexe, mais des maniaco-dépressifs. Il est spécialisé dans la prise en charge de ces malades, désormais appelés "bipolaires".

D’après lui, cette population, victime de troubles de l’humeur, s’expose à des risques accrus de contamination par le VIH. Les bipolaires alternent en effet entre périodes de dépression et d’excitation. "Lors de cette seconde phase, le cerveau est hyper-stimulé, ce qui peut entraîner une consommation d’alcool ou de drogue et une prise de risque, avec des rapports sexuels non protégés", explique Vincent Trybou.

Les études psychiatriques montrent que les bipolaires ont effectivement une tendance aux comportements risqués, tous domaines confondus, du fait notamment d’une intolérance à l’ennui. De concert avec l’association d’aide aux bipolaires Argos2001, Vincent Trybou s’évertue à plaider leur cause auprès des organismes de prévention sida.

"Indépendamment du virus et de ses modes de transmission, il y a des gens qui ont des profils à risque. Et cela ne concerne pas que la problématique des gays ou des toxicos. Le problème majeur en France, c’est que les organismes de prévention font une fixation sur les toxicomanie au détriment d'autres maladies, alors que les bipolaires ont une prévalence qui est plus élevée que la moyenne", se désole Vincent Trybou.

Un rapport du secrétariat du conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la santé faisait état en 2008 de l’augmentation des risques de contraction du VIH chez les personnes souffrant de troubles mentaux. Le rapport estimait la prévalence dans cette population entre 5 et 23%, contre 0,3 à 0,4% dans la population classique.

Un tabou lié à la "réputation sale" des maladies psychiatriques

Pour Vincent Trybou, si cette population est oubliée de la prévention, c’est en partie parce qu’elle n’est pas visible :"On constate que les toxicomanes ont dans de nombreux cas un trouble de bipolarité. Mais la toxicomanie cache le trouble mental de départ." C’est aussi selon lui un tabou dû à la "réputation sale" des maladies psychiatriques :

"Le sida n’est alors plus liée à "la faute à pas de chance", mais à ce qui est considéré comme une tare. C’est déjà discriminant d’être séropositif, on ne peut pas en plus leur dire qu’ils sont maniaco-dépressifs", poursuit Vincent Trybou.

Comportement à risque, mais pas nécessairement contamination

Néanmoins, son combat ne fait pas l’unanimité et les acteurs de la prévention sont encore loin de considérer les bipolaires comme une population prioritaire. Tout d’abord parce que la surexposition à la prise de risque n’est pas synonyme de contamination.