Les seropos et le monde du travail

Publié par Hippocampe le 04.03.2011
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Article a lire concernant le monde du travail 

Malgré qu il date de 2009 je ne pense pas que les choses ont évoluées malheureusement Mécontent

Discrimination au travail \ L'état de santé et le handicap encore tabous

Les entreprises restent fermées aux malades du Sida

Si la situation des séropositifs s'améliore au plan médical, leur existence sociale reste compliquée, en particulier dans les entreprises. Pour dénouer les discriminations liées à la maladie, Sidaction et le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise ont lancé un programme de réflexion et de sensibilisation.

Statistiquement, dans une entreprise de 500 personnes, il y a au moins un salarié séropositif. Nombreux sont les malades qui préfèrent cacher leur état à leur hiérarchie pour éviter une discrimination encore trop présente. Pour comprendre les mécanismes de peur qui bloquent encore l’intégration des malades, 25 ans après la découverte du virus, Sidaction se mobilise. En partenariat avec le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD), l’association a monté le projet « Emploi-VIH, regards croisés ». Ou comment le théâtre permet d’actionner les leviers de la non-discrimination.

L’étude ATLIS (AIDS treatment for life international survey), publiée lundi 9 février, montre que la gêne liée à l’évocation du Sida ne faiblit pas. Cette enquête a été menée en mai 2008 auprès de 3000 séropositifs de 18 pays, avec l’aide de l’Association internationale des médecins engagés dans la lutte contre le Sida (IAPAC). Parmi les malades qui ne souhaitent pas révéler leur séropositivité (54% des personnes interrogées), 83% ont peur des discriminations sociales liées à leur état. 36% estiment par ailleurs que l’annonce de leur maladie pourrait avoir des conséquences allant jusqu’à la perte de leur emploi. 

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Une image négative et tenace de la séropositivité

Selon Sidaction, 45% des porteurs du VIH se situent hors des circuits de la formation et de l’emploi. A la suite de ce constat, l’association a créé la Mission emploi, en octobre 2004. Son rôle est d’accompagner et de financer des projets d’insertion, de maintien ou de retour à l’emploi des personnes séropositives. En 2008, 300000 euros ont été distribués par Sidaction à 13 associations en France, qui accompagnent environ 400 personnes. « Mais le relais financier doit être pris par les collectivités publiques » estime Nathalie Pierret, coordinatrice de la Mission emploi à Sidaction.

Dans le cadre de la Mission emploi, Sidaction a réalisé que, malgré 25 ans de campagnes, le regard de l’entreprise envers les malades n’évoluait pas. « Le tabou sur le sujet est insupportable. Nous avons décidé d’ouvrir le gros chantier sociétal pour renverser la situation » se souvient Nathalie Pierret. Le soutien aux séropositifs ne suffit plus : il faut s’attaquer aux idées reçues qui persistent. Pour identifier les peurs, souvent irrationnelles, l’idée originale du Théâtre-forum est née. « Il fallait trouver un moyen de faire se rencontrer le milieu du Sida et celui de l’entreprise » raconte Fabrice Pollet, directeur de Pollet Peinture, entreprise de peinture en bâtiment, et membre du comité d’experts de la Mission emploi. « Pour décloisonner les milieux et nommer les problèmes rencontrés sur le Sida » insiste Nathalie Pierret. 

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Un outil pour nommer et comprendre les peurs

La première expérience de Théâtre-forum s’est déroulée à Orléans, en deux représentations, avec la participation du CJD d’Orléans et du Réseau ville-hôpital d’Orléans. Sur une scène de théâtre, se retrouvent séropositifs, DRH, infirmières, chefs d’entreprises, assistantes sociales, médecins du travail, employés, associations, etc. En s’inspirant de situations réelles, ils jouent des saynètes où les malades se retrouvent confrontés à des situations délicates en entreprise : discrimination à l’embauche, regard des autres salariés, peur de la contamination, rejet, questionnement. « Le Théâtre-forum dédramatise les situations et bouscule les gens » raconte Fabrice Pollet. La pièce est interactive, et peut être interrompue à tout moment par le public.

L’expérience a soulevé d’énormes questions chez les participants, mais n’a pas toujours eu l’effet positif escompté. « Certains chefs d’entreprise nous ont avoué avoir changé de vision mais n’être toujours pas prêt à embaucher un séropositif » regrette Nathalie Pierret. Le Théâtre-forum a montré aux dirigeants pourquoi l’intégration d’une personne malade dans l’entreprise n’est pas anodine, mais comment elle est possible. Il apprend aussi bien aux salariés malades qu’aux employeurs comment gérer la séropositivité. Fabrice Pollet raconte l’histoire d’un DRH confronté à un cas de dénonciation anonyme de la séropositivité d’un salarié. « Il a su en parler avec l’employé concerné, lui dire que cela resterait entre eux deux, le rassurer. Deux mois plus tard, le salarié a parlé spontanément de sa séropositivité au sein de son entreprise ». 

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Vers un programme de formation dans les entreprises

« C’est un travail de fourmi qui permet de nommer les problèmes, et de réduire la vision erronée de la séropositivité » explique Nathalie Pierret. Le Théâtre-forum est-il la solution aux problèmes que rencontrent les porteurs du VIH dans le cadre de l’entreprise ? Assurément pas. « C’est un levier, pas une fin en soi » estime la responsable de la Mission emploi. A Orléans, un comité de pilotage a été créé pour réfléchir sur un programme de formation des employeurs. Par ailleurs, l’expérience orléanaise a donné lieu à un film* qui pourrait devenir un outil de communication sur le sujet, notamment auprès des plus grandes entreprises.

Communiquer auprès des entreprises, mais également auprès de l’Etat. « On pourrait, on devrait travailler avec les conseils généraux, régionaux, les caisses d’assurance maladie » regrette Fabrice Pollet. Malheureusement, selon Nathalie Pierret, les autorités pensent que la situation des séropositifs s’améliore grâce à la généralisation des tri-thérapies, et ne considèrent pas leur situation sociale. En attendant un mouvement national, les régions se mobilisent. Le deuxième volet de l’expérience, à Marseille, promet d’être « un événement choc pour pousser les personnes concernées à se rencontrer » selon Fabrice Pollet, avant peut-être un troisième épisode à Lyon. Nathalie Pierret est convaincue que « c’est le rayonnement de chaque personne qui a des connaissances sur la maladie qui changera la vision globale du Sida ».

* « DRH et HIV » d’Antoine Tracou. Disponible en DVD auprès de l’association Sidaction

Rouba Naaman
Mis en ligne le : 18/02/2009
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