Ma saison en enfer

Publié par Zzorg le 15.12.2008
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En 99, je prenais du Sustiva... Ca ne se passait pas bien du tout, je sombrais dans la dépression, mon sommeil jamais profond m'emmenait en enfer, je titubais en me levant et m'engluais dans une grisaille qui me faisait envisager mon suicide prochain avec le sourire. Mon médecin de l'époque, la célèbre Christine K., me tapait dans le dos en souriant en me disant que ça allait passer, que ça ne durerait que quelques semaines. Ca a duré 6 mois de folie, de dépression noire qui s'accroissait de jour en jour, avec des cauchemars récurrents, dont voici le récit.

"La fois ou j'ai compris que l'humain était fragile, je caressais une cage thoracique. Sans peau, sans chair, plus rien que des os. La structure, bien qu'exerçant une fascination dont je ne me croyais plus capable, semblait fragile. Tout ce vide, un pied l'aurait fracassée...Je la lançais vers les étoiles et croisait la lune du regard. Tu gueulais derrière moi des mots incompréhensibles. Tu es lourde bébé, comment te le faire comprendre ? Je ne parle plus ta langue, je ne comprends plus tes mots, ton visage grimaçant devant mes yeux ne signifie rien pour moi. Je pourrais te tuer. Non. Je devrais te tuer. Tu es comme ces gens sur les plateaux télé. Tu applaudis et ris quand on te dit de le faire. Tu es lourde bébé. Tu es perdue. Alors je t'ai pendue, et je t'ai affublée de cette jolie cage thoracique. Tes enfants morts nés riaient aux enfers de voir leur jolie maman ainsi décorée, ta langue gonflée pendant hors de ta bouche te donnait un petit je ne sais quoi d'obscène qui t'allait bien. J'ai repris ma route sur les chemins putrides jusqu'au lieu du sabbat. L'air vibrait alors que j'approchais, de grands feux brûlaient. J'arrivais à une prairie immense ou des corps enchevêtrés se mordaient se léchaient, s'enfilaient. On ne distinguait plus qu'un fatras de bras, jambes, sexes et têtes. Le sol était essentiellement constitué de corps d'animaux morts, fraîchement éventrés, et je fus impressionné par la quantité de canards et autres volatiles décapités, les têtes jetées de ci de là autour des corps baisants. Loin devant, sur un autel, trônaient un homme et une femme. Je décidais de m'approcher d'eux mais ne pouvait contourner l'amas orgiaque qui s'étendait à perte de vue. Je crawlais dans les corps. Certains n'étaient pas humains dans la forme que nous connaissons, là ou il devait y avoir une épaule,  un bassin naissait à nouveau tendant un autre sexe à un autre corps dont la tête était remplacé par un bras. Je progressais lentement, écrasant des os sous mes pas, glissant dans les viscères. Arrivé au pied du trône je levais la tête vers celui et celle qui présidait à cette orgie démoniaque. Mon Père et ma Mère était là, souriants, assis sur un trône composé d'os, de chair, et de centaines de têtes de canards sanguinolentes. Ils étaient beaux et fiers, et je pus lire dans le regard de mon Père un espoir. Mon opiniâtreté pour les retrouver dans cet enfer ouvrait la porte à de grandes réalisations dont j'allais devenir le Maître..."

Plutôt que de rester en enfer, en veille ou dans le sommeil, j'ai harcelé Christine pour arrêter mon traitement, comprenant que lourdement pré traité en primo infection et accusant des troubles sérieux du foie, c'était le moment ou jamais pour tenter une interruption. Elle ne voulait pas en entendre parler, ne voulait pas même remettre sur la table les troubles psy graves que le Sustiva occasionnait. J'ai claqué la porte, trouvé un autre médecin qui a accompagné mon interruption de traitement et j'ai vécu 8 ans en forme sans traitement. Tout ça pour dire, entre autre,  que les gens qui s'opposent à nous sont parfois une chance, et les affronter peut se révéler très bénéfique...
(message appuyé à un mec qui a peur d'affronter son doc ...)

;-)

Zzorg

Commentaires

Portrait de Trudy Q

le problème n'est pas "d'affronter son doc", mais à l'occasion tu aurais pû avoir des opinions, conseils , examens , avec d 'autres medecins ,  d'autres Hopitaux , sans atteindre les 6 mois.....et puis les barebackers sont là pour nous déconcentrer de ses effets, en attendant on délocalise le virus  
Portrait de Zzorg

Pour la personne à qui j'adressais le "clin d'oeil" il s'agit bien de peur d'affronter son médecin, à faire entendre sa voix. Pour ma part, à l'époque, ce sursaut m'a été salutaire, puisque j'ai été en interruption de traitement pendant 8 ans, et mon choix avait été éclairé et accompagné par un nouveau médecin, qui me suit toujours d'ailleurs...

Des bises à toi

Zzorg