..mais les braves gens n'aiment pas que...

Publié par JIPETTE le 14.07.2012
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La somme de Richard Canavo : Monsieur Trénet  est riche de plus de 600 pages, une bible. Lire les textes des chansons de Trénet nous apprennent beaucoup de chose sur l’artiste poète.  En 1978, avec son air de Sainte Nitouche, Charles glisse dans l’Abbé à l’harmonium : -Il m’invite dans sa hutte/Et me montrant sa flûte/Me dit d’un air gourmand je vous veux bien pour gendre/Mais avant faut apprendre/A jouer de cet instrument

Pierre Bénichou, Le Nouvel Observateur, dans un article hommage à Trénet notait avec amusement : il chantait : -J’aime mon père, ma mère, la France et le bon Dieu / Et puis les femmes, les femmes, les femmes qu’ont les yeux bleus… lui qui n’aimait que les décorations et les garçons vraiment trop jeunes. Pour n’en vexer aucune donc, Trénet ne se maria pas ! Il fut, par contre, fidèle à son chauffeur  El Hassidi qui prit comme prénom l’un de ceux de Charles : Georges. Il s’attacha ses services plus de vingt ans et en fit son secrétaire (Charles ne savait pas écrire) et légataire universel. Charles avait peut être trouvé un fils qu’il ne pouvait naturellement  avoir. Marie-Louise mère possessive cerne le petit et le surprotège. Sa vie durant il en sera marqué au fer rouge. Dans ses vertes années il broutait la pelouse, après digestion la tendre herbe verte surgit : "J'ai retrouvé l'odeur des pelouses sportives où tombe la sueur des athlètes complets. Clair dimanche aux couleurs de maillots vert-olive, c'est dans ton souvenir que mon cœur se complaît. Où perchez-vous, garçons qui sautez à la perche  Dans les stades du bois, sur les rives du ciel. Rentrez avant la nuit, vos parents vous recherchent. Mais gardez de l'azur les élans essentiels. Ah ! Que ne suis-je encore un oiseau de collège. Que n'ai-je mes 15 ans pour voler et courir. Que n'ai-je mes leçons de solfège. Que n'ai-je la neige du passé qui garde l'avenir. Je n'y trouverais pas que ces pelouses vertes, mais les bouches d'avril et les passions offertes." Trénet 1975

Dans les années trente il fricote à Montparnasse avec Jean Cocteau, Antonin Artaud et Max Jacob. Pendant les Années Noires de l’Occupation, toujours “Fleur bleue” il se rend en Allemagne comme tant d’autres artistes. “Nous on savait, on savait et pourtant on rêvait” confessera-t-il.

13 juillet 1963 boom, bada boom. Son coeur fait boom-boom. A la suite d’une dénonciation d’un délateur, courageusement anonyme, il est appréhendé en son domaine des Esprits en compagnie de quatre jouvenceaux et inculpé pour outrage à la pudeur et attentats aux bonnes moeurs. Cette magnifique propriété est un petit paradis loufoque à l'image du Maître des lieux. Cette bastide féerique est hérissée de tourelles trois, quatre, cinq parsemée de sculptures en pâtre : un héros grec badigeonné fait un clin d'oeil coquin à un austère moine. Des fleurs en plastoche, recolorisées par le boss sont plantées à droite et à gauche pratique, elles ne nécessitent pas d'arrosage et ne fânissent  jamais. L'intérieur est style Louis XVI de très, très mauvais goût. Mais Trénet n'a cure des appréciations des autres. Les goûts et les couleurs n'est-ce pas ! Ce "mauvais" goût va lui coûter cher. Son pote Brassens l'avait averti : les braves gens n'aiment pas qu'on suive une autre route qu'eux.