"Tu verras quand t'auras mon âge !", j'ai tellement entendu cette réplique dans ma jeunesse, que je réprime l'envie de prononcer à mon tour, cette phrase absurde et superflue. Certains ont composé des vers pour dire la même chose. En l'occurrence Corneille, faisant vainement la cour à Marquise-Thérèse de Gorla, qui lui répond par l'intermédiaire de la plume de Tristan Bernard.
Petites notes historiques : Marquise n'en est donc pas une. C'est le prénom (courant à l'époque) de Mademoiselle Du Parc, comédienne dans la troupe de Molière. Le poème de Corneille, "Stances à Marquise" n'est pas complet, il n'y a ici que les trois premières strophes. Quant à la réponse de Marquise à Corneille, elle a été imaginée par Tristan Bernard quelques deux cent cinquante ans plus tard. Le tout à été mis en musique par Georges Brassens. À noter également (c'est mon côté musicien), que les vers de Corneille sont composés de sept syllabes, alors que ceux de la réponse imaginée par Tristan Bernard en comptent huit.
MARQUISE (Corneille / Tristan Bernard)
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront :
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m'a vu ce que vous êtes ;
Vous serez ce que je suis.
"Peut-être que je serai vieille,
Répond Marquise, cependant
J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
Et je t'emmerde en attendant."
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Commentaires
Etre et avoir été
Il me souvient d'une algarade avec une jeune bécasse que je ne connaissais nullement, une nuit dans une discothèque : elle m'avait craché au visage un "Tu es un has-been" qu'elle croyait être mortel. Je lui avais immédiatement rétorqué qu'"au moins, moi, j'avais été" et qu'"il n'était pas sûr qu'elle puisse en dire autant un jour".
Elle était restée bien silencieuse...avant de tourner les talons : oui, il faut toujours un temps avec certain-e-s pour que l'information arrive à bon port.
(j'ai toujours eu en réserve une bonne dose de venin à l'attention des imbéciles persuadé-e-s que le monde leur appartient)
Droit de réponse à Corneille
Qui dans la suite de son poème argumente très bien les bénéfices de l'âge, même si la fin est assez prétentieuse. En effet comme il l'avait prédit, ses talents littéraires traversent les siècles, alors que la beauté de Marquise fut éphémère.