Nouvelle chronique du néant

Publié par Ferdy le 15.02.2010
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Puisque je crois avoir la chance d'être suivi par quelques lecteurs (trices), je poursuis ma cavalcade dans l'insignifiant / l'insignifié ;

hier soir, par exemple, je suis allé chercher la définition de ma logorrhée :

- flux de paroles inutiles ;

- besoin irresistible, morbide de parler ;

- discours trop abondant ;

(merci à Robert le Petit), c'était exactement ça, je m'y retrouve pleinement, à charge pour moi de développer parfois certaines idées, tranquilles saillies d'un univers arc-bouté sur le vide, parois lisses et glissantes, vagues inspirations culinaires, tristes tropismes,

je prends une douche, c'est toujours assez agréable de prendre une douche, on ne sait pas très bien pourquoi, mais ça marche, ça tonifie nous dirait le marketing d'un produit décapant, on en ressort revigoré, je n'irai pas jusqu'à dire l'extase, mais quelque chose en moi s'est modifié, imperceptiblement perceptible, ça ravive la notion corporelle, ça invite à changer de fringues, on se découvre dans une nudité qu'en ces temps de froid polaire évitons comme la peste, pour être plus précis encore, quitte à livrer ici une information qui n'intéresse que l'intime, j'ai poussé le vice jusqu'à me raser les poils du pubis, à la tondeuse, vite fait, mal fait sans doute, mais heureux de me débarrasser d'une végétation exotique tout à fait superflue et ridicule à plus d'un titre, une invasion capilaire en milieu hostile, hirsute et potentiellement à risques, on aurait dit du foin que je coupais maladroitement, mais aussi consciencieusement, je me souviens d'un site gay où la question de la pilosité était posée en ces termes : votre sexe est-il entretenu ? (oui/non), j'aurais aimé pouvoir répondre aussi et par qui ? mais le site n'autorisait pas cette utile dérive, l'homme moderne se distingue de celui de Cro-Magnon car il se fait épiler chez une esthéticienne qui adore les homos, Natacha, par exemple, vous fera le slip pour 65 €, tout compris, avec gel décongestionnant et talc bio ; l'homme moderne n'aime plus le poil parce que :

- c'est disgracieux ?

- ça tient chaud ?

- ça attire les parasites ?

- ça fait vulgaire ?

- ça nous rapproche trop du singe ?

- ça produit des odeurs qui auraient une fâcheuse tendance à déranger l'entourage ;

nous comprenons bien que l'homme moderne doit se féminiser, et oublier ce qui faisait son lustre autrefois : une pilosité de chimpanzé et une odeur combinant moules/camembert, dans une sorte de fierté héroïque et virile qui en exaltait toute la saveur ;

non, l'homme moderne, prend une douche au moins une fois par jour, même en hiver, se brosse les dents trois fois par jour, se rend dans une salle de gym qui pue des pieds, change de caleçons chaque matin, s'enduit de crèmes, de baumes régénérants et d'anti-rides salvateurs, l'homo modernicus se contemple dans un miroir aussi souvent que son épouse, mais en catimini, il affiche la décontraction, l'assurance d'une haleine mentholée et un gabarit d'athlète modeste mais probant ; l'homme moderne se définit par une virilité bien tempérée, sans trop de pilosité et un sourire radieux.

Commentaires

Portrait de alsaco

même idée que toi ce matin . j 'ai pris le rasoir et hop . un sexe nouveau , image évocatrice d 'un passé bien lointain .et surement la suite de mon passage au sauna hier  où des corps imberbes sillonnaient  dans les allées ténébreuses. Une mode un produit .en tout cas des hommes bien formatés par les médias. Le rasage fait recette . Les caresses deviennent septiques , les endroits rasés perceptibles au toucher .  Faire peau neuve , recommencer une nouvelle vie , exhiber un nouveau corps ....................................

a+

Portrait de serosud

...notre homo archaïccus avec pareille enveloppe corporelle. Sans omettre non plus ses hebdomadaires sous-vêtements balisés par de subtiles auréoles à l'avant et empreintés par de suspectes traces de freins à l'arrière, comme pour ne point s'égarer dans cette jungle des saveurs, souvent trop épicées à mon goùt..

Ah!...y a pas dire, quand de bonne heure,on a l'occasion d'humer pareille senteur,  l'air des villes nous semble beaucoup plus agréable..

Portrait de nathan

menacé par l'insignifiant" (René Char, « À une sérénité crispée », dans Recherche de la base et du sommet, éd. Gallimard, 1965, p. 123).

Mais l'insignifiant est lui-même dans le roman de la vie "signe : impossible d'y faire pénétrer un élément qui peu ou prou ne le change, pas plus que dans une équation un chiffre, un signe algébrique ou un exposant superflu." (Julien Gracq, En lisant en écrivant, éd. Corti,1980, p.119 )