Plein tarif

Publié par Ferdy le 05.04.2010
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Ce serait un petit matin encore tout froissé de sommeil, il y aurait sur la table une tasse de café, un croissant qui avait été chaud, un type devant son ordi ; la veille, il s'en souvenait comme si c'était hier, il n'avait rien fait ou presque, jamais il n'allait à l'église, sauf quand il était en vadrouille en Italie ; il se souvenait qu'à Venise pour avoir un peu de lumière, il fallait mettre des pièces dans un compteur, sinon on ne voyait pas les oeuvres, la pingrerie catholique l'amusait quand il disposait d'un peu de monnaie, mais à la fin il trouvait cela un peu mesquin, quelques minutes de lumière pour quelques lire (à l'époque des faits) ; il retrouvait souvent à Rome cette même petite obligation dans certaines habitations modestes où l'ascenseur, pour la montée, était payante, modique mais payante ; il se demandait si un jour on ne serait pas contraint de tout payer, de l'air que l'on respire aux paysages que l'on observe, des temps d'action et d'inaction, l'ouverture d'une porte, le droit d'entrée dans une grande surface, etc. 

Le tarif de l'amour, depuis la nuit des temps, avait toujours pu être négocié, au même titre que le gîte et le couvert, hommes et femmes avaient conçu pour les autres ou pour eux-mêmes un système de location dont on affectait de se moquer en public, mais dont on se satisfaisait dans l'intimité des alcôves ;

pour un lundi de Pâques, ce petit texte manquait d'envergure, de spiritualité, de hauteur; on y aurait même perçu une sorte de rancoeur, d'accablement funeste, et pourtant dans la campagne voisine, un coq se mettait à brailler, à n'importe quelle heure, tout heureux de nous faire partager son chant éraillé, autrefois destiné à réveiller le bon peuple engourdi ; 

cet acte gratuit du fier volatile, bénévole inutile mais pittoresque, très aléatoire quant à l'heure du révei - surtout si l'on compte sur lui lorsqu'on doit prendre un train de bonne heure, incarne peut-être cette dernière gratuité dans les services rendus à l'humanité, qu'en restera-t-il demain ?

L'auteur se posait des questions assez confuses.

Commentaires

Portrait de ian-kemper

Ian

 Et même le chant du coq offert à l'aube pour nous faire profiter de l'astre levant et nous enrichir d'un jour tout neuf n'est plus de mise. Les citadins, ces Huns qui investissent la cambrousse et conquièrent avec la dernière sauvagerie le territoire des ploucs, se répandent en actions guerrières et procédurières contre le chant des coqs, les clochers bruyants qui scandent le temps, les bouses de vache éclaboussées sur le macadam. Et c'est vrai,  à quoi bon tant de choses gratuites pour nous éveiller, nous donner l'heure et nous fournir en bon lait chaud et crémeux. Quand les radio-réveils, l'heure partout, à nos montres, à nos portables, aux tableaux de bord de nos voitures, quand le lait en briques que l'on peut traire aux rayons des grandes surfaces, quand les bouses de vache nous rappellant le merdier de notre existence créditée à la BNP, pour payer la Golf et l'heure sur le tableau de bord, la résidence secondaire et l'horloge comtoise. Franchement, cessons la gratuité qui ne sert à personne, n'enrichit ni Bouygues, ni les promoteurs immobiliers ni les actionnaires de l'industrie horlogère et automobile. Tuons les coqs !

Portrait de Ferdy

Tuons des Bouygues, mais pas de coqs ;-)