Sida : la voie de l’éradication ?

Publié par saraconor le 26.11.2008
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http://www.liberation.fr/societe/0101268855-sida-la-voie-de-l-eradication

La fin de la fatalité ? Ce n'est évidemment qu'une modélisation mathématique, il n'empêche l'article qui parait, ce matin, dans la grande revue médicale The Lancet, risque d'être ressenti comme un choc : si on se donne les moyens, si on dépiste massivement le virus du sida, et si on traite tout aussi massivement les personnes contaminées, l'épidémie... s'effondre. Et cela, dans un délai relativement rapide : moins de dix ans.

«Bien sûr, ce n'est qu'un modèle, et cela ne peut pas signifier une politique ou une stratégie d'ensemble», réagit dans la revue Kevin De Cock, responsable de la lutte contre le sida à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais cela montre les avantages des traitements immédiats avec une politique forte de diagnostic.» Le Pr Geoffrey Garnnet de l'Imperial College de Londres, ajoutant, toujours dans The Lancet : «La stratégie proposée comporte le meilleur et le pire. Le meilleur, car cette stratégie prévient la mortalité et la morbidité, et elle réduit drastiquement la progression de l'épidémie. Le pire, car il y a des risques d'abus de dépistage, il peut y avoir des traitements mal utilisés, des résistances bactériennes créées par les trithérapies, et enfin, cela peut réduire les choix individuels de chacun au regard de sa propre santé.»

Dépistage. Certes, mais plus le temps passe et plus s'impose l'idée qu'à l'heure où 35 millions de personnes sont contaminées dans le monde, une politique systématique de dépistage et de traitement a des effets considérables sur l'épidémie.

De fait, l'étude des chercheurs de l'OMS n'est pas une simple vue de l'esprit. Elle s'appuie sur la situation emblématique de l'Afrique du Sud avec une épidémie très forte, 20 % de la population, dont la propagation est très liée aux relations hétérosexuelles. Bref, un modèle dominant dans les pays en voie de développement. «Dans le monde, expliquent les chercheurs, fin 2007 il y a autour de 3 millions de personnes qui ont reçu des traitements et on estime que 6,7 millions de personnes en auraient besoin, et enfin près de 2,7 millions de personnes ont été nouvellement infectés en 2007.» Les auteurs ont travaillé sur ces données. Et construit un modèle reposant sur une problématique précise : déterminer le nombre de nouveaux cas de VIH et la dynamique à long terme de l'épidémie, si l'on testait dans un pays donné, chaque année, toute personne de plus de 15 ans, et si on mettait sous traitement immédiatement toute personne séropositive.

Résultat spectaculaire : «Cette stratégie aurait des effets massifs. Elle accélérait la transition d'une épidémie massive à une phase d'élimination... Cela aboutirait à une chute de plus de 95 % du nombre de nouveaux cas», notent les auteurs. «Au lieu d'être perpétuellement sous la pression des nouvelles contaminations, la mortalité baisserait fortement, et l'épidémie se cantonnerait à quelques groupes à risques.» Ils ajoutent même : «Avec le vieillissement progressif des personnes traitées, on irait vers une élimination de l'épidémie.» Pour conclure : «Bien qu'il y ait d'autres interventions de possibles, notre modèle suggère que seul les tests volontaires et la mise sous traitement immédiate peut réduire la transmission jusqu'à l'élimination de l'épidémie. Dans des pays comme l'Afrique du Sud, cela serait possible vers les années 2020.»

«Utopie». «Ce ne sont que des chiffres virtuels», diront les uns. Les autres y verront la confirmation que toute intervention massive, mêlant dépistage et traitement, a des effets spectaculaires. D'autant que chez les personnes traitées, comme l'a confirmé la conférence de Mexico en août, le risque de contaminer est alors faible. «Cette étude est certes une utopie, mais elle montre combien mêler prévention et traitement est efficace», conclut Gilles Brucker, président du GIP-Esther, une instance de coopération hospitalière internationale.