Un bon vivant

Publié par Ferdy le 28.06.2010
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Un bon vivant ne fera pas forcément un mauvais mort.

Parmi les rares avantages que je perçois, plus ou moins distinctement, selon l'humeur, d'être parvenu à cet âge de jeune vieux (50 ans), dont près de la moitié consacrée au passage des différents seuils de la perception de l'infection au vih, se trouve peut-être dans cette capacité à l'avoir si intimement intégrée, évidemment dans une forme de résignation volontaire (comme La Boétie a pu développer cet oxymore apparent de la servitude volontaire), qui n'a jamais totalement entamé ma curiosité, allant même jusqu'à concevoir un certain émerveillement à l'égard de ce corps (ma monture), pourtant soumis à une hygiène souvent contraire au bon sens le plus élémentaire.

Si je me suis laissé aller à la plupart des excès (alcool, tabac, stupéfiants divers et variés, etc.), dans une insouciance scandaleuse, ponctuée par des phases dépressives ou d'angoisse cycliques qui m'ont permis indifféremment de sombrer et grandir, je suis cependant parvenu à maintenir un cap assez flou, débarrassé de toute ambition extravagante et sans jamais prétendre détenir quelque sagesse que ce soit.

Ce témoignage qui ne saurait en aucune façon prétendre à l'aveu tardif ni à la mise à nu, encore moins au conseil à l'attention des jeunes générations pourra être entendu pour ce qu'il est : une expérience, comme il en existe des milliers, avec son lot de douleurs et de satisfactions, de doute et de persévérance têtue où le hasard accomplit, dans l'obscurité chimérique de ses illusions, un parcours parsemé d'erreurs et de faiblesses, aussi par quelques insoupçonnables avancées plus ou moins probantes.

Comme toute existence, ce qui la caractérise le plus fidèlement sera sans conteste son côté brouillon, première version mal dégrossie, incohérente et banale, à laquelle j'ai renoncé à chercher un sens, quelque chose de tangible qui s'imposerait à moi et aux autres comme une harmonieuse évidence, tandis qu'il ne s'agit que d'un amas de sédimentations résiduelles agrégées ici et là, au gré du courant, pour constituer une identité unique, avec son ADN exclusif, des empreintes digitales à nul autre pareil, et partageant les mêmes craintes et les mêmes aspirations que la plupart de mes contemporains qui ont eu cette chance de naître dans un pays développé. Avantage tout à fait relatif et subjectif, mais pour faire court, pas mécontent d'être apparu dans un pays en paix, au sein d'une famille qui eut la bonté de me loger, me blanchir et me nourrir, tout en me transmettant une éducation adaptée à une vie sociale honnête, gage de mon indépendance précoce.

Mon orientation sexuelle ne fut ni un combat, ni une finalité en soi.

Le virus, avec lequel j'ai pris l'habitude de cohabiter sans trop chercher à savoir ce qu'il trame derrière mon dos, somnole sous l'effet de la trithérapie, et je suis chaque matin assez curieux de voir la couleur du ciel qui se cache derrière les volets.

Commentaires

Portrait de Marbouillat spirit 2

j'aime beaucoup la fin