Formes sévères : on comprend mieux

31 Août 2021
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Les conséquences d’une infection au Sars-Cov-2 (qui cause la Covid-19) sont éminemment variables d’une personne à l’autre, rappelle une récente communication de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Si la plupart des personnes infectées sont peu symptomatiques ou asymptomatiques, certaines développent des formes sévères, voire critiques, « avec des pneumopathies nécessitant un séjour en réanimation ». Comment expliquer ces disparités, s’interroge l’Inserm. Deux nouvelles études publiées le 19 août dans la revue Science Immunology apportent un éclairage à cette question. Ces études « mettent en évidence des anomalies génétiques et immunologiques qui expliquent globalement près de 25 % des formes sévères de Covid-19 », explique l’Inserm. Après plus d’un an de pandémie, l’hypothèse d’une prédisposition génétique et immunologique aux formes graves de Covid-19 se confirme donc. En octobre 2020, les équipes des Pr Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel avaient publié deux études dans la revue américaine Science expliquant 10 à 15 % des formes sévères de Covid-19. « Toutes étaient dues à un déficit dans la voie de l’interféron de type 1 (IFN 1), une protéine habituellement produite de manière rapide par le système immunitaire en réponse à une infection virale et qui a pour principal effet d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées ». Les chercheurs-ses avaient démontré qu’au moins 3 à 4 % des formes sévères ont une origine génétique, tandis que 10 à 11 % s’expliquent par la présence d’auto-anticorps dirigés contre IFN 1 et qui bloquent leur action antivirale. Deux nouvelles études internationales coordonnées par le même laboratoire et publiées le 19 août dans la revue Science Immunology apportent de nouvelles données scientifiques qui, ajoutées aux précédentes, expliquent 20 à 25 % des formes sévères de Covid-19. Dans la première publication, les auteurs-rices ont identifié des variants au niveau du gène TLR7, conduisant au développement de formes critiques, en particulier chez les patients-es jeunes. L’équipe de recherche est partie du « constat que les formes les plus sévères touchent principalement les hommes ». L’équipe s’est donc focalisée sur ce qui distingue les deux sexes : la présence d’un unique chromosome X chez les hommes contre deux exemplaires chez les femmes. Les chercheurs-ses ont séquencé le chromosome X de 1 202 personnes de sexe masculin ayant fait une forme grave. Ils ont ensuite comparé toutes ces séquences entre elles et avec celles de sujets d’un groupe contrôle ayant contracté la Covid-19 dans des formes asymptomatiques ou légères. Résultat : chez 16 patients (soit 1,1 %), les auteurs-rices ont identifié des variants génétiques dits « perte de fonction » du gène TLR7. Or ce gène joue un rôle majeur dans le mécanisme de production d’IFN 1. Il ressort de cette étude que 1,3 % des formes graves de Covid-19 s’expliquent par des anomalies génétiques du gène TLR7 chez les hommes. Ce déficit est plus fréquent (1,8 %) chez les malades de moins de 60 ans. Dans la deuxième publication, les auteurs-rices ont démontré que 15 à 20 % des formes sévères sont causées par la présence – dans le sang des patients-es – d’auto-anticorps qui visent spécifiquement les interférons de type 1. Il a été mis en évidence que ces anticorps bloquent l’effet protecteur de l’IFN1 sur la réplication virale. Le virus Sars-Cov-2 pénètre ainsi dans les cellules sans rencontrer de résistance et se réplique de façon incontrôlée. En 2020, les chercheurs-ses avaient pu expliquer 10 à 11 % des formes sévères car ils-elles s’étaient intéressés-es en priorité aux patients-es avec un taux très élevé d’auto-anticorps dans le sang, détaille l’Inserm. Dans cette nouvelle étude, les chercheurs-ses ont abaissé ce seuil et ont inclus des patients-es avec des taux neutralisant des concentrations d’interféron jusqu’à 100 fois inférieures. Résultat : les auto-anticorps qui bloquent ces faibles concentrations d’IFN 1 conduisent à des pneumopathies sévères. Par ailleurs, des données permettent de comprendre pourquoi l’âge est « un facteur de risque ». La présence d’auto-anticorps dirigés contre les IFN 1 est très rare avant 65 ans (0,2 à 0,5 %) ; elle augmente ensuite exponentiellement en vieillissant. Les auto-anticorps atteignent 4 % entre 70 et 79 ans, et 7 % entre 80 et 85 ans. Les causes et les mécanismes de cette augmentation dans la population générale restent à élucider, mais celle-ci explique en partie pourquoi l’âge est un facteur de risque majeur dans le développement de formes graves de Covid-19, conclut le communiqué de l’Inserm.